Tout s’achète au Cameroun : un faux certificat d’assurance, un article de presse conciliant, un diplôme… Quand on a l’argent, tout devient possible.
Derrière la belle galerie de lois et de règlements qu’affiche le régime bureaucratique de Paul Biya, la seule règle qui tienne est celle du Cfa. Un immense marché dérégulé, en somme, qui ferait fantasmer les plus libéraux zélateurs de Sarkozy.
Le milieu universitaire n’échappe pas à cette triste loi de la jungle, où seuls les lions sont rois. Quelques petits millions et vous voilà inscrit à la prestigieuse École Nationale d’Administration et de la Magistrature (ENAM) ou diplômé de la non moins renommée École Normale Supérieure (ENS). Pour repaître le lion, rien de mieux qu’une épaisse liasse de biffetons. Seulement voilà, mis à part quelques rejetons d’apparatchiks, rares sont les étudiants qui peuvent sortir des millions de leur édredon. Malgré la cotisation des familles, et parfois des villages entiers, pour envoyer leur progéniture étudier, les centaines de milliers d’étudiants camerounais sont plutôt misérables. Difficile d’accéder à un logement décent ou d’acquérir le moindre livre. Alors il faut souffrir, et subir la loi des fauves.
Principales victimes de ce système implacable : les étudiantes, bien souvent contraintes de faire commerce de leurs charmes pour poursuivre leurs études. Quand on n’a pas d’argent, on fait fructifier d’autres atouts. On trouve par exemple des « sponsors » prêts à payer, contre quelques douceurs, les frais de scolarité ou les factures d’électricité. Et on fait les yeux doux aux professeurs pour s’assurer le passage dans l’année supérieure. Certaines étudiantes auraient ainsi réussi à faire rédiger leur mémoire de fin d’étude… par leur propre enseignant ! Ce n’est pas toujours le stylo qu’il faut toucher, pour avoir de bonnes notes. Des « notes sexuellement transmissibles », selon l’expression consacrée.
Rares sont celles qui avouent caresser la bedaine de leurs prof’ pour s’attirer leurs faveurs. Mais il en est qui acceptent tout de même de lever un coin de voile. C’est le cas de Marguerite [1], étudiante en Histoire, qu’on rencontre sur le campus de Yaoundé. La demoiselle, qui avait « fait un cursus académique sans problème jusque-là », n’a jamais rien offert pour parvenir jusqu’en Licence. Mais elle est confrontée depuis quelques temps aux étranges pratiques d’un enseignant qui s’évertue à sanctionner arbitrairement les jolies étudiantes, ou à « égarer » leurs copies. Il « fait du chantage en bloquant les cursus », explique Marguerite. Une stratégie courante [2] qui l’a obligée à repiquer sa Licence, et permis à son maître-chanteur d’inscrire de force les étudiantes les plus appétissantes dans son propre TD, histoire de les avoir à l’œil et à portée de main. Une sixa nouvelle manière [3]…
S’il y a certes des jeunes filles qui s’offrent « volontairement » - ou, du moins, préventivement – à leurs maîtres, il y a donc, à l’évidence, des enseignants qui abusent de la chaire fraîche et de l’impunité dont jouit, au Cameroun, toute forme d’autorité. Difficile de se plaindre du harcèlement, regrette Marguerite, résignée, puisque « la hiérarchie soutient » le cruel enseignant. Et les autres prof’ ? « Ils sont au courant, affirme-t-elle, mais ce sont des carriéristes : ils se taisent pour s’attirer les bonnes grâces de leurs supérieurs ! ». Étudiante consciencieuse en dépit de son injuste « échec scolaire », Marguerite connaît bien les lois de son pays : même le silence s’achète.
[1] C’est un pseudonyme.
[2] « Je m’insurge contre ce genre de pratique, expliquait lui-même le directeur de l’ENS, André Mvesso il y a quelques mois. Notamment lorsqu’un professeur retient les notes d’une jeune fille en représailles à ses avances restées vaines. Il y a des cas et tous ne sont pas dénoncés », Mutations, 28 décembre 2005.
[3] La sixa était l’endroit où les missionnaires catholiques du Sud-Cameroun « préparaient », pendant de longues semaines, les jeunes femmes à leur futur rôle d’épouses et de mères. Dans son roman Le pauvre Christ de Bomba (1956), l’écrivain camerounais Mongo Béti raconte les pratiques assez peu catholiques – sexuellement parlant – dont ces institutions pouvaient être le théâtre.
Bonjour à tous
Malheureusement, ce qu’au congo-brazza nous appelons "droit de cuissage" est pratique courante. La loi du plus fort s’applique toujours plus en afrique centrale.
D’ailleur j’ai remarqué que ce "droit de cuissage" devient une pratique répandue dans les fac et autres grandes écoles en france et à paris notamment. En effet, pour certains élèves il faut travailler dur pour financer son année/logement/sa popote etc. En travaillant autant il reste moins de temps pour préparer ses contrôles…. ce qui fait la joie de profs (memes femmes) qui peuvent fricoter avec les élèves les plus "appetissants" ou ceux qui peuvent vous faire profiter d’avantage.
Un cas arrivé dans mon établissement parisien : une prof qui obtient de grosses réductions d’un élève bossant dans le luxe (marque de sac à main et autres botines mondialement connues) résultats de partiels dans la matière concernée : 20/20 (moyenne annuelle de l’élève dans la matière 05/20) → oui vous avez bien lu. acheter 60 une marchandise qui vaut 100, personne ne refuse.
La loi des fauves, vous le dites bien…money money money