Alain Minc, ce génie, n’a pas été réélu par les journalistes du Monde à la tête du conseil de surveillance du quotidien. Heureusement, les génies ont des ressources.
Alain Minc conseille, comme chacun sait, les grands patrons. Enfin, de moins en moins car notre ami est devenu au fil des ans le champion du monde des OPA ratées. Seule une poignée de milliardaires lui font encore confiance. « Il ne sert pas à grand-chose mais ça fait bien d’avoir un inspecteur des finances médiatique dans son écurie », disait il y a quelques années un proche de François Pinault. Médiatique, l’Alain l’est en diable. Il n’y a qu’à voir avec quelle énergie il se débat actuellement pour conserver la présidence du conseil de surveillance du Monde. Le trio qu’il formait avec Jean-Marie Colombani et Edwy Plenel a explosé après avoir conduit une politique d’expansion absolument délirante dont le seul but était de récupérer les fonds des sociétés acquises (Le Midi Libre, Télérama) pour renflouer le quotidien du soir. Lequel a, au passage, oublié sa mission d’information pour se lancer dans le journalisme people. « JMC » et « Edwy » ont été virés. Les journalistes du Monde pensent que Minc est autant responsable de la situation que ses deux anciens amis. Mais l’intéressé ne l’entend pas de cette oreille. Il a lâché justement ses anciens amis pour essayer de se rapprocher de la Société des rédacteurs du Monde (SRM). Raté. Les scribouillards veulent le faire dégager.
L’Alain, qui n’a que le mot élégance à la bouche, ne veut pas déguerpir, comme Bakchich eut déjà l’occasion de le raconter in bakchich#40. Les mauvaises langues assurent que ce consultant multi-cartes qui s’est rapproché de Nicolas Sarkozy ces dernières années a besoin de sa carte de président du conseil de surveillance du Monde pour faire du business. Il faut dire que certaines années notre ami réalise un chiffre d’affaires de 5 millions d’euros, le plus souvent de 2,5 millions. Ce qui demeure de bon rapport quand on sait qu’il doit juste payer la location de son bureau, une secrétaire et une voiture avec chauffeur. Mais c’est là un vilain procès car l’Alain n’est pas un homme d’argent et il a des principes moraux élevés. De plus, on ne voit pas comment un tel génie de la finance pourrait rester inutilisé.
En tout cas, grâce à son pote Claude Perdriel, il a été proclamé président avec seulement 10 voix sur 20 alors qu’il fallait une majorité absolue. Le patron du Nouvel Obs est décidément fâché avec les chiffres : il avait assuré que Colombani avait la majorité des suffrages lors de la consultation interne alors que la SRM l’avait méchamment blackboulé. On espère que les comptes de l’hebdo de la gauche caviar sont tenus par quelqu’un d’autre que Perdriel.
Pour en revenir à Minc, son obstination à rester en poste fascine et on se demande comment il a réussi à convaincre les autres administrateurs externes. Jean-Louis Beffa, ancien patron de Saint-Gobain, qui se répand depuis plusieurs semaines dans Paris en affirmant que Minc est « cramé » a voté pour lui. Idem pour les représentants du Crédit Mutuel, de Safran et pour Pierre Lescure, l’homme qui a failli tuer Canal Plus. Revigoré par le soutien de ces grandes âmes, voilà donc Minc, tel Don Quichotte, en guerre contre les méchants de la SRM. Il dénonce une « atmosphère pré-thermidorienne » et un « oukase », vilipende les journaleux « putschistes » et les met au défi d’aller au tribunal pour régler le conflit de légitimité. Et pourquoi pas sur le pré ? Il y a un parc juste derrière le siège du Monde dans le XIIIe arrondissement.
Il semble qu’avec Alain Minc on revive le même spectacle un peu surréaliste que celui qui a fait suite à la non-réélection de Colombani. Les mêmes ont voté contre, les mêmes ont voté pour. Et chaque fois la règle de la majorité simple est invoquée alors que les textes qui régissent ces opérations de vote au sein du journal stipulent que la majorité absolue est nécessaire.
C’est à n’y rien comprendre. Espérons toutefois que le cas Minc sera réglé aussi facilement que le fut naguère la question de l’élection du nouveau responsable de la société.