C’est l’histoire d’une belle gifle en Israël. Quand l’histoire vous revient en pleine face et ce dans l’antre démocratique du pays, à la Knesset. Explications.
Si la Knesset est connu pour être un des parlements les plus « chauds » du monde, le thermomètre a carrément explosé ce mardi 10 juillet. Yaacov Cohen, un député orthodoxe, a été giflé en pleine séance par un haut fonctionnaire du ministère de la Justice. Son parti, le Yahadut Hatorah (Unité de la Torah), pourtant présent dans la coalition au pouvoir, contestait la division par deux des subventions allouées aux écoles privées orthodoxes. [1]. Les diatribes frisaient alors la saturation sonore quand Yaacov Cohen décocha la flèche de trop. Il traita Amnon Dehartuch, le responsable des allocations aux communautés religieuses au ministère de la Justice, « d’être pire que les Nazis ». Oups… Dehartuch a perdu 20 membres de sa famille dans les camps. Le fonctionnaire se jette alors sur le député et lui flanque « une gifle magistrale » selon le quotidien Haaretz.
Dehartuch a ensuite présenté ses excuses mais a aussi déclaré que « personne, y compris un fonctionnaire, ne devrait être accusé de se conduire de façon “pire que les Nazis” ». En Israël, l’insulte est si fréquente qu’un projet de loi en 2005, écarté par la suite, devait interdire l’usage de reférences au nazisme dans l’hémicycle israélien. Ces amalgames, courant par ailleurs dans le reste du monde, ne sont pas l’apanage des simples députés de la Knesset. Beguin disait d’Arafat qu’il était un « nouvel Hitler ». Yitzhak Rabin fut traité de « nazi » plus d’une fois par les leaders d’extrême-droite israélienne. Sharon et Netanyahu ont souvent accusé de « traître » la colombe israélienne devant une foule d’extrémistes religieux qui criait « Rabin nazi ! Rabin chien ! Rabin à mort ! ». Ils n’étaient pas mal à l’aise.
Ilan Geilsammer, professeur à l’Université de Bar Ilan à Ramat Gan [2] met en avant la prédominance de la Shoah dans l’identité israélienne et ce depuis le procès Eichmann en 1961. La Shoah appartient à la mémoire, elle ne doit pas être utilisée à des fins politiques. Il prévient « si vous ne voulez pas que des gens dans le monde banalise la Shoah, il ne faut pas faire des amalgames entre le Hamas, Assad ou celui-ci ou celui-là, comme étant de nouveaux Hitler ou un nouveau nazisme. » Si cette gifle fait office de « poing d’arrêt », c’était peut-être pas si mal venu…
[1] Dans les jours à venir, l’application d’une nouvelle loi va encore mettre sous pression les orthodoxes. La loi Tal, voté en 2002 obligera les religieux à effectuer un service civil à la place du service militaire (cf israelinfos.net)
[2] Ilan Greilsammer fait parti de ce qu’on appelle en Israël « les nouveaux historiens », il revisite l’histoire d’Israël avec des approches nouvelles sur les fondements identitaires et historiques du pays. Pour apprendre plein de trucs, lire son livre majeur, La nouvelle histoire d’Israël, Gallimard, 1998