La police affirme ne s’être intéressée à Julien Coupat, principal suspect des sabotages SNCF, qu’à partir d’avril. « Bakchich » l’évoquait dès le mois de février. Un coup de chapeau d’Arnaud Viviant…
Mis en ligne le 20 février 2008, un article de Bakchich intitulé « Alliot-Marie voit Action directe partout » se terminait par une allusion directe à Julien Coupat, aujourd’hui passible de vingt ans de prison pour « direction d’une structure à vocation terroriste » : « De doux poètes, ces autonomes, qui rêvent de “zones libérées”, se verraient bien vivre, à l’instar des pirates, sur l’île de la Tortue, libres du “joug” de toute société normalement constituée… Il faut dire que parmi les trois tendances qui composent les mouvements autonomes, la première est influencée par des idées anarchistes, la deuxième est plus proche de l’ultra-gauche, c’est-à-dire de la gauche de la gauche des partis communistes, et la troisième puise carrément dans les idées situationnistes, la critique radicale de la société du spectacle chère à Guy Debord. On les voit d’ailleurs graviter autour d’un imaginé Parti imaginaire. »
Brillante intuition que de finir cet article sur ce Parti imaginaire. Mais nullement imaginé, puisque Julien Coupat dirigeait bel et bien, jusqu’en 2001, une revue aussi intellectuelle que confidentielle, Tiqqun (http://fr.wikipedia.org/wiki/Tiqqun), qui se voulait « l’organe conscient du Parti imaginaire » pour son premier numéro en 1999, puis « l’agent de liaison du Parti imaginaire » pour son deuxième et dernier numéro en 2001. Tiqqun que France Culture décrivait cet été comme ayant été dans le droit fil des grandes revues d’avant-garde, comme l’Acéphale ou Le Grand Jeu, excusez du peu.
D’ailleurs, deux articles de cette revue ont fait l’objet de publications en livres, Théorie de la jeune fille aux éditions Mille et une Nuits et Théorie du Bloom aux éditions de la Fabrique, avant que celles-ci ne publient deux ans plus tard L’insurrection qui vient au milieu d’écrits de socialistes révolutionnaires du XIXe siècle, réédités avec l’appui de la région Ile-de-France.
Contrairement à ceux de Blanqui ou de Marx, voilà en tout cas « un livre qui intéresse les policiers », comme le titrait Le Parisien. Et désormais beaucoup d’autres puisqu’il pointait, dimanche, parmi les cent meilleures ventes d’Amazon.fr, à la soixante-dixième place. Un livre, surtout, qui vaut à Julien Coupat d’être désormais considéré comme le « cerveau » de cette « communauté invisible » décidément très visible. Une communauté que le JT de France 2 n’hésitait plus à qualifier de commando dans son édition de samedi soir, en dépit de la présomption d’innocence. Et de « toute preuve solidifiée » ainsi que le déclarait le procureur Jean-Claude Marin, en sa brave novlangue juridique.
Il est vrai aussi que l’article prémonitoire de Bakchich en février s’inscrivait, pour le dénoncer naturellement, dans un plan com’ de la ministre de l’Intérieur, qui s’inquiétait de la résurgence des mouvements autonomes. « Une manœuvre pas tout à fait innocente » écrivait alors Bakchich.
Reste à comprendre comment et pourquoi cette cellule invisible pour les uns, visible pour les autres, n’a pas été stoppée plus tôt au vu de son extrême dangerosité. Ces « doux rêveurs » étaient surveillés depuis des mois. Un mouchard a même été placé sur la voiture de Coupat, ce qui a permis de le filer jusqu’à proximité des rails de chemins de fer le soir même où il est soupçonné d’avoir commis un acte « terroriste » de malveillance contre la SNCF, mais pas, hélas, de le filer jusqu’au moment où il le commettait. Une intervention plus rapide aurait permis à des dizaines de trains d’arriver pour une fois à l’heure, entre le 26 octobre et le 8 novembre.
Mais pas de faire totalement oublier la crise économique, il est vrai.
Voici pour vous aider à comprendre : "le petit livre beige des saboteurs de la SNCF" De quoi vous permettre d’avoir un avis argumenté.
Amicalement.
Chers confrères, Arnaud Viviant le premier ( avec un coucou perso et amical à Jacques Marie…),
Désolé, Bakchich a en effet évoqué le premiers les frousses de MAM. MAIS, dès mars l’année dernière, à la sortie des 128 pages de "L’insurrection qui vient", une de nos consoeur de l’Obs ( je n’ai pas d’actions, ni directe ni indirecte chez eux, même pas un abonnement), notait que certains des auteurs vivaient désormais en communauté, dans une ferme, etc". Elle n’était tout de même pas mal placée au niveau infos ! A part cela, et trêve de " c’était pas toi le premier à avoir le scoop, na !", pour ce qui me concerne, j’essaie de ne voir que les infos… La pire de celle livrée par M.Marin, ci-devant Procureur de la République de Paris, dans sa conférence de presse commentant les interpellations, était que les jeunes gens interpellés avaient décidé de passer à la lutte armée et même ( peut-être) avaient ils imaginé de "s’attaquer à des personnes"… Bigre, sortez de ces corps, Général Audran et les autres… Et le magistrat d’appuyer sa démonstration en citant le bouquin dont Julien Coupat, considéré comme le chef de ce groupuscule, serait l’auteur. Et l’ensemble de la presse de citer à profusion certains passages de cet opuscule, notamment celui où il est question de la manière de stopper les TGV… Surprise, tous les médias citent les mêmes passages ( ceux qui vont dans le sens du Proc’ et qui font "peur"). Samedi, je m’arme de deux heures de patience et j’englouits les 125 pages du "brûlot". Re-surprise, page 116, dors-je ou rêves-je ? Le sous-titre indique : "Eviter autant que possible l’affrontement direct"… Page 118, autre sous-titre ; " Etre en armes. Tout faire pour en rendre l’usage superflu. Face à l’armée, la victoire est politique". Développement : " Il n’y a pas d’insurrection pacifique. Les armes sont nécessaires.Il s’agit de tout faire pour en rendre l’usage superflu". Page 119 ; " Une insurrection est davantage une prise d’arme, une "permanence armée, qu’un passage à la lutte armée. On a tout intérêt à distinguer l’armement de l’usage des armes". Et plus loin : " un authentique pacifisme ne peut pas être refus des armes, seulement de leur usage". Re-bigre ! , la surpuissante Sous direction de l’antiterrorisme de la direction centrale de la PJ se serait-elle gourré de bouquin ? La maison poulagas aurait-elle planqué des choses au Procureur ? Pas grave, comme personne ne semble avoir pris le temps de lire l’ouvrage en entier, le public n’aura pas droit à cette mise au point. Car il n’est bien entendu pas question d’imaginer une seule seconde que les morceaux cités partout aient été choisis après que M.Marin ait pointé ledoigt sur ceux-là, plutôt que les lignes citées plus haut… Alors, que ces "braves" jeunes gens aient voulu bloquer des TGV, cela ne fait pas beaucoup de doute. D’ailleurs, si les keufs qui les suivaient et qui sont allés en bordure de voie ferrée constater qu’il n’y avait pas de bombe sur le ballast ont apparemment et simplement oublié de lever les yeux vers la caténaire… Ils auraient peut-être du… même si la SNCF n’a pas besoin de sabotages pour arriver en retard. Mais bien entendu, les suiveurs ont expliqué que ce n’était pas là qu’avaient été posés les pièges à TGV mais plus loin, plus tard, alors que la filoche avait été perdue quelque temps… Ah mais alors ce n’était pas la peine de dire par ailleurs qu’il y avait une balise sous la bagnole de Coupat… Allez, on va arrêter. Certes, ces jeunes gens n’avaient peut-être pas derrière la tête QUE des idées d’agriculture en communauté… Mais laissons le dernier mot à certains hauts gradés de la gendarmerie qui pleurent qu’on leur aient retirer l’enquête. Pour expliquer qu’on aurait pu leur laisser les cinq dossiers que les Procureurs territorialement compétents leur avaient confiés, ils n’hésitent pas à dire aujourd’hui " ce n’est pas du terrorisme, c’est du vandalisme…". Message transmis au Procureur Marin.
Ayant lu en grande partie l’insurrection qui vient, je trouve ce livre intéressant bien écrit mais bon ça pisse quand même pas très loin. Un peu de Deleuze et ses territoires, un peu de Debord, et sa société du spectacle, pas mal de pose rebelles (ha les pages sur les émeutes en banlieue, amusant comment on s’approprie les actes du prolétariat), toujours cette critique systématique sur les organisations, les syndicats… Ce côté "on a tout compris" est fatigant surtout qu’au final où on arrive à pas grand chose, ok il faut se mettre en rupture, sortir du territoire, être le territoire, et hop ! comme ça, la révolution va arriver d’un coup. Toujours le même spontannéisme ridicule.
Bref bon petit livre d’étudiant en science politique aux analyses qui peuvent être intéressantes et aux propositions très limitées. Politiquement, rien de neuf sous le soleil post-situ.
Une question : et si tout ce charivari n’avait pas pour but pour le gouvernement non pas de détruire les autonomes mais de les favoriser ? La répression féroce de certaines manifs (comme à Vichy récemment), cette affaire, me font me demander si l’état bourgeois et policier ne cherche pas avant tout à créer cette mouvance "anarcho-autonome" dont ils parlent tout le temps. C’est à dire des militants non organisés attirés par la violence et l’action immédiate, beaucoup plus faciles (malgrè ce qu’ils pensent) à contrôler et à manipuler contre les orgas révolutionnaires…
"Reste à comprendre comment et pourquoi cette cellule invisible pour les uns, visible pour les autres, n’a pas été stoppée plus tôt au vu de son extrême dangerosité."
D’autant plus qu’il y va le la mise en danger des utilisateurs/clients/citoyens/contribuables de la SNCF qui dans l’histoire joue sa crédibilité, donc son image de marque en terme de sécurité et de responsabilité quant aux obligations contractuelles passées avec ses cochons d’payants mais aussi de son personnel.
La question revient a s’interroger si le "laxisme" qui prévaut place Beauvau est la conséquence d’une incompétence chronique ou de calculs assassins et rudement futés.
Je ne sais pas pourquoi, mais à chaque fois que je vois Mam entre deux "heu", tenter de nous expliquer à quoi on pourrait peut-être échapper, je revois Colin Powell en train d’agiter sa salière magique à l’ONU. Il n’est pas impossible qu’elle soit prise en otage dans ce foutoir.