Enfumage. Saluons le triomphe de ce mot qui évoque parfaitement cette belle évolution de l’art politique.
Quelle est cette femme en burqa qui chemine devant moi par les rues, bravant scandaleusement les interdits ? Je presse le pas pour la dépasser. Quelle gaffe ! C’est une religieuse de chez nous ! Mais de face, direz-vous, aucune confusion n’est possible.
Vous oubliez les religieuses apicultrices, comme il en existe plus qu’on ne croit, même à Paris (VIIe arrondissement). Comment se passer de ces masques illégaux, qui dissimulent les traits quand on tire son miel de ses propres ruches ? Les législateurs ont-ils songé qu’avec leur loi d’interdiction radicale, ils rendent mortellement périlleuse l’étape essentielle de l’élevage des abeilles, et compliquent l’existence d’un secteur déjà largement sinistré par l’insecticide Gaucho et autres frelons prédateurs.
À propos d’enfumage, saluons le triomphe de ce mot, qui est aujourd’hui dans toutes les bouches. Il est vrai qu’il évoque parfaitement cette belle évolution de l’art politique qui suggère non plus d’agir, ce qui implique trop de choix, trop de risques, mais d’annoncer qu’on agit. C’est plus tranquille. « Savoir-faire ! » claironnaient depuis toujours les candidats à nos suffrages. « Savoir-faire, et faire savoir », ajouta, vers la fin du siècle dernier, le subtil M. Sarkozy, qui avait des amis dans la publicité.
Certes, un danger menaçait ce sage principe, en ce que la première partie du programme est beaucoup moins agréable à mettre en œuvre que la première. Mais Karl Rove, l’efficace conseiller de George W. Bush, a su rétablir l’équilibre en remarquant qu’un bon faire savoir, une bonne com, rend pratiquement inutile le reste du savoir-faire.
Ainsi s’est installée mondialement cette remarquable génération de vantards modestes, dont notre Président, à la force de la langue, a su devenir un des leaders mondiaux. Avec cette brillante inflexion personnelle : « Vous m’avez élu, vous l’avez voulu. Je ne fais qu’appliquer votre programme. » Exemple : le bouclier fiscal. « En votant majoritairement pour moi, les Français m’ont donné mandat pour le mettre en place. », etc.
La méthode est tellement efficace que tout le monde s’y met, y compris les volcans. Et on devient vite accro : chacun sait qu’il est dur d’arrêter d’enfumer.