La guerre civile continue entre Clinton et Obama

Le débat télévisé entre Barack Obama et Hillary Clinton du 16 avril dernier — le premier depuis six semaines et le seul avant la primaire de Pennsylvanie du 21 avril — sera probablement le dernier de la campagne pour l’investiture du Parti Démocrate. On voit mal pourquoi Obama, qui se voit déjà triompher à la convention d’investiture du parti, le 25 août prochain, se prêterait de nouveau à une telle inquisition.

Pendant les premières 52 minutes de ce débat de deux heures (si on exclut les trop nombreuses coupures publicitaires), Obama a été littéralement mitraillé de questions hostiles par les deux animateurs d’ABC, l’une des trois grandes chaînes de télévision hertziennes, avec NBC et CBS. Celles-ci l’ont visiblement agacé. Et pour cause ! Point de questions de politique gouvernementale ou de philosophie politique. A la place, des questions substantielles comme l’a si bien écrit le critique de télé le plus connu d’Amérique, Tom Shales, du Washington Post. Les deux animateurs « se sont exclusivement attardés sur des bagatelles cancanières déjà remâchées a l’infini par les medias, dans l’espoir de pousser les candidats à se griffer sur des disputes qui ne sont plus d’actualité. »

C’était le cas des questions sur les prêches controversés de l’ancien pasteur d’Obama, Jeremiah Wright alors que 29 jours se sont écoulés depuis le discours du candidat consacré au sujet et transmis en direct sur toutes les chaînes d’information câblées. Ou encore celui des questions futiles demandant pourquoi Obama ne porte pas un pin’s du drapeau américain piqué dans sa boutonnière. Toutes ces questions ont donné à Hillary l’occasion de relancer plusieurs de ses attaques préférées contre son rival avec en ligne de mire sa conception de la foi religieuse et son patriotisme. Et le critique du Washington Post d’en déduire que le comportement des deux animateurs d’ABC était « biaisé contre Obama. »

Obama questionné sur ses relations avec un groupuscule révolutionnaire d’extrême-gauche

Parmi les questions les plus vénéneuses figuraient celles de George Stephanopoulos, le correspondant en chef d’ABC à Washington, mais aussi un ancien conseiller politique de Bill Clinton lors de sa première campagne présidentielle puis à la Maison-Blanche où il a même été son directeur de la Communication ! Stephanopoulos a demandé à Obama de s’expliquer ses relations avec William Ayres, un ex-membre d’un groupuscule révolutionnaire d’extrême gauche, le Weather Underground, qui était solidaire avec Ho Chi Minh en pleine guerre du Vietnam, dans les années 60.

Aujourd’hui professeur respectable et conseiller du maire de Chicago, Ayres a été membre du comité directeur d’une association caritative en même temps qu’Obama il y a quelques années. Les agissements violents du Weather Underground et la tentative de les lier à Obama a déjà fait l’objet de polémiques à l’encontre du candidat sur la chaîne Fox News, propriété du réactionnaire Rupert Murdoch il y a quelques semaines. Etrange que Stephanopoulos y ait puisé son inspiration…

N’empêche. Hillary a instrumentalisé cette question sur Ayres et le Weather Underground pour charger Obama : « leurs bombes ont tué des innocents ! » a-t-elle crié. Encore un mensonge de la mère Clinton. Les bombes posées par la « guérilla urbaine » n’ont jamais tué personne. Elles ont simplement un peu endommagé quelques bâtiments gouvernementaux tels un commissariat de police ou, dans leur exploit le plus médiatisé, un WC du Pentagone. Le groupuscule avait en effet pris le soin de prévenir leurs cibles en amont, afin que les lieux soient évacués. Tout ça, « c’était il y une quarantaine d’années, quand je n’avais que 8 ans ! », a rétorqué un Obama exaspéré. Avant de relever que Bill Clinton a accordé une grâce présidentielle à deux autres membres du Weather Underground, dont l’un avait posé une bombe au Capitole, où siège le Congrès américain. Néanmoins, ce 16 avril, Obama est apparu fatigué, irrité, pas vraiment en forme, sans doute destabilisé par ces questions.

Ses propres attaques contre le candidat d’en-face desservent Hillary Clinton

Les attaques incessantes d’Hillary contre le sénateur sont autant de cadeaux inouïs au Parti Républicain qui ne manquera pas de les utiliser lors de l’élection présidentielle du mois de novembre. Et nombreux sont les commentateurs qui en déduisent qu’elle préfère une victoire de John McCain afin de préserver ses chances d’être investie par son parti en 2012. Mais la question est plutôt de savoir si elles profitent réellement à Hillary ? Ou si elles ternissent son image ? Selon un sondage du Washington Post publié le matin même du débat, 54 % des électeurs américains perçoivent Hillary de façon « défavorable ». Soit une hausse de 14 points depuis le même sondage mené le 12 janvier qui correspond à peu près à la date à laquelle Hillary a commencer à multiplier ses attaques contre Obama.

Pire encore, le sentiment qu’elle est prête à dire n’importe quoi pour gagner se confirme de plus en plus, surtout depuis qu’elle a récemment prétendu à plusieurs reprises que lors de son voyage en Bosnie (elle était alors à la Maison-Blanche), elle avait dû fuir en courant, tête baissée, les tirs des snipers lors d’une embuscade à l’aéroport de Tuzla à l’atterrissage de son avion. En réalité, les images des caméras de télévision qui ont filmé le soit disant incident montraient exactement le contraire : une petite fille apportant des fleurs à une Hillary souriante et marchant à son aise. Selon ce même sondage – l’un des plus fiables d’Amérique – seuls 39% des Américains la trouvent « honnête et digne de confiance ». Une majorité de femmes comme d’hommes pensent même que ces mots ne s’appliquent pas à elle. Parmi les indépendants (ceux qui ne sont pas affiliés à un parti), ce chiffre est encore plus bas et n’atteint que 37%.

C’est une des raisons pour lesquelles même si les sondages donnent Hillary toujours gagnante dans la primaire de Pennsylvanie, cette victoire n’assurera guère son investiture. En effet, même après le débat du 16 avril, désastreux pour Obama, trois des super-délégués, tous membres du Congrès des Etats d’Indiana et du Caroline du Nord qui voteront le 6 mai, ont déclaré leur soutien à Obama. Tout comme l’ancien influent sénateur Sam Nunn, une icône de l’aile conservatrice du Parti Démocrate. Ou encore comme Robert Reich, ancien ministre du travail de Bill Clinton. Enfin, une enquête du New York Times du 18 avril menée auprès des super-délégués montre que les attaques d’Hillary contre Obama « n’ont pas été convaincantes ». Un nouveau sondage du magazine Newsweek publié le même jour montre aussi un engouement démocrate pour Obama et ce, à l’échelle nationale : 54 % des Démocrates le plébiscitent contre 35% pour la Clinton.