Le Petit Prince, ce divin enfant vieux de 60 ans, renaît sous la plume de Joann Sfar, auteur à succès de bande-dessinée. Après les premières planches publiées ces derniers mois dans « Télérama », l’album est sorti cette semaine aux éditions Gallimard. Remake.
Joann Sfar s’est attaqué à un monument du conte, le Petit Prince. Une belle prise de risque. Concurrencer les aquarelles de Saint Exupéry est un vrai défi. Il s’agit de ne pas décevoir des millions de petits et grands lecteurs, bercés par le fameux « dessine-moi un mouton ».
D’autant que Sfar pourrait se reposer sur ses lauriers, lui qui s’est déjà édifié une place au soleil dans le monde de la bulle, notamment avec sa série le Chat du rabbin, conte explorant l’univers de la religion juive. Bien que son style particulier ne fasse pas toujours l’unanimité, ils sont déjà nombreux, aficionados et néophytes, à admirer ce nouveau maître du genre. C’est une évidence, Joann Sfar a réussi le difficile pari de conquérir le cœur de ceux « qui ne sont pas vraiment BD ». Pour ce nouvel album, tout a été d’ailleurs soigneusement préparé pour faire effet. Télérama a publié tout l’été les bonnes feuilles, comme l’avait fait le magazine Elle en 1946 pour le livre original.
Si le texte a été gardé intact, le petit prince prend un coup de jeune, avec des couleurs vives et bien plus nettes que celles de l’original. Depuis les années 1940, le logiciel Photoshop a remplacé la boîte d’aquarelles dans bon nombre de cartons à dessin. Le petit blondinet semble donc moins lunaire même s’il continue à ramoner éternellement ses volcans miniatures. Parmi les personnages du conte, on n’échappe pas à l’épisode du renard : « si tu m’apprivoises, ma vie sera comme ensoleillée. Je connaitrai un bruit de pas qui sera différent de tous les autres ».
D’une version à l’autre, les scènes se répètent mais ne se ressemblent pas. Le trait de Sfar en impose. Sous sa plume, le Petit prince prend des nouvelles mimiques, parfois même inquiétantes.
Le blondinet se rebelle ? Assurément non. Mais l’auteur laisse entrevoir la possibilité. Sous ses airs de s’en tenir à la philosophie de départ, aux chemins tracés, Sfar joue les troubles-fête dans cette institution du conte. Le Petit Prince n’a qu’à bien se tenir !
Maintenant que l’album est disponible dans son intégralité aux éditions Gallimard, reste à voir si le Petit Prince made in Sfar séduira autant que l’original de « Saint-Ex ». L’écrivain disparu lors d’un accident d’avion peut tout de même dormir tranquille, la relève est assurée.