Budgets cachés, fonctionnaires fantômes, taxes indûes, dépenses bizarres : la Présidence de la République est fâchée avec l’argent !
Combien coûte la Présidence de la République ? A cette question simple, il n’y a, malheureusement, pas de réponse officielle crédible. Chaque année, le Parlement vote bien une ligne de crédits baptisée « dotation de la Présidence de la République » : celle-ci est passée de 3 millions d’euros en 1995 à 32 millions en 2006. Une inflation qui s’explique par l’affichage progressif de dépenses, qui étaient naguère prises en charge par d’autres ministères. Mais ces 32 millions sont encore loin de recouvrir l’ensemble des frais élyséens, qui semblent relever du secret d’Etat et s’apparentent à un invraisemblable puzzle financier. Expert de ce sujet, le député socialiste René Dosière estime que les dépenses réelles de l’Elysée avoisinent les 90 millions d’euros et qu’il serait temps de faire toute la lumière sur le budget du chef de l’Etat, encore trop opaque : « espérons qu’en 2007, un terme sera mis à ces pratiques d’un autre âge » a-t-il répété, devant ses collègues, le 16 novembre, arguant que rien ne justifie l’absence de contrôle du Parlement sur ces crédits : « même le Président des Etats-Unis rend des comptes au Congrès sur son budget ! »
A force de bombarder les différents ministères de questions, René Dosière et son collègue socialiste Pierre Bourguignon, rapporteur de ce budget à la commission des finances, ont tout de même obtenu, ces derniers mois, quelques renseignements très précis sur l’Elysée. Ce qu’ils ont glané vaut le détour.
La Présidence de la République, contrairement à une légende tenace, n’est pas une modeste maison. Près d’un millier de personnes (957 pour être exact) y travaille, dont 40% sont des militaires affectés à la sécurité. On y dénombre une centaine de personnes en charge de la « correspondance présidentielle », quelques 122 secrétaires, une équipe de 77 cuistots et serveurs, 36 agents chargés des télécoms et de l’informatique. Une vraie fourmilière ! Mais tous ne sont pas surmenés : les documents budgétaires révèlent que 37 gendarmes mobiles (souvent immobiles) sont affectés à la surveillance du château des Chirac à Bity en Corrèze. Or le couple présidentiel n’y séjourne quasiment jamais. Précision du ministère de la défense, publiée au journal officiel le 24 octobre dernier : ce dispositif coûte 1 921 407 euros par an aux contribuables.
Plus troublant : selon les réponses des ministères, le nombre de fonctionnaires mis à disposition de la Présidence de la République est de 724 personnes. Or l’Elysée affirme employer 957 agents, dont 91 sont directement payés sur sa tirelire. Conclusion arithmétique de René Dosière : « 142 personnes travaillent pour l’Elysée sans qu’on sache vraiment qui les rémunère ». Le député socialiste a demandé au Premier Ministre de lui fournir une explication sur ces pauvres 142 agents fantômes, disparus dans le triangle des Bermudes de la comptabilité publique. « Dans l’attente de sa réponse, on considérera qu’il s’agit de militants bénévoles de l’UMP » s’est amusé le parlementaire…
Autre curiosité, la Présidence a réglé depuis des années une « taxes sur les salaires » de ses agents… à laquelle elle n’était légalement pas soumise. La question soulevée l’an dernier par Pierre Bourguignon a fini par convaincre l’Elysée de ne plus régler cette taxe indûe. Economie pour le budget : 665 000 euros en 2007. Il faut croire qu’au Palais, personne ne connaissait vraiment les textes fiscaux concoctés par les technocrates de Bercy !
Les rapports budgétaires sont également plein d’autres scoops. On y découvre, par exemple, que le ministère de la culture a dépensé 2,34 millions d’euros en 2004 pour entretenir les domaines présidentiels de Rambouillet et Marly-le-Roy et 76 000 euros pour acheter du matériel agricole destiné au château présidentiel de Souzy-la-Briche. Des tracteurs culturels sans doute ? Par ailleurs, l’Elysée avoue disposer d’une cagnotte exceptionnelle (montant non précisé) consacrée aux aides « financières accordées, au nom du chef de l’Etat, aux personnes en difficulté financière, sur rapport des services sociaux locaux », sans que l’on sache qui y a droit ni comment ces mannes élyséennes s’articulent avec les dispositifs de minima sociaux existants. On apprend également que les avions de l’Escadron de transport, d’entraînement et de calibrage (ETEC, l’ex-Glam) ont volé 812 heures pour l’Elysée en 2005 (une dépense de 4,5 millions d’euros), soit nettement moins qu’en 2004 (1185 heures). Il est vrai que le Président a déjà pas mal d’heures de vol au compteur politique !
Enfin, dernière surprise, la Présidence affirme, dans les documents financiers, son « éco-responsabilité » avec l’achat d’ampoules à basse consommation, la mise en place de sous-compteurs d’eau, l’usage de biocarburants et le tri sélectif des déchets. Plus écolo que l’Elysée, y’a pas. On comprend mieux pourquoi Nicolas Hulot envisage de se lancer en campagne !