Obnubilé par l’affaire Clearstream, le juge Henri Pons en a presque oublié d’enquêter sur les méga-parachutes dorés prévus, en 2000, dans les contrats de 15 hauts cadres de la chaîne.
Chargé de l’affaire Clearstream, le juge Henri Pons, discret par habitude, est encore moins disert sur le camouflet que lui a infligé la cour d’appel de Paris. Le magistrat était chargé d’enquêter sur les méga « golden parachutes » accordés en 2000 par Canal + à une quinzaine de hauts cadres, avant la fusion du groupe avec Vivendi et Seagram.
Les contrats de travail de ces petits privilégiés avaient été amendés en 2000 par une clause exceptionnelle prévoyant que ces collaborateurs de Canal pourraient prétendre – en plus des indemnités de licenciement normales – à une belle enveloppe d’un montant égale à trois ans de rémunération nette. Un énorme cadeau accordé par le patron d’alors de Canal, Pierre Lescure, chiffré par un rapport de synthèse des flics à 90 millions d’euros, si jamais tous ces salariés avaient demandé à bénéficier de ces clauses miraculeuses…
Ayant décidé de s’asseoir sur le dossier en délivrant un non-lieu en 2005, le juge s’est attiré les foudres de la chambre de l’instruction, qui lui a renvoyé l’affaire et ordonné de reprendre son enquête. Depuis, Pons a bien commis quelques vagues auditions, mais sans grand entrain. On le comprend. C’est jamais agréable d’être désavoué par ses collègues.
A lire les résultats de l’enquête ficelée par les flics de la brigade financière, les faits auraient dû pourtant passionner la justice. Quelle est leur conclusion ? « Au cours de l’année 2000, alors que la situation financière de Canal + est totalement dégradée, messieurs Pierre Lescure, président, Denis Olivennes, directeur général et Philippe Duranton, directeur des ressources humaines, ont fait signer à 15 cadres dirigeants de cette société des avenants à leur contrat de travail pour leur faire bénéficier de ”golden parachutes” totalement exorbitants et dérogatoires du droit commun (3 ans de salaires nets de toutes charges sociales et fiscales, hors de toutes conditions d’ancienneté et quelque soit la cause de la rupture du contrat de travail), sans équivalents, à notre connaissance, dans une société de droit français et faisait supporter un risque, pour Canal + SA, chiffré à 90 millions d’euros par la partie civile ». Rien que ça.
Pour les flics, loin de fidéliser les fameux chouchoutés de Canal, ces gentillesses « constituaient en réalité un instrument de dissuasion financière pour tout actionnaire de référence de Canal + SA qui aurait souhaité le départ du président ». C’est Xavier Couture (président après Lescure) et Edgard Bronfman (actionnaire de Vivendi) qui le disent. des mauvaises langues, probablement.
D’autres membres du groupe susurrent que les modifs des contrats avaient été décidées par les cadres « afin d’assurer leurs arrières », voire de « protéger les plus hauts placés dans le cas de brusques débarquements ». Opacité organisée autour de ces clauses miracle, aucune provision passée dans les comptes (pour 90 millions d’euros, la somme aurait mérité d’exister dans la comptabilité…), direction visiblement alertée du risque pénal inhérent à ces avenants, en vain…
Au finish, trois cadres ont saisi les prud’hommes pour faire appliquer le contrat, mais seul le DRH du groupe a bénéficié des « conditions exorbitantes de ces avenants », touchant 3 894 131 euros après 41 mois de présence à Canal… sur des comptes au Luxembourg. Le petit malin !
Pour le juge, circulez, y a rien à voir. En avril 2005, il signe une ordonnance de non-lieu. La chambre de l’instruction, en revanche, n’est pas du même avis. Elle demande au magistrat de reprendre sa copie et d’enquêter notamment sur les « abus de biens sociaux » présumés, et sur d’éventuels « faux et usage de faux », car une expertise montre que les fameuses clauses auraient été antidatées…
Mais le magistrat, obnubilé par Clearstream et que l’on avait annoncé partant en détachement à la banque Mondiale, à Washington, reste finalement à Paris. Où il risque de s’endormir sur le beau dossier des golden parachutes de Canal +…
J’ai été un de ceux à l’origine de la plainte contre ces messieurs qui s’étaient auto attribués ces golden parachutes mirifiques. L’enquête a été longue. Si la brigade financière a vite compris et qualifié la gravité des faits, la procédure jufidiciaire a été étonnemment lente, les résistances nombreuses. Les pressions pour mettre fin à l’affaire n’ont pas manqué, de toutes parts (d’où l’anonymat du message)…. Finalement, il semble que depuis quelques jours (juin 08) le juge ait lancé les mises en examen de l’ensemble des personnes concernées, signataire et bénéficiaires. 5 ans après la plainte…. L’affaire devrait donc rebondir !
C.
A suivre….