L’élection présidentielle en Afghanistan, prévue le 20 août prochain, se prépare dans un contexte de guerre. Avec des affrontements violents et anciens, comme ces images inédites d’un bombardement aérien mené par l’armée française en Afghanistan en 2005, le montrent.
Article déjà publié dans Bakchich le 25 août 2008 :
Ces images d’Afghanistan devaient rester secrètes. Filmées fin 2005 par des soldats français (vidéo de 4’10’’), elles montrent notamment nos forces spéciales en train de bombarder une base de Talibans dans une zone frontalière avec le Pakistan. Ces frappes interviennent dans le cadre de l’opération militaire américaine Enduring Freedom (« Liberté immuable »), lancée en octobre 2001 par les Etats-Unis. Objectif : chasser les Talibans du pouvoir en Afghanistan et traquer Al Qaïda.
Les forces spéciales françaises ont participé à Enduring Freedom de 2003 à 2006 avec environ 200 hommes sur le terrain. Ceux-ci appartenaient aux commandos marine, au 1er RPIMa (Régiment de parachutistes d’infanterie de marine), au 13è RDP (Régiment de Dragons parachutistes) et au CPA10 (commandos parachutistes de l’air). Ils opéraient sous commandement américain et, manifestement, l’armée américaine leur a sous-traité différentes actions. Dont ce bombardement.
« La visite précipitée de Nicolas Sarkozy à Kaboul a fait apparaître les Français comme des faibles aux yeux des Talibans »
Bakchich a également rencontré un officier français spécialiste de l’Afghanistan qui souhaite conserver l’anonymat. Il revient de ce pays où des combattants talibans lui ont raconté comment ils perçoivent les troupes françaises et leurs bombardements.
Comment les Talibans voient-ils les troupes étrangères présentes en Afghanistan dans le cadre de la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS) ?
Les Talibans se considèrent du côté du bien et estiment que les forces étrangères se comportent en barbares. Surtout les Américains. Par exemple, ils ne comprennent pas que ces derniers ne procèdent pas à des échanges de prisonniers, ce que les Talibans avaient l’habitude de faire dans le passé. La doctrine de guerre de l’administration Bush les considère en effet comme des terroristes et non comme des soldats. Les Talibans se plaignent aussi que les Américains torturent leurs prisonniers alors qu’eux-mêmes affirment qu’au nom de l’Islam, ils n’ont pas – et ne peuvent pas avoir – recours à ces pratiques. Enfin, ils perçoivent avec le plus grand mépris les bombardements de ce qu’ils appellent les « forces occupantes ». Pour eux, le combat d’homme à homme est une vertu masculine. Le bombardement qui tue sans discernement est considéré comme une pratique injuste.
Justement, l’armée française bombarde régulièrement leurs positions. Quel impact cela a-t-il sur la perception qu’ont les Talibans des soldats français ?
La seule chose que les Talibans disent des Français est : « ils bombardent ». Ce qui, à leurs yeux, nous place moralement du mauvais côté. On est donc loin de l’image des Français qui nous est restituée par les grands médias nationaux faisant l’éloge de la « French touch » et du comportement humain des soldats sur le terrain ainsi que dans les villages afghans. Aujourd’hui, les Talibans ne font plus aucune différence entre les Français présents en Afghanistan avec des armes et ceux présents sans armes, comme les humanitaires. Ils se disent que dans les deux cas de figure ce sont des étrangers qui les occupent.
Selon vous, comment a été interprétée la visite de Nicolas Sarkozy en Afghanistan après le décès de dix militaires français au cours d’une attaque talibane le 18 août dernier ?
La visite précipitée de Nicolas Sarkozy à Kaboul leur a fait apparaître les Français comme les faibles ou le ventre mou de la coalition internationale présente en Afghanistan. Ce qui ne peut que les inciter à concentrer désormais sur eux leurs attaques.
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Un soldat est payé pour tuer et mourir.
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