Un quart de siècle après les faits, celui dont le nom est l’épithète d’un célèbre cocktail de soirée étudiante est à nouveau déterré et envahit l’actualité.
Plus palpitant que "24 heures chrono", plus médical que "Dr House", plus trash que "Dexter", plus populaire que "Plus belle la vie", plus familial que "La fête à la maison", avec encore plus d’épisodes que Les "Feux de l’Amour"… L’Affaire Grégory !
Le 3 décembre 2008, la cour d’appel de Dijon avait ordonné la réouverture de l’enquête. Jeudi 22 octobre 2009, le procureur chargé de l’enquête a annoncé que l’ADN d’un homme et d’une femme, mais pas des parents, avaient été découverts sous un timbre et sur une lettre restés sous scellés. Trouvera-t-on le coupable cette fois-ci ?
« J’espère que tu mourras de chagrin, le chef. Ce n’est pas ton argent qui pourra te redonner ton fils. Voilà ma vengeance, pauvre con. » C’est le contenu de la lettre anonyme de l’abominable massacreur d’enfant qui a horrifié la France entière. Petit retour en arrière. Le 16 octobre 1984, le corps du petit Grégory est retrouvé dans la Vologne qui ne charrie habituellement que des branches de pins vosgiens. Jambes et mains liées, l’enfant est mort noyé.
« Murielle n’a plus qu’un ami, son chien »
Murielle Bolle, c’est la belle sœur de Bernard Laroche, le premier accusé et le premier inculpé de cette sale affaire, par le juge d’instruction d’Epinal, Jean-Michel Lambert, le 5 novembre 1984. Bernard est libéré le 4 février 1985 et se fait dézinguer le 29 mars suivant d’un coup de fusil par Jean-Marie Vuillemin, le père de Grégory et cousin de Bernard. Jean-Marie était persuadé de la culpabilité de Bernard. Premier dégât collatéral.
Murielle est une fille de fond de vallée, une « peute » comme on dit dans les Vosges. Une fille un peu simple, pas méchante. Le magazine « Reporters » de feu la cinquième, présenté à l’époque par Patrick de Carolis, interrogera cette petite rouquine et terminera sur une image de la gamine promenant son chien dans la verte vallée avec ce commentaire « Murielle n’a plus qu’un ami, son chien (…) La Vologne a trouvé sa sorcière ».
La « sorcière » s’était fait manipuler par le gendarme diligentant l’enquête. Le gendarme avait besoin d’un coupable. Bernard faisait l’affaire. L’opinion avait la dalle, il fallait la rassasier. Le père de Murielle, un peu con, faisait confiance au gendarme et avait signé la déposition de sa fille mineure de quinze ans qui envoya son gendre en taule. Marie-Ange, la femme de Bernard et sœur de Murielle, se retrouve avec un mari en taule, puis un mari mort, par la faute de sa petite sœur. Grosse ambiance à la maison ! « Un calvaire » dira la mère. Tu m’étonnes.
« Mémorable funambule de la pensée »
Ensuite, c’est au tour de la mère de Grégory d’être inculpée. Christine Vuillemin, l’infanticide ! Les journalistes sur place s’en donnent à cœur joie. Chacun fait son enquête, comme le « rat de la Vologne », Denis Robert, qui s’éclate comme une bête pour Libé. Christine est inculpée par le juge Lambert le 5 juillet 1985, incarcérée puis libérée mais toujours inculpée, et bénéficiera finalement d’un non lieu 3 février 1993 de la part de juges qui qualifieront leur collègue Lambert de « mémorable funambule de la pensée ».
Marguerite Duras avait-elle bu un coup de trop quand elle écrivit ça dans Libération à propos du meurtre ? Tout le monde était un peu porté par l’ivresse des hauteurs, la police et la justice ont fait pas mal de conneries, les journalistes se sont lâchés comme des cochons. Il faut dire que les clients étaient bons… les Vosgiens de fond de vallée sont un spectacle en soi… (votre serviteur connaît particulièrement bien les Vosgiens de fond de vallée). Accent à couper au couteau, gueules d’un autre siècle, langage frustre… Les journalistes parisiens découvraient une autre France et beaucoup de commentateurs ont eu dans cette histoire une forte propension à se foutre de la gueule des ploucs, consciemment ou inconsciemment, et c’est aussi pour ça que ce fait divers a eu tant de succès et en aura encore.
Aujourd’hui tout le monde va se pencher à nouveau là-dessus, on va redécouvrir les détails croustillants de l’affaire… il faut dire que ça faisait longtemps qu’on n’a pas eu un enfant à se mettre sous la dent !