Juste avant la sortie du rapport annuel de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) rappelant, au détour d’un chapitre, les dangers de la mouvance sataniste, quatre chercheurs plaident la thèse inverse dans un livre très documenté (*). Pour eux, les adeptes de Lucifer ne feraient pas de mal à un ange.
Pendant le Moyen-Age, les tribunaux de l’Inquisition en France ont envoyé aux bûchers 30 000 personnes, pour l’essentiel des femmes issues du monde rural, accusées d’avoir passé des pactes avec le diable. Entre 1486 et 1669, le livre Le Marteau des sorcières, rédigé par deux inquisiteurs allemands, a été réédité 34 fois ! On sait maintenant que cette chasse aux sorcières ne recoupait aucune réalité historique. « L’Église a créé, pour une large part, un système complexe de sorcellerie contre lequel elle a mené, ensuite, une lutte implacable », affirment les auteurs du livre Le satanisme [1]
Dans son rapport annuel, qui sera remis au Premier ministre le 3 avril, la Miviludes affirme que 25 000 personnes en France, en grande majorité des adolescents, sont en contact avec le satanisme. « C’est ridicule. Je travaille sur le satanisme depuis douze ans. Savez-vous combien notre pays compte-t-il de vrais satanistes ? 110, certainement pas 25 000. Les autres, notamment les amateurs de musique black metal ou gothic, ne font que du braconnage satanique. Ce n’est que du bricolage intellectuel. Ils ne sont absolument pas dangereux », avance Olivier Bobineau, maître de conférence à Sciences-Po, et enseignant à l’Institut catholique de Paris, l’un des auteurs du livre.
En clair, si votre fils fait le « signe de la bête » (le poing fermé avec l’index et l’auriculaire redressés), cela ne signifie pas forcément qu’il se relève la nuit pour déterrer les morts dans le cimetière voisin. « Pour certains adolescents, c’est une façon de s’opposer, non seulement à ses parents, mais aussi aux professeurs, aux prêtres, aux patrons », ajoute Olivier Bobineau. Pour la petite histoire, le chercheur a été conseiller scientifique à la Miviludes pendant quelques semaines en 2005. Les relations se sont très vite détériorées. Et il ne déplaît pas au dissident de remettre en cause, à la faveur de ce livre, arguments à l’appui, les thèses de la Mission.
Mais qui profane les cimetières ? Toujours selon Olivier Bobineau, ces crimes seraient davantage le fait de néo-nazis, de cas sociaux ou pathologiques et non de satanistes. On lui objectera que la frontière entre les deux mouvances est loin d’être aussi étanche qu’il le postule. Ainsi, Il y a quelques années, le leader d’un groupuscule d’extrême-droite plutôt musclé se trouvait être aussi l’animateur d’un cercle féru de magie noire et de satanisme…
Lire aussi, dans Bakchich, des extraits du rapport annuel de la Miviludes
[1] « Le satanisme. Quel danger pour la société ? ». Sous la direction d’Olivier Bobineau. Éditions Pygmalion. 312 pages.
J’aime beaucoup l’intervention d’Ivan !!!
Notre époque est victime d’une historiographie désastreuse en ce qui concerne le Moyen-âge. L’inquisition medievale a condamner une vingtaine de personne au bucher sur une période de 3 siècles et les condamnations étaient appliqués à ceux qu’on appelait les relaps, hérétiques qui une fois convertis retombaient dans l’hérésie.
Mais pour ce qui est de l’inquisition espagnole, là c’est autre chose, c’est effectivement à l’heure de la raison que la chasse aux sorcières eut lieu. C’est aux heures où le monde passait de l’ombre à la lumière pour parodier Jack Lang, à l’heure ou nous passions de Jacquouille la fripouille aux grands navigateurs.
Heureusement que le cinéma engagé des Visiteurs et du Nom de la rose eut raison de la réputation d’une période qui pourrait passer si nous l’étudions honnêtement comme le meilleur moment de la civilisation occidentale.
Comment peut on dire ça ?
En comparant ! Hélas les gens du Moyen Age ne sont plus là pour défendre leur époque telle qu’elle fut vraiment et non telle que nous l’imaginons aidé par le cinéma d’auteur précédemment cité.
Nous vivons 60 ans après le génocide des juifs, 15 ans après le Rwanda et la Yougoslavie, pendant le Darfour, avec l’Assemblée des Nations Unis qui nous protège si bien des atrocités caractéristiques "des pages les plus sombres de notre histoire" comme aiment à la dire ceux qui engoncés dans leurs fauteuils croient leur époque formidable parce qu’ils peuvent se faire vacciner contre la variole et qu’ils ont Internet et un MP3.
Heureusement que nous ne sommes pas nés au Moyen Âge, nous aurions pu faire partie des 20 victimes de l’Inquisistion, être obligés de faire partie d’une corporation, construire une cathédral, écouter Galilée, Tycho Brahe, Kepler, dans des universités.
Bon, je termine sur une note de bonne humeur qui rassurera les victimes de la désinformation médiévale : Galilée n’est pas mort sur le bucher mais dans son lit, vieux et libre de poursuivre ses études astronomiques. Il y eut bien un procès mais le Pape de l’époque, qui était son ami, lui évita le bucher que ses ennemis lui promettaient en concentrant le débat sur le geocentrisme et non plus sur la transsubstancition, ce pour quoi certains incultes voulaient qu’il fut condamner.
Ne l’ébruitez pas, cela pourrait heurter ceux qui croient que le Moyen-Âge constitue 1000 ans de brutalité ecclesiale.
Permettez moi d’attirer votre curiosité de journaliste sur le fait que les sorcières, contrairement à une idée répandue, n’ont pas été brûlées au Moyen-Age mais à la Renaissance (aux XVe et XVIe siècles essentiellement).
Le Moyen-Age concevait le monde dans une dimension spirituelle dans laquelle la magie tenait toute sa place, et c’est en revanche à la Renaissance, où l’esprit de Raison et les Sciences se sont developpés, que la sorcière est devenue suspecte.
De plus, ce ne sont généralement pas l’Eglise qui les a directement accusées, mais les Princes, et cela dans des régions très ciblées (Allemagne, Espagne, Autriche). Au moment des guerres de religion, chacun y allait en effet de son soutien au Catholicisme ou au Protestantisme, et "montrait sa foi" en liquidant ces "mauvaises ouailles".
Plusieurs ouvrages du CNRS sur les sorcières mettent d’ailleurs en avant cette hypothèse, selon laquelle finalement la disparition des sorcières, à la Renaissance, sont le fait de considérations purement politiques.