Le retour de plusieurs dirigeants historiques du Front islamique du salut en Algérie s’inscrit dans une double stratégie du président Bouteflika.
Tout d’abord tenter de se ménager les suffrages de ce courant qui, s’il n’a plus d’existence légale conserve une réelle influence dans la société. Par ailleurs les personnes autorisées à rentrer en Algérie n’ont pas de responsabilité directe dans les crimes ou les exactions commises par les groupes armés pendant les années 90.
Les négociations avaient été engagées il y a un peu plus d’un an et ont connu une accélération pendant l’été. Menées par des représentants des services de renseignements dans un premier temps, elles ont été relayées dans un second temps par des émissaires du chef de l’État. Cette implication directe de Bouteflika a eu pour effet de rassurer les exilés du FIS et donner poids aux propositions qui leur ont été faites.
Selon nos informations, il n’est pas exclu que d’anciens responsables du FIS puissent à nouveau investir le champ politique lors des élections municipales de mars 2007. Pour le moment on ignore encore la forme que cette participation pourrait prendre. Plusieurs hypothèses sont actuellement à l’étude. Naturellement la frange la plus radicale exige la création d’un parti, ce dont la présidence ne veut pas entendre parler. D’autres estiment qu’ils pourraient investir l’ex-Hamas et en prendre le contrôle grâce aux militants restés en deshérence depuis la dissolution du FIS.
Dans l’entourage de Bouteflika on s’inquiète des réactions d’une frange de l’armée et de la société qui pourraient très mal réagir à ces "tripatouillages" selon l’expression d’un ancien ministre de l’Intérieur. Depuis 1995 tous les suffrages qui se sont succédés ont été marqués par un réservoir de voix qui, selon les experts, correspond au courant islamiste du FIS absent du paysage politique depuis 1993.
Le fait qu’Abassi Madani, ancien président du FIS, ait condamné, depuis son exil de Doha, le ralliement du GSPC à la nébuleuse Al Qaëda est un signe qu’il y a une volonté commune de normaliser la place des islamistes dans le débat public en Algérie.