Chaque année au début de l’été, avec les primevères, refleurit la quinzaine du blanc à Roland-Garros. Une épidémie de fièvres exotiques sévit dans les bureaux désertés par les employés qui vont soigner leur grippe sur les gradins de la porte d’Auteuil. Et chaque année, l’amateur de tennis trop éloigné de Paris est contraint de subir les commentaires du « service public » (France 2, 3 et 4).
Dans n’importe quel domaine de n’importe quel média, le journaliste embauché doit montrer ses compétences et subir les évaluations de ses chefs. Partout sauf dans le sport à la télé. Mais c’est le tennis qui décroche le gros lot. C’est là en effet que sévit une armada de commentateurs incompétents, puissamment aidés par des consultants analphabètes et jamais sanctionnés pour leur nullité puisqu’on les retrouve toujours, chaque année, devant le même micro.
Tout y passe : on bavarde pendant les échanges méprisant ainsi le téléspectateur et les joueurs, on accumule les redondances avec des observations qu’un débutant pourrait faire tout seul, du genre : « Beau revers croisé ! Quel service ! ». On soutient avec ferveur le joueur français en passant sous silence les exploits de son adversaire étranger quand on ne le suspecte pas d’être « un mauvais joueur peu sportif ». On donne un score qui s’affiche en haut de l’écran, sans doute pour notre cher auditeur aveugle. Mais on n’oublie jamais de saluer le show-biz présent dans les loges des VIP sans doute pour suggérer qu’on fait partie du même monde !
Dans cet océan de platitudes, le consultant n’est pas en reste et donne des indications dignes de La Palice. Il existe deux familles d’experts dont nous ne donnerons pas les noms par charité chrétienne : les anciens champions muets qui n’osent pas ouvrir la bouche dont ne sortent que des onomatopées et les bavards qui dissèquent à l’infini un geste avec la ferveur d’un pédagogue rentré. Les journalistes du service public, qui n’ont sans doute jamais joué au tennis [1] , justifient leur salaire en sortant des astuces dignes de l’almanach Vermot, le tout en plein échange, couvrant le bruit des balles. Disons-le tout net : l’inventeur qui trouvera la télécommande supprimant les commentaires tout en conservant le son d’ambiance fera fortune.
A peine délivré de ces pseudo-journalistes, le téléspectateur doit se taper une programmation totalement franchouillarde. On nous passe en direct les maigres prestations d’un espoir français mort de trouille ou d’une ancienne championne ridicule, alors que les parties des meilleurs joueurs du monde, tous étrangers bien sûr, passent à la trappe. L’amateur de tennis en est réduit à espérer que le tableau soit vide de tennismen tricolores pour voir enfin du jeu, du bon. Et pour couronner le tout, les changements de chaîne interviennent juste avant une balle de set décisive. A l’heure où l’on parle de l’avenir du service public de France Télévisions et des menaces de privatisation, il faut se rendre à l’évidence : au tennis, le « service » public, c’est une avalanche de « doubles fautes ».
[1] En tous cas, le signataire de ce "coup de boule" qui a gagné naguère cinq titres de champion de France des journalistes à Roland-Garros ne les a jamais vus sur les terrains.
Le sport est une formidable machine corruptive, et la télé est son écrin.
Tout n’est que pub, magouilles et retours d’ascenseurs : tu m’assures une diffusion pour mon non-événement et rassurer ainsi mes sponsors payeurs, je t’invite à mes buffets-parties fines, t’offre une montre vip ou un voyage de presse, et t’arrange ton plan de carrière dans un cocktail avec les décideurs.
Toute cette comédie se joue aux frais du redevancier, veau d’or par excellence.