Au moins Siné doit être content, il fout un sacré bordel. Et suscite des vocations de plume chez ceux qui n’en ont pas forcément. L’humoriste Guy Bedos, la feministe Gisèle Halimi et le dessinateur du Monde Plantu se sont ainsi fendus de petites missives de soutien. Que Bakchich, comme d’autres confrères, a décidé de publier.
« Charlie fait le contraire de ce qu’il prône »
« Oui, Siné est viré alors qu’il n’a fait que de la provocation. Charlie Hebdo fait le contraire de ce qu’il prône, censure la liberté de parole. Mais ce n’est pas la première fois. Il faut arrêter la démagogie qui laisse à penser qu’on peut tout dire ou dessiner à Charlie Hebdo. Cela fait des années que je dis que c’est faux. J’y ai travaillé quelques semaines et il n’était pas imaginable que je puisse faire le moindre dessin positif sur l’école privée. Que ce soit clair, Charlie Hebdo est un journal de provocateurs, un journal que j’aime, qui fait du bien, avec des dessinateurs provocateurs, mais, dans la provocation, il convient également d’accepter les dérapages. Siné a fait un dérapage mais on ne peut pas le taxer d’antisémite pour autant. Après avoir poussé dehors le dessinateur Lefred Thouron il y a quelques années, Charlie vient de faire la plus belle connerie qu’il a jamais faite ! Je ne veux pas croire que les dessinateurs de Charlie Hebdo acceptent une telle censure ».
« Siné n’est pas ce qu’il est convenu d’appeler un ami. Sa misogynie volontairement primaire nous a tenus éloignés l’un de l’autre, malgré quelques causes communes essentielles. (anticolonialisme, antiracisme etc.). La direction de Charlie Hebdo vient de le licencier brutalement. Motif allégué : propos antisémites. A la lecture attentive de ses quelques lignes, je suis en mesure d’affirmer - en spécialiste du droit de la presse - qu’il ne s’agit que d’un prétexte ; un procès pour antisémitisme n’aurait guère de chances d’aboutir. Cette opération participe donc des procès en sorcellerie qui se multiplient aujourd’hui pour maintenir une psychose du juif persécuté. Charlie Hebdo s’est toujours posé en champion de la liberté d’expression. Rappelez-vous le tonitruant procès mis en scène, filmé, supermédiatisé des caricatures de Mahomet. Aujourd’hui il porte à cette liberté un coup terrible en tentant de museler Siné-le-libertaire. J’ai participé en son temps avec Cavanna et d’autres, à la création de Charlie Hebdo. Cette aventure superbe risque de s’achever dans la honte. J’ai bénéficié jusqu’à présent d’un service de presse du journal. Arrêtez. Je ne veux plus vous entendre ni vous lire. »
Gisèle HALIMI
La lettre de Guy Bedos
Paris, le 16 juillet 2008
Philippe Val,
Tu es à Charlie Hebdo ce que Sarkozy est à la France. À la différence près que lui a été élu ; toi, dans des conditions qui m’échappent et dont je me tape, tu as fait un coup d’État. Me revient une phrase que j’avais écrite à propos de certains politiques, de droite ou de gauche, et qui, au regard de ton attitude, te concerne aujourd’hui : « Ce n’est pas en crachant dans les miroirs qu’on guérit de l’eczéma. Ça les démange et ils se grattent sur la peau des autres. » Après t’être acharné - c’était une urgence !- sur Denis Robert, dont manifestement tu ne connais ni les livres, ni les films, voilà que tu t’en prends à Bob Siné, que, brutalement, tu vires pour antisémitisme. Il y a longtemps que les lecteurs attentifs de « Charlie » savent ce qui vous oppose à propos du conflit israélo-palestinien. Prétexte, donc. Antisémite, Siné ? As-tu lu David Grossman et Amos Oz, écrivains israéliens qui, sans relâche, luttent, en Israël, contre l’actuel pouvoir israélien ? Antisémites eux aussi ? Moi qui ai dit sur la scène de l’Olympia : « Je ne confondrai jamais Ariel Sharon et Bibi Netanyahu avec Anne Franck et Primo Levi », suis-je pour autant un néo-nazi qui s’ignore ? Je pourrais te mépriser, je te plains.
Guy Bedos
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Gisèle, Guy,(je vous ai toujours aimés) merci d’avoir bien voulu signifier à ce schpountz*qu’il a fait plus que mal à la communauté Juive avec ses conneries et qu’il est encore temps qu’il aille directement s’occuper à reluire quelqu’hautes talonnettes élyséennes sans le faire au travers de C.H.
* Terme sympa anti-vulgarité