La tournée d’une bande de stripteaseuses américaines et de leur producteur. Entre grâce et clichés, prix de la mise en scène à Cannes.
Par une nuit triste, un homme fait son plein dans une station-service. Il est fiévreux, enchaîne les cigarettes. Derrière la vitre blindée de la caisse, une femme, ni jeune ni vieille. Un dialogue s’ébauche entre les deux solitudes. D’abord anodin, l’échange devient piquant, bourré de sous-entendus. La blonde le drague et l’homme répond du tac au tac. Il se passe à cet instant précis un truc merveilleux : la vie qui s’engouffre 24 fois par seconde. Ça balance et ça vous laisse sur le carreau, extatique. On a tous connu cela : une rencontre, la promesse d’une étreinte, le bonheur, peut-être. Mathieu Amalric fait swinguer sa pellicule, qui respire le sexe et la sensualité. C’est beau, c’est fort, on croirait du John Cassavetes… La scène, très courte, s’achève ; le producteur va reprendre la route, la femme, reprendre sa vie.
Des éclairs comme celui-là, il y en a quelques-uns, mais pas assez, dans le quatrième film de Mathieu Amalric. Avec cette histoire de tournée, entre Le Havre et La Rochelle, d’une bande de strip-teaseuses américaines et de leur producteur miteux, Joachim Zand, Amalric s’offre de beaux numéros de music-hall, des moments de grâce impressionniste.
En filmant ces femmes qui se déshabillent, il se met à nu, avec ce qui est peut-être son film le plus autobiographique. Le personnage allumé de Zand (le nom de la mère d’Amalric), ancien producteur de télé qui se rêve en homme de spectacles, ressemble beaucoup à Amalric, acteur génial qui rêve d’être reconnu comme un grand cinéaste. Un vrai cabot qui n’a pu s’empêcher de jouer le rôle principal de son film, éclipsant même les strip-teaseuses, à l’abattage impressionnant. Pourtant, Tournée ne tient ni ses promesses, ni complètement la route, et fonctionne comme une série de saynètes, souvent drôles, parfois ratées, et toujours dépressives. Un truc boiteux, quoi.
Amalric n’évite pas les longueurs, les clichés, et nous barbe avec les sempiternelles affres des saltimbanques, personnalités ultrasensibles attirées par la lumière et les gouffres. Et si le grand film d’Amalric était le prochain ?
Splice de Vincenzo Natali
Réalisateur remarqué de Cube, Vincenzo Natali signe un film de SF sous l’influence de David Cronenberg. Dans un labo, deux scientifiques surdoués triturent de l’ADN et parviennent à créer une créature hybride, mi-monstre, mi-femme. Produit par Guillermo del Toro, le film commence comme un thriller médical, bourré de scènes déviantes (mutilation, inceste, viol…). Mais Natali brade son ambition avec une seconde partie téléphonée, avec gros monstre en plastique et éjaculation d’hémoglobine.
La disparition d’Alice Creed de J. Blakeson
Une des grosses claques de l’été. Doté du budget ridicule de 120 000 euros, le réalisateur britannique J. Blakeson décide, pour son premier long-métrage, de bricoler une histoire de kidnapping avec un minimum de lieux et de persos. Malgré ou grâce à ces contraintes économiques, il parvient, comme Tarantino à l’époque bénie de Reservoir Dogs, à réinventer le genre, à grand renfort de twists vicelards. La mise en scène est brillante et les trois acteurs, absolument remarquables. On en reparle la prochaine fois.
Shrek 4, il était une fin de Mike Mitchell
Sorti en 2007, Shrek le troisième donnait quelques signes d’essoufflement. Assagi, l’ogre qui rote et qui pète devenait papa, tandis que les scénaristes, un peu fatigués, parodiaient la légende du roi Arthur. Trois ans plus tard, le géant vert est de retour, en 3D siouplaît, et affronte le lutin Tracassin dans un monde parallèle. Plus fun et mieux construit que le numéro 3, ce Shrek 4 délaisse néanmoins l’esprit potache du premier opus, chef-d’œuvre malpoli et rigolard. Comme si DreamWorks voulait singer Disney… - M.G.