Le désamour des Français pour leur équipe de foot révélerait un pernicieux désamour pour la France. Et la volonté, dans tout ça ?
Professer un jugement sur toute chose est une passion bien française. Bavard bénévole ou chroniqueur appointé, chacun s’adonne selon ses moyens à l’art du commentaire, et l’on se demande comment le pays au coq pourrait douter de son destin, peuplé qu’il est de tant de philosophes patentés.
C’est pourtant ce qu’affirme l’un des plus éminents moralistes de la place de Paris, qui proclamait mercredi, du haut de sa chaire vidéo, que le désamour des Français pour leur équipe de foot révélait un pernicieux désamour pour la France. « Il faut que cela cesse. Un pays qui ne s’aime pas ne peut pas affronter l’avenir avec force », concluait le prédicant Barbier, jetant l’internaute dans les affres de la contrition.
Trêve de vains remords, il faut réagir. Saisi d’un sursaut d’orgueil typiquement gaulois, le Français se dresse sur ses ergots pour coqueliner haut et fort son amour de la France et des écharpes rouges. Quittons cet abattement délétère, se dit-il, y’a qu’à positiver. Et notre homme d’abandonner le mauvais esprit de Bakchich pour de plus saines lectures grappillées dans une presse mieux choisie :
« La SNCF sort de la grève : l’entreprise a annoncé dès mercredi soir un retour à la normale, tandis que les syndicats grévistes n’ont pu se prévaloir d’avoir obtenu la moindre concession de la part de la direction. Les prévisions météos sont très optimistes pour la journée de samedi. Le Français sur trois qui part en week-end va pouvoir en profiter. En Seine-Saint-Denis, non seulement les trafiquants de drogue et les parents d’élèves absentéistes seront punis, mais les femmes seront (presque) intégralement dévoilées : ce qui est en jeu, dit-on à l’Elysée avec gravité, c’est une certaine conception de la dignité de l’être humain, donc de la dignité de la femme. Le nouveau préfet ouvrira l’œil et le bon, cet ancien policier qui a gravi tous les échelons au mérite, a enquêté sur les affaires criminelles les plus délicates et a même arrêté Yvan Colonna.
Sur le front économique, la France ne meurt jamais. Tel un phénix qui renaît de ses cendres, elle a su depuis les invasions romaines faire face à de nombreux fléaux, les incursions barbares du Ve siècle, la peste noire ainsi que les deux guerres mondiales. Chaque crise a été surmontée, à chaque fois le niveau de vie des Français s’est élevé. D’ailleurs, le climat des affaires s’améliore, les chiffres sont encourageants.
Et l’Afghanistan, tout le monde s’en fout. »
Barbier a raison : il suffit d’un peu de bonne volonté pour aimer la France. Pourtant, un terrain résiste aux assauts de l’optimisme : celui des Bleus. On a beau faire des efforts, on peine à s’enticher de ces pieds nickelés surpayés et de leur coach enraciné. Can’t buy my love, chantaient nos mères, qui n’avaient pas besoin de petits cadeaux pour trouver Platini sexy.
Barbier… Quand on l’écoute, on croirait entendre ces vieilles voix - non, non, pas vieilles… anciennes - qui annonçaient l’avènement du moteur à explosion ou l’arrivée de la télévision couleur. Avec ce tout petit soupçon de mélo dans la voix, genre Frédéric Mitterrand évoquant le destin tragique de Marilyn.
Je pense que Mr Barbier s’écoute énormément mais qu’il ne fait pas vraiment attention à ce qui sort de sa bouche. Déjà, quand il aborde dans le même paragraphe, l’équipe de France, le patriotisme en berne, les grèves, la burqa, les voyous, etc, y a comme un truc qui cloche, qui me fait tiquer. Pas vous ?
Que voulez-vous ? Les prophètes délivrent des messages direct du Très Haut, sans traitement, ni interprétation…