Ah, Cuba ! A peine prononce-t-on som nom que les paroles fusent, la tension monte, les corps crient et ne s’entendent plus. Jusqu’à ce que la discussion agitée s’achève, souvent par un gars qui martèle que de toute façon, Cuba, c’est une dictature, et que comme pays des libertés, franchement on a vu mieux. Sourd refrain.
Un livre original, par sa présentation autant que par son contenu, raconte autrement un autre Cuba. Un récit de voyage, Cuba Miracles, écrit par Ramon Chao, dessiné par Wozniak, mis en scène par Marjorie Guigue, et en musique par Antoine Chao. Les quatre ont fait le voyage ensemble, en 2006. Au moment des grandes manifestations étudiantes en France contre le Contrat de Première Embauche (CPE). Mais de ces événements d’Outre-Atlantique, à Cuba, on ne sait pas grand chose.
Au fil des pages, l’on découvre (ou redécouvre) une île aux paysages dont la splendeur est accentuée par son histoire. Au croisé d’un chemin, pointent des traces, indélébiles, de la Révolution : « Ce massif, c’est la Sierra. oui, la fameuse, l’unique, celle de Fidel dont tous les Cubains peuvent vous entretenir. Au pied de la Sierra, il y a toujours “la” maison d’où démarra la Révolution », une nuit de juillet 1953. Il y a aussi la « simple tombe de marbre blanc où reposent 34 héros de la Révolution, non loin de José Marti, le héros de l’indépendance de Cuba ».
Mais Cuba aujourd’hui, c’est quoi.
En plus de la pauvreté, des restrictions de libertés, et du rejet du capitalisme de son voisin nord-américain ; Cuba, c’est la musique de Santiago. Et les déjeuners de poulet dans un paladar, des préparations originales parfois, imprégnées d’histoire elles aussi : un midi, la bande des quatre se retrouve attablée autour d’un « poulet à la mayombé, d’origine africaine, avec diverses influences de la cuisine française – par la voisine Haïti – et de la cuisine espagnole ». Cuba, c’est les fêtes de tumba francesa, qui font partie de « ces activités récréatives qui prirent une dimension d’entraide sociale ». Et puis la Salsa, conséquence du blocus économique imposé à l’île par les Etats-Unis, effectif à partir de 1961.
Le Cuba d’aujourd’hui, c’est une Constitution qui garantie la liberté religieuse. Et les Cubains ne s’en privent pas. « Dans les rues de La Havane, des signes attestent l’importance de la religion. Le poète Miguel Barnet le dira beaucoup mieux que moi : “Prends n’importe quelle rue de ma ville, Et tu entendras les tambours invoquant la prière, Et un dieu mi-tonnerre mi-palmier, Parlant dans les coquillages.” »
La religion ne dérange pas, peut-être parce que les stimulants de la société cubaine ne reposent pas sur l’argent, mais sont moraux. Aussi, on mise sur l’éducation, gratuite, comme la santé et les loisirs, et comme l’impôt, puisqu’il est inexistant. L’éducation est fondamentale, car « il faut être cultivé pour être libre » (José Marti). (Et ça marche : l’illettrisme est dorénavant complètement éradiqué à Cuba).
Cuba, c’est aussi le pays « de miel et de tabac », et la disparition de « l’or blanc », le sucre : la moitié des centrales sucrières qui fonctionnaient dans les années 1960 sont aujourd’hui arrêtées.
Pour le dessinateur Wozniak, Cuba, c’est un peu la Pologne tropicale. « Un pays pauvre, mais où les pauvres ne se voient pas, car tout le monde est pauvre ». Voilà qui est dit.
En bonus :
Une explication sonore d’Antoine Chao
Un diaporama de quelques unes des oeuvres de Wozniak (cliquez sur la première vignette ci-dessous puis sur le lien "diaporama" sous l’image agrandie)
Je viens de terminer la lecture de Cuba Miracles. Ce livre est une merveille de poésie, de couleurs et de sons. A la fois loin des clichés dénonciateurs, exotiques et des éloges du castrisme, ses auteurs vont puiser dans les racines d’un pays, ses croyances, sa musique, sa littérature et mettent tous nos sens en éveil !
Une lecture vivement conseillée à tous ceux et toutes celles qui veulent sortir un peu des sentiers battus, des raccourcis faciles…
Ce n’est pas ce que je voulais dire. On apprend dans l’article sur le site Bela ciao (en lien) que Ramón Chao avait proposé un article à Bakchich, mais que le journal l’a apparemment convaincu de ne pas publier cet article.
Ramón Chao cite alors dans son message ci dessous "la néfaste Anastasia". Je me dis juste qu’il ne faudrait pas que Bakchich s’intéresse trop à la princesse du KaiserSarkoko, au détriment de la vraie info… Je trouvais que Monsieur Chao faisait un exposé intéressant sur la situation à Cuba, disant que les choses suivent un cours logique, dans le prolongement de Castro.
J’ai pourtant parfois l’impression que les gens comprenne mon charabia…
Bonsoir !
Ramón Chao pourrait-il éclaircir sa devinette sur "la néfaste anastasia" ? Doit-on prendre ça comme un test d’indépendance journalistique…
Je n’ai pas participé au forum "New look-Donnez votre avis superflu" et je vois que le lien direct en Une a disparu. J’y aurais dit tout le mal que j’en pense ainsi que des formules mercantiles employées par Nicolas Beau. Critiquer un texte qui comporte tant de défauts présente-il un intérêt ? Alors je me demande si vous pouvez répondre à la question : La logique commerciale de l’info-tainment peut-elle accepter le "tout va bien à Cuba" de Ramón Chao ?