Agrippé à la présidence du conseil de surveillance du « Monde », l’arapède Minc n’a pas oublié de ménager son avenir.
Bonne nouvelle : la presse française renoue avec le feuilleton, un genre qui fit son succès au début du XXe siècle. Sauf que qu’il ne s’agit pas de raconter l’évolution du monde mais de détailler la vie du journal Le Monde. Comme chacun sait, l’actuel président du groupe et directeur du quotidien du soir, Jean-Marie Colombani, n’a pas obtenu les 60% de suffrages requis de la Société des Rédacteurs du Monde (SRM) pour pouvoir rempiler pour six ans.
Il a calé à 48,5%. Mais, après 13 ans à la tête du quotidien du soir, le Corse courtois mais ombrageux ne veut pas partir. Avec ses amis, en particulier le fringant Claude Perdriel (propriétaire du Nouvel Observateur, qu’il a transformé en une sorte de magazine people haut de gamme), il se livre à divers calculs pour expliquer qu’il a toujours la confiance des salariés. Il n’hésite pas à enrôler les personnels administratifs (qui ont voté massivement pour lui) alors qu’habituellement il les tient pour quantité négligeable. Bref, « JMC » ne veut pas partir. Il bénéficie du soutien des administrateurs qui représentent les entreprises : Jean-Louis Beffa, président de Saint-Gobain, Mario Colaiacovo (ex-Safran), Etienne Pfimlin (Crédit mutuel) et Pierre Lescure, l’homme qui a coulé Canal Plus. Mais peut-on aller contre la SRM ? Alain Minc, conseiller des grands patrons et président du conseil de surveillance du Monde, a compris que ce serait une erreur. Il n’arrête pas de lancer des fleurs au président de la SRM, Jean-Michel Dumay, dans l’espoir de conserver un poste - qui lui permet de négocier plus facilement ses contrats – même si Colombani est viré. « Jean-Michel Dumay est le meilleur patron de la SRM que j’ai jamais connu », a-t-il affirmé (Libération du 21 mai). Il a réuni les administrateurs « externes » le 24 mai au soir pour les convaincre de lâcher « JMC ». Grâce à des fuites, certains médias ont pu affirmer dès vendredi que les chefs d’entreprise siégeant au conseil du Monde avaient entériné le vote de la SRM. « Rien n’est plus faux, éructe l’un des intéressés. Minc essaie de sauver sa peau. C’est lamentable ». Un autre : « Minc est fini. Il a trop de casseroles et il n’a pas d’amour propre ni de convictions ». N’en jetez plus !
Du coup, Alain Minc a préféré reporter, « en plein accord » avec la SRM, le conseil de surveillance prévu le 25 mai qui devait entériner le départ de Colombani. « Ceci afin de permettre un dialogue constructif entre les parties conforme à la tradition de l’entreprise et de façon à préparer, dans un climat de confiance, la nouvelle composition du directoire à compter du 1er juillet 2007 », a-t-il assuré dans un communiqué. Les partisans de Colombani comptent sur ce répit pour retourner la situation en leur faveur. Sachant que Minc est détesté par la majeure partie des journalistes, ils comptent proposer à la SRM de les débarrasser d’un homme jugé désormais « nuisible » par un de ses anciens amis s’ils acceptent de prolonger l’ami JMC dans ses fonctions. « Ce n’est pas Colombani qu’il faut virer. C’est Minc. Il fait beaucoup de tort au Monde », assène un patron. JMC ne ferait pas un mandat complet et s’engagerait à partager le pouvoir. N’est-ce pas touchant ?