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Jean Marie, Colombe honnie

Medias / vendredi 25 mai 2007 par Paul Litzer
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Alors, viré ou pas le patron du Monde ? Insondable mystère autour de Jean-Marie Colombani, grand homme resté incompris par ses journalistes et plus qu’encourager à aller prophétiser ailleurs…

Les grands hommes ont tous des visions, et tombent souvent de haut. À n’en pas douter, Colombani fait partie de cette honorable caste. « Ils n’ont qu’une idée en tête, c’est de me virer », a prédit l’imperator à Libé le 21 mai dernier, la veille du vote des journalistes du Monde sur son maintien à la tête du groupe du même nom. « JMC », comme il aime à se faire appeler, a compris un peu tard que quand on se donnait un objectif précis on avait de grandes chances de réussir.

Les scribouillards ont effectivement obtenu sa tête. Non content de ne pas atteindre les 60% requis pour pouvoir être reconduit, Jean-Marie n’a même pas franchi les 50% (48,5% pour et 46,7% contre, 3% blancs). L’occasion d’un grand procès des mauvais votants, sceau du magistère Colombani depuis la défaite de Jospin.

Monté en première ligne, son ami et néanmoins patron du Nouvel Obs Claude Perdriel s’est amusé à gloser -« Ce n’est pas un échec pour Jean-Marie Colombani »-, remettre en cause la légitimité du vote -« dans un vote démocratique, on se fonde sur les suffrages exprimés »-, et tancer les conspirateurs - « Les élus de la SRM tentent d’arranger les chiffres ».

Autant d’amabilités avant de finalement tenter le ballon d’essai, « si Le Monde est une société démocratique, il n’y a aucune raison que Jean-Marie Colombani parte », qui a remporté un franc-succès. « Même ceux qui ont voté pour lui sont ulcérés par ces procédés », se renfrogne un électeur.

Et pour enfoncer le clou, JMC a signé –et écrit ! précision importante- une petite lettre à ses lecteurs dans le quotidien vespéral, pour les prévenir de la crise qui « menace de déstabiliser, voire de détruire, votre journal ». Amoureux du Monde, aux barricades, Jean-Marie vacille sous les attaques de fieffés coquins, les animateurs de la Société des Rédacteurs du Monde (SRM).

Depuis des lustres ils ne cachent plus vouloir en finir avec leur auguste patron, qui, fallacieuse accusation, n’écoutait plus personne. Diable, les grands hommes ne peuvent qu’être seuls voyons…

D’aucuns lui reprochent aussi sa folie des grandeurs, pourtant terreau de tous les héros, et sa volonté de constituer un groupe de presse autour du Monde, un peu à la manière de Robert Hersant autour du Figaro dans les années 1980.

D’autre pointent les moyens mis en oeuvre, quand seules les fins sont belles. Sans argent et Minc (président du conseil de surveillance et conseiller de François Pinault et Vincent Bolloré) en poche, Colomb’ a fait preuve d’inventivité. Sitôt racheté, PVC, propriétaire Télérama, est dépouillé de ses actifs juteux (des immeubles et une société de gestion des abonnements). Dans la finance, on appelle ça « se payer sur la bête ». Midi Libre tombe aussi dans la besace. Malgré les acrobaties, le rêve a échoue : plus de 150 millions d’euros de pertes cumulées en six ans.

Enième vil argutie des manants, la gestion pourtant limpide du prince : tout faire pour conforter son pouvoir et celui de ses fidèles. Achat de la paix sociale avec le puissant syndicat du livre CGT, promotion des affidés, limogeage des fortes têtes. Et pour les récalcitrants une sanction exemplaire : Jean-Paul Louveau, nommé directeur général fin 2004, a été viré en mai 2006 (avec un chèque de 1,3 million d’euros) pour avoir osé tenir tête au monarque.

Machiavel de l’écrit, JMC s’est par la même occasion débarrassé d’un rival potentiel, Louveau trop apprécié par les patrons qui siègent au conseil de surveillance. Car le faste et le pouvoir sont le péché mignon du grand homme. Depuis les années 1980, il fréquente assidûment la classe politique, a même envisagé de devenir ministre, et a appris à dompter le sens du vent. Récemment, il a mis son journal au service de Nicolas Sarkozy. Avant le premier tour, il a fait la leçon, dans un édito, aux électeurs de Bayrou, accusés de ne pas être démocrates. Avant le second tour, il a appelé prudemment à voter pour Royal. Tout le monde a cru qu’il voulait mesquinement sauver sa peau, puisque sa rédaction s’était prononcé à 70% pour la madone du Poitou.

Vrai patron (avec le salaire qui va avec, 30 000 euros par mois, selon des journalistes), JMC s’est aussi échiné dans la chasse au grisbi. Un pèlerinage dont certains ont réduit la portée. Il s’est contenté de réclamer de l’argent aux entreprises pour renflouer Le Monde, hurlent d’irréductibles mauvais coucheurs. « Ce n’est pas un investissement. On subit de bonne grâce une forme de racket », a récemment le pédégé d’un grand groupe sans doute pingre.

Quant à la stratégie, l’histoire parle d’elle-même. La filiale Internet dont il se vante lui a été proposé par Lagardère à la fin des années 90. Et, une fois encore visionnaire, il y a tellement cru qu’il n’a jamais intégré la rédaction Web -logé dans le XIXe arrondissement parisien- avec le reste de la rédaction, sis dans le XIIIe. Ceux qui lui ont présenté des projets dans le numérique sont sortis effarés de son bureau. Il écoute cinq minutes les exposés techniques et financiers et finit par imposer une discussion sur la politique.

Finalement, le mystère dans cette affaire, ce n’est pas son limogeage par d’insensés badauds. C’est le fait que les journalistes du Monde, dans un accès de grâce, l’aient élu. Treize ans plus tard, les ténèbres ont repris le dessus. À moins que dans un ultime élan, le destrier Colombani cabre et s’accroche à son siège. « Il a déjà détruit la spécificité du journal, un quotidien détenu par ses salariés plutôt que par des industriels, maugrée un ancien de la maison. Forcer le dernier verrou – le veto de la société des rédacteurs- ne serait qu’une continuation logique ». Un scénario qui ne manquerait pas de panache…

Voir en ligne : in Bakchich # 36

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1 MESSAGES

Forum

  • Jean Marie, Colombe honnie
    le vendredi 25 mai 2007 à 20:05, antoine a dit :

    Bonjour à tous, dans la même veine, n’oubliez pas de vous procurer le livre de Laurent Mauduit (ancien rédacteur en chef du service économique du Monde) intitulé "Petits conseils". Ce livre décrit parfaitement les dérives du petit monde économique français et notamment la main mise de la sphère industrielle et financière sur la sphère médiatique avec évidemment, pour corollaire, la soumission.

    En quelques exemples choisis dans l’actualité (Libé, Le monde, Vinci, St Gobain, etc.), Laurent Mauduit, tel un enquêteur méticuleux, démêle les ficelles qui relient la haute finance, les médias, la politique et l’amitié (cherchez l’erreur) à travers le personnage d’Alain Minc, conseiller des princes, multi-cartes et multi-vestes, homme de paroles (au pluriel) et bien sûr, grand lecteur des livres qu’il va réécrire.

    Lucide mais rempli d’optimisme, ce livre offre un pur moment de bonheur.

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