Le danger des récits bien écrits et bien construits sur la prison, c’est qu’ils me donnent envie d’être incarcéré. Rien que pour l’aventure, rien que pour avoir l’impression de vivre. Comme les bons romans noirs, ils servent de miroir. Ils me renvoient à ma condition presque vide d’électeur socialiste, ou pire, d’ami de militants du Modem.
J’ai tutoyé des assassins, d’Hubert Grall échappe à la règle. Ce petit livre ne nous donne pas envie d’aller en zonzon. Non pas parce qu’il est mal écrit ou mal construit, au contraire. Parce qu’il ose le choix simple d’être touchant et surtout humain, oui, dans le mal aussi. On y croise toutes sortes de gens. Jean qui vient d’étrangler sa mère, Marcel qui a fait exploser son épouse d’un coup de carabine, mais aussi des gens moins violents comme un Zaïrois capable de multiplier les euros, un Sri Lankais innocent, un rebeu qui n’a pas inventé l’eau chaude et encore moins compris l’efficacité des prélèvements ADN.
Tout un monde où le triste, le petit, le mesquin, croisent des erreurs, des douleurs et plus rarement des joies. Une écriture presque scolaire, studieuse et efficace décrit une communauté humaine avec ses pâtes pas cuites, ou plus désagréable encore, trop cuites. Ici les couvertures sont trop fines, il fait froid. Certains détenus sont bêtes à buter du pointeur. Il reste la gentillesse perdue dans des violences inhumaines gratuites, stupides.
Hubert Grall, qui fut lui-même détenu, trouve les mots pour parler de cette humanité et plus particulièrement d’une certaine gentillesse. Ses chapitres pourraient être autant de nouvelles, de portraits, de lettres à sa compagne, à ses enfants. Mais c’est un livre et c’est pour nous tous. À lire comme le cadeau d’un ami retrouvé qui aurait passé quelques mois à l’ombre.
j’ai aimé le bouquin d’abord pour son style, qui n’en rajoute pas à la lourdeur (a priori) du sujet, au contraire. ici, pas de misérabilisme, ni d’intolérance, un regard juste et pas mal de recul. à la limite, décrite comme ça, la prison est moins dure que je ne l’imaginais. Mais sans doute parce que l’auteur ne veut pas insister sur les aspects pénibles.
En tout cas cela rappelle utilement que l’extrait d’humanité qu’on trouve en zonzon n’est pas forcément si différent du groupe du dehors, juste plus concentré (pas si différent au départ, mais à l’arrivée ?)
Un livre qui se lit facilement, et l’air de rien, on est un peu moins bête après avoir reçu les témoignages que l’auteur a choisi de partager. Une belle réussite.
J’ai acheté ce bouquin au salon du livre à Limoges. Ce récit n’est pas misérabiliste, au contraire, c’est plein d’humour, de faits divers tragiques et d’histoires drôles. Les histoires que raconte l’auteur sur le système de santé, en plus poétique que le livre de Dominique Vasseur, ne donnent pas du tout envie d’aller ce faire soigner en zonzon. La visite chez l’ophtalmo avec des chaînes partout est particulièrement émouvante.
J’ai bien aimé aussi le passage ou l’auteur interroge les autres détenus sur la culpabilité. Très édifiant. Un récit passionnant d’un ancien détenu qui ne s’en fait pas une gloire, ne se la pète pas et raconte ses aventures avec le recul nécessaire pour nous captiver et présenter une vision originale de l’intérieur d’une prison. Ça n’a rien à voir avec les séries américaines dont on nous gave et ça éclaire la réalité de nos belles taules de France.