Tiens, comme dirait l’autre, j’ai fait un rêve : sur les murs des stations de métro, dans les abribus, en pleine page des quotidiens, en bandeau sur les sites d’infos et les blogs, en spot à la télé, en annonce à la radio, un message puissant. Avec des images chocs, des chiffres effrayants, avec, s’il le faut, Adriana Karembeu, Line Renaud, Marek Halter, que sais-je ? Zidane, oui, puisque l’abbé Pierre est mort, et même avec tous les élus Verts du Conseil de Paris, avec Noël Mamère, Dominique Voynet, le mec des oiseaux, tous ceux qui râlent contre la corrida, avec toute la rédaction de Bakchich, bref : le gratin. Pour un message, un seul : ARRETEZ DE BOIRE DE L’EAU EN BOUTEILLES !
J’argumente. C’était l’autre jour la journée mondiale de l’Eau, et je n’ai pas une seule fois entendu proclamer (malgré une longue succession de plaintes justifiées, de prédictions calamiteuses d’appels à la compassion, de sollicitations écologiques et humanitaires), malgré ce concert de vérités inoffensives pour les industriels de la flotte potable pour pays riches, je n’ai pas entendu dire une seule fois que boire de l’eau en bouteilles, c’était :
primo, permettre à des sociétés privées de faire du fric en exploitant un bien qui appartient à tous ;
secondo, gaspiller un tas de barils de pétrole, puisque les bouteilles en plastique, c’est du pétrole transformé (1 500 000 barils par an pour les États-Unis, ai-je trouvé sur un site, j’ai pas de chiffre pour la France) ;
tertio, user encore plus de pétrole parce que cette bouteille, il faut la transporter, généralement sur des camions (en moyenne, 300 kilomètres), et prendre son auto pour aller en bourrer son caddy ;
quarto, saloper le paysage parce que, malgré tous les efforts de tri sélectif et de recyclage, les bouteilles de plastique vides sont, avec les vieux pneus et les batteries d’auto, dans le tiercé gagnant des déchets qui encombrent nos bois, nos golfes et même nos superbes « zones commerciales » ;
quinto, le faire pour longtemps (il paraît qu’une bouteille cachée sous les fougères a une espérance de vie de 500 ans).
J’ajoute que tous ces bénéfices environnementaux peuvent s’acquérir moyennant un effort incroyable : payer 200 à 350 fois plus cher un produit qui nous arrive au robinet pour moins de 4 euros la tonne (soit, pour les littéraires, 1000 litres). Personne n’accepterait de payer un tel impôt volontaire sur l’essence, le fromage de tête, les pompes à vélo et autres objets de consommation courante et nécessaire…
La consommation a pourtant doublé en 20 ans. Les chiffres sont hésitants (comme toujours, lorsqu’il y a des milliards derrière) ; disons 130 litres d’eau en bouteilles par personne, bébés compris. Il paraît qu’il y a encore de la marge…
Ah, mais, des fois, l’eau du robinet n’ est pas bien bonne. Figurez-vous que l’eau en bouteilles, non plus. En gros, l’eau du robinet a d’excellents scores : un bon quart des eaux « de source » sont d’une qualité pitoyable, à la limite de l’autorisé, et parfois en dessous. On cache cette merdouille sous un nom champêtre, on invente des légendes cathares ou vosgiennes pour mettre la barbe blanche de la tradition à un business né il y a vingt ans.
Mais le goût ? Les nouvelles techniques de traitement de l’eau potable font que l’odeur de chlore (qui disparait en une demie-heure dans une carafe ouverte au frigo) s’est considérablement allégée. De très nombreuses villes françaises ont une eau « sanitairement » et « gustativement » bien meilleure que les plus grandes marques, comme l’ont montré des séances de dégustation éloquentes… Essayez avec vos potes et l’eau de votre robinet.
Restent les eaux « minérales ». On peut admettre que leur goût spécifique (la salinité de certaines sources, par exemple) ou la présence de quelques substances minérales présentent un avantage (cher payé). Mais peut-on tolérer une publicité mensongère qui laisse entendre qu’une eau minérale peut faire maigrir qui que ce soit ! Les seules calories qu’elle peut gommer, c’est celle que vous usez en allant l’acheter à pieds. Si vous voulez maigrir, baisez comme des lapins, bouffez des légumes bouillis, courez le marathon, chacun son truc (le mieux est de consulter un(e) nutritionniste…), mais ne comptez pas qu’en buvant de la Minciprofiligne filtrée par les Alpes ou les volcans d’Auvergne, vous allez faire fondre vos poignées d’amour à la Sarko-d’avant-C., ou retrouver le 36 jeune fille de votre premier Tampax ! Et entre nous, le yaourt qui fait plus péter Mamie, parce qu’il « remet de l’ordre », c’est du même tonneau… On en reparle quand vous voulez.
Au Grenelle de l’Environnement, l’idée de lancer une campagne nationale contre l’achat d’eau en bouteilles a-t-elle seulement effleuré la table ? A-t-on chiffré l’économie de pétrole réalisable ? Ou alors, puisque les caisses sont vides, a-t-on envisagé de coller une taxe de 30% aux addicts de ce non-produit pour financer des économies d’énergie, réduire le CO2 et trouver un moyen pour que dans les régions sinistrées par la pollution (nitrates agricoles, élevages porcins à la bretonne, nappes niquées par le maïs arrosé…) nos concitoyens ne soient pas obligés, eux, de boire de l’eau en bouteille ?
On me dira : encore des taxes ! Je blaguais. La connerie, ça ne se taxe pas. Ça s’éduque… Il y a, sur un site gouvernemental très discret, un topo très clair. Mais, franchement, on en a moins parlé que des ours des Pyrénées !
Bonjour,
La bouteille d’eau nous saoûle ?
Moi, ce qui me saoûle, c’est d’être obligée de me coltiner ma carafe et mes verres… en verre lorsqu’il y a conseil municipal.
Conseil municipal qui se prépare en posant devant chaque élu.e une bouteille d’eau de 33 cl et un gobelet en plastique.
Pourtant, j’ai envoyé un mail au Maire de ma ville
………….. Monsieur le Maire,
Pour les conseils municipaux à venir, je souhaite avoir à ma disposition un verre et une carafe ; et ce en remplacement des bouteilles et gobelets en plastique. En effet, lors du dernier conseil municipal, j’ai dû venir avec ma propre vaisselle, ce qui n’est guère pratique.
Boire de l’eau en bouteille 33 cl, comme proposé à ce jour , est inconcevable :
Pour une question de coût : environ 2 000 euros le m3 l’eau en bouteille contre seulement 2 à 3 euros le m3 l’eau du robinet ;
Pour une question d’environnement, compte tenu de la matière première, du transport et des déchets que représentent ces bouteilles.
Par respect pour le personnel, je me propose de remplir moi-même, la carafe avec de l’eau du robinet ; cette tâche n’ayant pas à être à la charge d’un.e employé.e municipal.e.
Les gestes en faveur de l’environnement sont souvent simples. Il serait souhaitable d’étendre cette demande à l’ensemble des conseillers et conseillères municipales.
Veuillez recevoir Monsieur le Maire, l’expression de mes sincères salutations
……………
C’était en mai ; c’est sans réponse !!!
C’est bien gentil, mais allez donc expliquer ça aux gens qui vivent dans des régions où les nappes phréatiques sont polluées par les pesticides (France , premier utilisateur de pesticides en Europe) ou les nitrates (élevages porcins intensifs en Bretagne). Si je ne m’abuse la France a même été condamnée par l’Union Européenne à cause de ça.
Boire de l’eau du robinet ? Pas de problème à condition de ne pas habiter au milieu de la Beauce ou à Saint-Brieuc.
Vous avez parfaitement raison. Mais tant que tout le monde se paie de l’eau en bouteilles par plaisir, ceux qui la boivent par contrainte n’attirent pas vraiment l’oeil…Dans le papier, j’ai signalé votre calvaire. Je compatis !
S.B.
coup de gueule sympathique que je salue Il n’est pas inutile de rappeler que la boucle étant bouclée, coca cola devait lancer une marque d’eau de table ne contenant que de l’eau du Robinet ! Mais quelques écolos l’ont fait savoir. Pour autant ni la marque en question, ni Nestlé n’ont réellement renoncés.
Une taxe sur la connerie, faudrait y songer :)
en attendant quelques villes américaines ont déjà suspendu l’achat d’eau minérale.