Reniée par l’UMP, la petite réunion sur l’islamisation de la France organisée par la Droite libre n’a pas eu lieu jeudi. Quelques irréductibles étaient toutefois présents aux abords de l’Assemblée nationale.
Quatre pelés et un tondu. Quelques fourgons de CRS en prime. Au cas où. Voilà le maigre succès qu’a remporté, jeudi 30 septembre au soir, le débat « Immigration, islamisation : la France menacée ? » qu’avait organisé la Droite libre, mouvement satellite de l’UMP. Les raisons du bide ? Bouté hors des locaux de l’UMP, le débat n’a pas été admis non plus à l’Assemblée nationale. Quelques irréductibles ont donc tenu le pavé de la place du palais Bourbon sous la pluie armés d’un mégaphone. Point de débat. Mais une bonne dose d’islamophobie.
Au moment où certains élus de droite sont gênés par le projet de loi sur l’immigration, l’organisation au siège de l’UMP d’un tel débat aurait fait tache. Ultime camouflet, l’Assemblée nationale était seulement prête à concéder un bout de trottoir, l’espace de dix minutes, aux intervenants qui avaient fait le déplacement. La veille, le Conseil Français du Culte Musulman (CFCM) s’était ému de la tenue d’un débat aussi stigmatisant dans une enceinte de la République.
Tour à tour, les champions de la lutte contre l’islamisation de la France se sont égosillés pour dénoncer l’annulation du débat. Au petit jeu de nous-sommes-les-seuls-à-avoir-raison-contre-tous, ils ont fustigé la « lâcheté » des élus et accusé Bernard Accoyer, président de l’Assemblée nationale d’avoir « obtempéré à une fatwa » du CFCM. Ambiance.
Voix haut perchée, micro tremblant de rage, Christine Tasin remporte incontestablement la palme dans l’art de la dramatisation. Elle en aurait presque éclipsé la Droite libre à l’origine du débat. « Avec elle, ça marche, c’est notre pasionaria », murmure un des spectateurs. Sa rhétorique surfe sur la fausse naïveté : pourquoi annuler un débat « sans savoir si on dirait oui ou non » à la question posée ? Mais elle joue à fond la carte de la diabolisation en prétendant que l’annulation de ce débat « c’est déjà la charia ».
Christine Tasin, c’est une des inspirées à l’origine de l’apéro géant « saucisson-pinard » qui devait avoir lieu dans le quartier de la Goutte d’Or le 18 juin dernier avant d’être interdit par la Préfecture de police. Cette fille de femme de ménage qui dit s’être forgée une « conscience de gauche » souhaite un moratoire sur la construction des mosquées « tant qu’on aura pas expurgé le Coran de tout ce qui est contraire aux lois françaises ».
N’ayant pas trouvé facilement chaussure à ses idées extrémistes, Christine Tasin a créé sa propre association anti-Islam : Résistance Républicaine. Avant cela, elle avait quitté le MPF (Mouvement pour la France) de Philippe de Villiers, « quelqu’un de formidable » avoue-t-elle tout de même, parce qu’elle ne le trouvait pas assez radical envers le voile. Côté FN, elle dit préférer Marine à Jean-Marie Le Pen « parce qu’il est pro-Islam. Il est le grand ami d’Ahmadinejad en Iran. »
Christine Tasin trouve régulièrement tribune chez Pierre Cassen, l’éditorialiste de Riposte laïque, publication qui mène ouvertement le combat contre ce qu’il appelle « l’offensive de la viande halal ». Signe particulier : au nom de la liberté d’expression, Riposte Laïque soutient Geert Wilders, héros de l’extrême droite néerlandaise poursuivi en justice pour incitation à la haine raciale.
Pour Pierre Cassen, « la poussière sous les meubles, c’est pas une bonne idée ». Il compte bien faire le ménage du côté de l’Islam et dénonce la « capitulation » de la direction de l’UMP et des « gauchistes » en la matière. Il a rendu un poignant hommage aux CRS qui constituaient le plus gros de son auditoire ce soir-là : ceux sont les seuls à bien vouloir encore défendre sa « liberté d’expression ».
Ancien des jeunesses giscardiennes, dissident de l’UMP, Claude Fain est le vice-président de la Droite libre. Malgré son allure apprêtée, il peine à faire frétiller l’assistance si ce n’est deux ou trois vieilles dames qui viendront le féliciter après son discours. Il est là pour qu’on arrête « d’ennuyer ce beau pays de France » et « d’attaquer nos enfants ».
Mais ce chirurgien-dentiste de métier cultive le politiquement correct, enfin presque… Européen convaincu, il pense qu’il est hors de question d’accueillir la Turquie et « ses 85 millions de musulmans ». « Christine Tasin, elle est un peu excitée », lâche-t-il. « Mais on est pas là pour casser de l’arabe », assure-t-il pour se différencier du FN. Et d’insister : « Je pourrais me marier avec une noire. »
Pour lui, ce n’est que partie remise. « On va les aiguiller à l’UMP ». La Droite libre ne désespère pas d’être « associé » pour de vrai, un jour, à l’UMP et dit être en négociation avec le parti majoritaire alors que ce dernier s’est clairement désolidarisé du mouvement et de ses thèses. Claude Fain prétend aussi être soutenu par de plus en plus d’élus sans pour autant pouvoir citer un nom.
Marié, sept enfants, réserviste de la marine, avec son pardessus et son crane chauve, Xavier Lemoine pourrait sortir tout droit d’un épisode de Louis la brocante. Le maire de Montfermeil, commune de Seine-Saint-Denis touchée par les émeutes de 2006, était le seul élu UMP a avoir osé faire le déplacement. Fervent catholique, cet ancien du MPF est connu pour ses prises de positions contre l’immigration musulmane et prône l’assimilation.
En bon représentant du consensus mou, Xavier Lemoine n’était toutefois pas prêt à dézinguer l’UMP. Certes la « loi sur l’immigration est anecdotique ». Mais face aux jeunes de Riposte laïque prêts à en découdre, le maire n’a quand même pas voulu « porter de jugement péremptoire sur le gouvernement. » Faut pas pousser mémé dans les orties quand même !
« Il est de tout coeur avec nous », veut croire Claude Fain. Le grand absent de la soirée, c’était pourtant lui. Christian Vanneste devait être la tête d’affiche de la soirée. Après l’annulation du débat, le député UMP n’a cependant pas daigné se déplacer et a bien précisé qu’il n’était pas à l’origine du projet. Connu pour ses positions contre l’homosexualité, il a tout de même regretté sur son blog cette « atteinte que j’estime grave à la liberté d’expression ».
Dans la catégorie des débinards ont accordera également une mention spéciale à Rachid Kaci, fondateur de la Droite libre. Interrogé par l’AFP, le nouveau sous-préfet de Champagne-Ardenne a déclaré qu’il n’avait « plus rien à voir avec eux ni avec leurs thématiques » depuis deux ans. Pourtant, joint quelques jours plus tôt par Bakchich, Alain Vergonjeanne, porte-parole de la Droite libre, avait confié que Rachid Kaci « reste une référence. Ça le démange. Il reprendra son activité. »
Twitter
Facebook
Imprimer
Commenter
Recommander à un ennemi