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L’Isetta

vroum vroum / dimanche 5 octobre 2008 par Jacques Gaillard
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Dans un monde correctement ordonné, les riches devraient avoir de grosses voitures, et les pauvres, des petites. Heureusement, pendant longtemps, les pauvres n’eurent pas de voiture, et l’on put se contenter de fabriquer d’énormes limousines, sauf en Amérique, où tout le monde est plus riche, et où Laurel et Hardy, ces branleurs, pouvaient s’offrir une Ford T avant d’en démolir quarante. Chez nous, autour de la toile cirée de la table de la cuisine, en écoutant les « Maîtres du Mystère » à la radio, on rêva pendant des années de la bagnole pas chère : il y eut la 4 cv Renault, la 2 cv Citroën, mais au beau milieu des années 50, il fallait encore attendre deux ou trois ans ces merveilles populaires (mais chères !) après avoir passé commande…

L’Isetta - JPG - 204.7 ko
L’Isetta
© Jacques Collombat

Survint alors, en 1957, un objet roulant difficile à identifier : une sorte d’énorme goutte d’eau sur quatre roues, les deux de devant étant deux fois plus écartées que les deux de derrière. Assez rapidement, on le compara à un pot de yaourt (à l’origine, il était peint en blanc). Ceux qui n’ont jamais vu cette bagnole ne peuvent pas se l’imaginer : figurez-vous qu’elle n’avait qu’une seule porte, qui n’était autre que sa façade avant. Oui, on l’ouvrait par l’avant, comme on ouvre un frigo, on montait s’assoir sur une unique banquette, et on refermait la porte. La poignée se trouvait côté passager, les gonds, côté conducteur. De chaque coté, des phares ronds comme des yeux d’insecte faisaient saillie, et donnaient un regard à cette face camuse éclairée d’un sourire en forme de plaque d’immatriculation. Quand il pleuvait, évidemment, l’eau du ciel rentrait généreusement dans l’habitacle lorsqu’on montait à bord, et inondait le plancher d’ouù jaillissaient trois absurdes pédales et un volant ridicule emmanché sur un long tube, assez ressemblant à un champignon anorexique.

Ce véhicule au design stupéfiant développait une puissance modeste – il était équipé d’un bruyant moteur de motocyclette, à deux temps ou à quatre temps, et je ne me souviens plus combien il avait de chevaux sous le capot, si l’on peut dire, puisqu’il n’avait pas de capot. En revanche, je me souviens qu’il m’a transporté une fois, une seule, mais inoubliable. Au beau milieu de la circulation urbaine, assis quasiment au niveau du sol, un cabas garni de légumes entre les jambes, j’étais terrorisé. On s’immobilisait, après un long et grinçant freinage, à trente centimètres du cul énorme des autobus, au ras d’un pot d’échappement d’où s’échappaient des volutes de gaz noir, puant et sûrement délétère. Les petites roues transmettaient fidèlement à mes fesses le moindre pavé, le plus petit caillou, la plus humble dépression dans le bitume. Mais le pire fut quand la route se dégagea. Il y avait quatre vitesses, et, en quatrième, il me sembla qu’on allait exploser, comme une bulle, tant l’habitacle vibrait.

Féminine en diable

La conductrice était une voisine, une dame élégante, toujours affairée et abondamment parfumée, qui m’avait recueilli sur le chemin des commissions avec mes poireaux et mes patates. Car cette voiture conçue pour être populaire enchanta principalement les épouses de bourgeois, bourgeoises elles-mêmes et audacieuses, car conduire n’était pas encore vraiment une affaire de dames. Minuscule, l’Isetta se garait sans difficulté (il est vrai qu’à l’époque, se garer ne présentait pas vraiment de difficultés : il y avait de la place un peu partout, le long des caniveaux), et l’on pouvait même la ranger perpendiculairement au trottoir. Fonctionnelle et originale, elle incarnait une modernité radicale, comme le fit plus tard la DS Citroën, mais en plus, l’Isetta était féminine en diable, on peut même dire que ce fut la première « automobile au féminin » par sa taille et son style, et ce malgré l’inconvénient de cette porte frontale qui ouvrait de larges aperçus sur les jambes de la dame embarquée avec son caniche dans cet oeuf pour égoïste. Mais les hommes ne la prirent jamais au sérieux. Sauf quelques médecins, pour les visites. Figurez-vous que cette chose bizarre, inventée en Italie, construite en France et au Brésil, mais surtout en Allemagne, sauva de la faillite la firme BMW, qui prit le risque de la fabriquer alors qu’elle était sur le point de couler. Deux ans plus tard, Fiat lançait sa Nueva 500, pour enterrer le look à peine post-mussolinien de sa Topolino. Le surnom de « pot de yaourt » changea de victime, et passa à cette naine sympathique qui, elle, avait le sens de la famille, de l’amitié, de l’humour : car l’Isetta, entre nous soit dit, ne fut jamais qu’une pincée amusante de snobisme sur roues. Il est périodiquement question de la rééditer, au nom de l’économie d’énergie. Chiche !


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6 MESSAGES

Forum

  • L’Isetta
    le dimanche 30 novembre 2008 à 13:38, papalerebelle a dit :
    Son nom complet était je crois, "Isetta Velam", remplacée aujourd’hui par la ridicule Smart, véhicule publicitaire favori des coiffeurs et agences immobilières de Province. Ce véhicule était un pur objet de voyeurisme pour les passants avec la complicité perverse des conductrices, à l’époque les collants n’existaient pas ! Combien ont attendu la conductrice chargée de paquets sur le trottoir, matant la vitrine et se retournant d’un coup pour vérifier la plaque d’immatriculation. Et leur surprise, après le grand sourire de la conductrice ravie de se savoir si séduisante avec son slip Chantelle ou sa gaine Scandale ! Tout une époque révolue hélas, maintenant les Smarteuses ont le préservatif et le gel dans la boite a gant ! C’est la mort de la poésie.
  • L’Isetta
    le lundi 6 octobre 2008 à 11:00, gerardlesb a dit :
    Cette astucieuse petite voiture de ville avait un grave défaut structurel : comme les deux roues arrières étaient rapprochées, on avait pensé inutile de mettre un différentiel. Ceci entraîna une grande aptitude au dérapage non contrôlé et une usure rapide des pneus arrière. Sinon la portière à l’avant était une solution ingénieuse, l’Isetta étant conçue pour se garer face au trottoir. Aujourd’hui c’est la Smart qui rend le même service.
  • L’Isetta
    le lundi 6 octobre 2008 à 10:59, Abar a dit :
    Un petit détail en plus, les vitesses étaient à gauche et inversées. C’est très amusant à conduire, mais attention aux distances de freinage. Bonne journée.
  • Pas si sûre..
    le dimanche 5 octobre 2008 à 14:47, jibe a dit :
    Il faut ajouter que sa tenue de route était plus qu’aléatoire et que nombre d’Isettas se sont retrouvées les quatre fers en l’air suite à un coup de volant un peu trop vigoureux.
  • L’Isetta
    le dimanche 5 octobre 2008 à 13:08, Marge a dit :

    J’étais fascinée par cette petite voiture garée régulièrement devant la librairie de mon père, fascinée autant par sa forme, sa couleur blanche - ce qui n’était pas commun à l’époque -, que par son nom qui résonnait comme un diminutif féminin.

    Je devais avoir 4 ans, 5 tout au plus et j’ai découvert que le monde des adultes n’était pas uniforme, que certains d’entre eux étaient originaux et savaient prendre des risques, au vu de l’hilarité provoquée parfois chez certains clients. L’Isetta appartenait.. au directeur de l’école primaire de garçons, sise en face de la librairie ! C’était à Ivry sur Seine, dans une rue adjacente à la rue Staline, débaptisée depuis, on s’en doute.

    Je ne possède pas de voiture mais je verrais d’un assez bon oeil la réédition de l’Isetta.. à l’identique et non pas revisitée 21e siècle. Pas seulement pour la nostalgie mais aussi pour montrer que la réflexion sur la place de la voiture etc. a commencé bien avant aujourd’hui.

    • L’Isetta
      le samedi 21 mars 2009 à 23:16

      "je verrais d’un assez bon oeil la réédition de l’Isetta.. à l’identique et non pas revisitée 21e siècle."

      un beau reve mais malheureusement impossible. non pas que l on ne puisse plus les refaires mais simplement elle ne serraient jamais autorisées à rouler sur routes ouverte. Les legislations en matiere de securité des vehicules ont tellement changés ( ou plutot sont apparus depuis)que ce genre de vehicule conçu voila plus de 60 ans ferraient actuellement passer sont constructeur pour hérétique auprés des organismes de certification si il cherchait à obtenir un certificat de circulation.

      Il va de soit que pour pouvoir etre commercialisé et circuler librement un vehicule doit repondre à ces normes et qu elles sont incompatible avec une conception aussi agée. Au mieux ont peu esperer voir un vehicule reprenant le concept (bmw a presenté un projet) mais mis en conformité donc fortement modernisé.

      En ce qui concerne les smart elles font partie a mon avis de ces voitures qui marqueront la generation qui les a vu naitre comme l on fait certaines de ses devanciéres plus illustres (cf DS,2cv,Mini) certains les detestent mais d autres leurs vouent un vrai culte. Generalement les premiers n’ont même jamais fait un tour avec.

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