Les écoutes, simples comme un coup de fil ?

Selon un document confidentiel révélé par France-Info mercredi, Matignon aurait envoyé un rappel à l’ordre au ministère de l’Intérieur dans l’affaire des écoutes téléphoniques. Histoire de rafraichir la mémoire de la place Beauvau en matière de respect de la loi.

D’après cette note, non seulement les services secrets n’ont pas le droit de se procurer de factures détaillées, dites «  fadettes », auprès des opérateurs téléphoniques. Mais ils ne peuvent non plus invoquer « l’article 20 de la loi de 1991 sur les interceptions de sécurité » pour réclamer ces données personnelles. Pour la simple et bonne raison que cette article ne concerne que la surveillance des transmissions hertziennes et non les communications par téléphone mobile.

Sur fond d’affaire Woerth-Bettencourt, cette initiative de Matignon jette un froid avec le directeur de la police nationale Frédéric Péchenard et le patron de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), Bernard Squarcini qui se sont évertués depuis des semaines à justifier la légitimité de tels arrangements avec la loi.

Pis, ce rappel à l’ordre reconnait implicitement le contournement de la loi par les services de renseignements. Selon le Canard Enchainé du 10 novembre, l’Elysée en personne aurait déployé une combine juridique pour mettre de son côté la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS) et interpréter l’article 20 à sa sauce.

Tout ça pour quoi ? Car en-dehors du cadre (il)légal, une mise sur écoute n’est pas simple comme un coup de fil. Fonctionnaire, pendant très longtemps Daniel G… a été au cœur du système d’écoutes d’un grand service de l’Etat. Il répond aux questions de Bakchich.

Bakchich. Écouter un téléphone portable, c’est simple ?

Daniel. Faux, les signaux émis par les GSM, les portables, sont cryptés. Pour capter il faut une technologie complexe et couteuse. Il existe une « valise » capable de piéger les portables, un matériel construit en Allemagne et par les anglo-saxons, mais son prix tourne autour de 300 à 400 000 euros. Mieux, les fabricants de ces machines ne sont autorisés à vendre qu’à des organismes habilités. En France, aucune officine de barbouzes privées ne détient cet appareil.

B. Celui qui veut écouter un téléphone, programme le numéro et attend ?

D. Pas si simple. Il faut savoir où se tient la « cible » et se rendre à proximité d’elle, en ville à 200 ou 300 mètres. A la campagne, selon le terrain, l’écoute se fait jusqu’à dix kilomètres. On peut donc écouter et enregistrer les conversations, mais si la « cible » bouge, il faut bouger avec elle. Ou cibler à leur tour les interlocuteurs que l’on a découverts en écoutant.

B. Comment faire avec les téléphones par Internet ?

D. C’est la barbe. C’est très difficile d’écouter l’ADSL sans mettre la ligne Internet en vrac. La « cible » voit alors qu’il y a un problème et demande à son opérateur d’y remédier. Pour prendre connaissance de ses mails, il y deux solutions, consulter de visu son ordinateur ou pénétrer à distance dans sa machine comme un hacker. Généralement on choisi la seconde solution.

B. Le téléphone portable n’a pas facilité « les écoutes ».

D. Si, grâce à la valise.

B. Pour passer inaperçu on peut utiliser la puce d’un téléphone étranger…

D. Ca ne tient pas longtemps. Exemple, je vous filoche, vous entrez dans un resto. J’écoute tous les portables du coin et je découvre votre puce.

B. Comment procèdent les services spéciaux, la police ?

D. On en reste aux bonnes vieilles méthodes. Pour le fixe on « tape » depuis les centres téléphoniques ; pour le portable chez les opérateurs GSM. Parfois, c’est drôle, il y a un problème financier afin de savoir qui va payer la ligne ouverte entre le lieu où on opère l’écoute et le centre où elle est traitée. L’administration est radine.

Pour connaitre vraiment ce qu’un type a fait avec son téléphone il n’y a pas d’autre moyen que se procurer ses factures détaillées. Ce qui oblige à une démarche auprès du fournisseur d’accès et laisse des traces. Je ne connais pas de fonctionnaires qui fassent ça « à l’arnaque ». Le mieux est d’avoir une couverture judiciaire.

B. Existe-t-il des boîtes privées qui pratiquent des écoutes sauvages ?

D. Mettre un magnétophone entre deux fils d’une ligne fixe, pourquoi pas, mais ça ne se fait pas en claquant les doigts. Et les gens utilisent tellement leurs portables que l’écoute de la ligne fixe ne suffit pas.

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