Supprimons le lundi !

Quand un ministre dont le nom n’est pas passé à la postérité avait supprimé les premières classes dans le métro parisien, Coluche avait répondu : « c’est idiot, fallait supprimer les secondes ». Idem pour le lundi dont les journaux nous apprennent qu’il stresse les salariés et leur pourrit les dimanches. Le « ça va comme un lundi » sonne comme un aveu de détresse à la vue de cette journée maudite qui leur rappelle que le travail est un instrument de torture hérité du latin « tripalium ». A bas le lundi ! Les génies qui nous gouvernent pourraient évidemment supprimer le dimanche, mais songez au marasme des catholiques ainsi privés de la succulente messe et au désespoir des curés dont les églises sont aussi vides que les cafés non fumeurs ! Sans oublier les joggeurs du bois de Boulogne, les cyclo-randonneurs de la vallée de Chevreuse et tous les sportifs du dimanche qui perdent quelques calories pour être en forme au boulot du lundi. Et que deviendraient la vie de famille, les parties de monopoly, les sorties avec les mômes, tout ce cérémonial occidental où l’homo faber rend hommage aux vertus de la reproduction ? Songez que le dimanche, pour qui n’est pas chômeur, est le seul moment où le père voit ses enfants grandir et où la mère émue le regarde remplir son devoir familial !

Non ! Finalement, supprimer le dimanche serait une erreur : mieux vaut supprimer le lundi et remettre au mardi le début de la semaine travaillée. Le bénéfice de cette mesure de salut public serait considérable : les fameux ponts que le monde nous envie deviendraient des viaducs hebdomadaires, les recettes liées au tourisme exploseraient, le trou de la Sécu dû aux dépenses de psychotropes serait en partie comblé et nos enfants auraient enfin l’occasion d’échanger plus de trois phrases avec leurs géniteurs car le lundi serait aussi chômé dans les écoles.

Les esprits pervers objecteront que ce serait transférer le stress du lundi sur le mardi et ils ont raison. Pourquoi faire commencer la semaine un mardi ? Ne serait-il pas plus judicieux d’instaurer la semaine débutant un mercredi ? Oui, mais les enfants sont en vacances le mercredi ! Il n’est pas question de leur enlever la compagnie des adultes. Va pour le jeudi !

Plus que deux jours à bosser ! Le stress enfin vaincu ! Les Allemands, les Anglais, nos ennemis héréditaires, vont crever de jalousie en voyant la semaine française de travail réduite à deux jours. Nous récupérerons ainsi le titre du pays où l’art de vivre est poussé au maximum et nous serons un bel exemple pour les Américains et les Japonais. Car le salariat où le travailleur monnaie sa force de travail au bénéfice quasi-exclusif des actionnaires est une malédiction divine. Et nous sommes un peuple athée, dieu merci !