Martine Aubry devient donc Première Secrétaire du PS avec soi-disant 102 voix d’avance sur Ségolène Royal, sur près de 135 000 votants. Dans 20 ans, bien sûr, tout le monde aura oublié le nom de Martine Aubry, mais sans doute pas celui de Ségolène Royal. Elle est la parfaite représentante de cette démocratie spectaculaire qui vient d’élire Barak Obama aux Etats-Unis. Son jeu à l’écran est complètement moderne ; dirigée par Dominique Besnehard, l’agent des stars, c’est une Marianne pour écran plat. Le genre directrice d’école un peu fofolle avec des petites pointes de mysticisme républicain, ici ou là. Le réformisme, mais avec un léger grain, disons le poivre d’une révolution un peu planante, ni rose ni rouge, plutôt mauve.
En somme, on ne lui donne pas un an et demi, juste le temps de régler les questions d’intendance, pour, à la première occasion (il n’en manquera pas) prendre ses cliques et ses claques, c’est le moment de le dire, et fonder son propre parti, de centre-gauche, juste à la droite du PS et juste à la gauche du Modem de François Bayrou. Ce qu’on appelle un étouffe-chrétien.
Le P.S. connaîtra alors son malheur de n’avoir pas fait revoter les militants pour placer Ségolène à la tête du parti. Mais il sera beaucoup trop tard. Les socialistes s’apercevront qu’Aubry a fait faillite, que Delanoë est trop bobo pour séduire le peuple, et que Sarkozy les a délestés de leur seul atout maître, Dominique Strauss-Kahn en le plaçant au F.M.I. Débuté en juillet 2007, son mandat de cinq ans s’achève en effet après les élections. Et comme il est renouvelable, on le voit mal lâcher la proie pour l’ombre, et venir taquiner dans cette pétaudière électorale celui-là même qui l’a placé à Washington. Il faudrait qu’il ait tripoté trop de petites culottes au goût des Américains pour en arriver à cette extrémité-là. Parions qu’il est déjà en réhab’.
La crise au P.S. sonne en tout cas le glas du bipartisme. L’air de rien, deux nouveaux partis politiques se sont fondés en France en une seule semaine : celui de Jean-Luc Mélenchon et celui de Nicolas Dupont Aignan. Les deux partis majoritaires s’étaient récemment entendus pour simplifier la République en démocratie bicolore à l’américaine : les bleus contre les roses. C’est raté. Tout un arc-en-ciel politique est en train de se reformer, avec un problème à l’horizon : il ne cadre plus avec les réformes institutionnelles récemment adoptées.
Tout cela fait évidemment les affaires d’Olivier Besancenot. Avec la double crise — économique et socialiste — sur les fonds baptismaux de son NPA, l’angélique postier est décidément béni des dieux communistes révolutionnaires. D’ici à ce que Sarkozy parie dans ces circonstances, pour la prochaine présidentielle, sur un 21 avril à l’envers, avec Besancenot au second tour… Mais n’anticipons pas. « C’est un très grand crime d’avoir raison avec six mois d’avance », disait Saint-Just. Alors trois ans…