Saïd Taghmaoui, l’acteur français qui cartonne aux Etats-Unis, concourt souvent dans la catégorie "mauvais voisins". Une juge du 9-3 a mené son enquête.
Dans les couloirs du tribunal de Bobigny, lieu pas forcément sexy, se dégottent tout de même des histoires très tendance. Avec des noms qui ronflent, des banlieues de Seine-Saint Denis jusqu’à Hollywood. A défaut des stars sur le Sunset Boulevard, c’est l’accusation portée contre un célèbre acteur, soupçonné d’avoir fait voir des étoiles à un gentil voisin qui s’est joué le 25 novembre dernier.
En l’occurrence, le jugement du procès en correctionnelle de Saïd Taghmaoui, acteur vu entre autres dans les "Rois du Désert" avec Georges Clooney ou la série "Lost :les disparus", révélé au grand écran par "La Haine" de Matthieu Kassovitz. Et accusé de violence volontaire.
Bref un talent de banlieue à l’état brut comme aime à les magnifier Luc Besson… qui fit connaître au monde Samy Naceri. Taxi au ciné, taxi-driver dans la vie.
Un peu moins rustre, Taghmaoui se range plutôt dans la catégorie mauvais voisin. Depuis le tournant de l’an 2000, les plaintes à son encontre se succèdent à une régularité de maître baffe. En 2000 donc, une main courante, baladée par un habitant d’Aulnay-sous-Bois, la ville où crèche l’acteur, se pose sur le bureau du commissariat local. Et encore en 2002, en 2004. Avec, au gré des années, des conséquences variables. Interruption de travail de 8, 10 ou 15 jours selon les plaignants. Et un classement sans suite, dans un pays passé alors à l’Intérieur de Sarkozy, pourtant peu amène avec "la racaille" du 93.
Vient un mauvais matin, où un juge d’instruction est saisi, le 13 janvier 2003 d’une information judiciaire pour violence volontaire. Une femme un peu têtue que cette juge Mallet. Sans doute pas fan impressionnable de ciné ni de télé, elle mène une enquête sur un événement de l’été 2002. Un soir de juillet, un Aulnaysien, agacé de voir l’entrée de son garage toujours barrée par une voiture de son voisin, toque à la porte de l’acteur. Le comédien, dont la cote grimpe outre-Atlantique éconduit l’inopportun à l’aide d’un poing américain.
En allant plus loin, la magistrate se rend compte que bien des mains courantes liées à Taghmaoui ont disparu des archives des commissariats. L’ignorante, en inutile quête de vérité, se permet même de convoquer le sieur Saïd pour qu’il donne sa version des faits. Assisté de sa maman et d’un ami, il se drape dans le blanc manteau de l’offensé. A peine a-t-il bousculé un voisin éméché venu tambouriner à sa porte. Pis, le manant est revenu tout aussi imbibé avec une hache, aux vues de se venger. Sans succès. Des versions confirmées par la maman et le pote de Saïd.
Légitime défense, tonne le parquet dans son réquisitoire du 23 avril 2008. Pas convaincu, la juge Mallet met quand même le poulain en examen et l’expédie en correctionnelle. Six ans après les faits, avec une ordonnance du 21 mai 2008. Tout de même.
Un peu endormie, la justice de Bobigny ne s’est prononcée que le 25 novembre 2009 sur ce cas précis. Sept ans de dur labeur sur une agression, pour finalement laver l’honneur de l’acteur défendu par Me Catherine Bourgi, femme de Robert, le M. Françafrique de Sarkozy. Gageons qu’au moins Taghmaoui rangera mieux sa voiture.