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La traque du "tueur à l’anthrax"

Hatfill en aiguille / vendredi 23 avril 2010 par Laurent Macabies
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Ils avaient choisi le mauvais gars… Traqué par le gouvernement et vilipendé par les médias, Steven Hatfill, alias "le tueur à l’anthrax", a été innocenté. Neuf ans après les attentats de 2001, il rompt enfin le silence.

Si un homme peut se plaindre de la rumeur… c’est bien lui. Pendant des années, Steven Hatfill était considéré par les médias et le FBI comme le "tueur à l’anthrax". L’ennemi public qui a sévi aux Etats-Unis juste après les attentats de septembre 2001. Mis en cause dès le début de l’enquête avant d’être innocenté sept ans plus tard, cet ancien scientifique de renom, qui a tout perdu, a enfin livré sa version des faits sur MSNBC. Pour la première fois depuis près de dix ans.

Le pire acte de bio-terrorisme de l’histoire

Ce que les médias ont qualifié de « pire acte de bio-terrorisme dans l’histoire des USA » débutent une semaine après les attaques sur le World Trade Center et le Pentagone. Pendant un mois, des enveloppes contaminées au bacille de charbon (appelée par les médias "anthrax") sont envoyées à cinq grands médias et deux sénateurs américains. Ces attaques feront cinq morts aux Etats-Unis et contaminent une quinzaine de personnes.

Elles provoquent surtout un vent de panique intense sur l’Amérique angoissée par le 11 septembre. Sur les chaînes américaines, l’heure est à la psychose avec des reportages et témoignages qui font vraiment flipper (voir un bel exemple ici).

Si la vidéo ci-dessous n’apparaît pas sur votre page, voir directement l’archive sur le site de l’INA.

retrouver ce média sur www.ina.fr

McCain accuse… l’Irak

Le contenu des lettres amène de prime abord à la piste Jihadiste. Et les terroristes d’Al-Qaïda sont logiquement les premiers suspectés. Le futur rival républicain de Barack Obama, John McCain tente même d’expliquer sur le "David Letterman Show" (CBS) que l’anthrax a une connexion avec l’Irak. « Il y a des indication, et je n’ai pas les conclusions, mais quelques-uns de ces envois d’anthrax pourrait - et j’insiste sur le "pourrait" - provenir d’Irak », ose-t-il balbutier le 18 octobre 2001. Tiens, et si on attaquait ces vilains terroristes ?!

Un "inside job"

Mais, les enquêteurs se tournent très vite vers la piste d’un américain se faisant passer pour un terroriste islamiste. Des experts concluent que le produit n’a pu être fabriqué qu’avec des équipements très avancées, comme ceux utilisés par des scientifiques travaillant pour des sections gouvernementales. Les citoyens pouvant manipuler de l’anthrax ne sont pas nombreux. Les regards se tournent vers le centre d’Institut de recherche médicale des maladies infectieuses du Maryland.

Steven Hatfill, un chercheur respecté du Maryland qui travaille pour plusieurs branches de l’armée américaine, s’est beaucoup investi dans la recherche du bacille de charbon. Le scientifique s’était inquiété des canulars à l’anthrax (avec de la poudre blanche). Il avait fait commander en 1999 un rapport sur de possibles attaques terroristes via ce procédé. Le document précisait par exemple le poids maximal d’anthrax à placer dans une enveloppe pour ne pas être détectable ou les conséquences de ce genre d’attentat. Un modèle très détaillé pour apprentis terroristes.

De plus, Le New York Times révèle que Hatfill a obtenu de la ciproflaxine, qui soigne la fièvre de l’Anthrax, juste avant les attentats. Mais le prestigieux journal avait omis de préciser qu’un médecin lui avait donné après une chirurgie des sinus.

Des sources sûres…

Hatfill s’attendait à être interrogé au début de l’enquête. Il n’a pas été surpris quand le FBI est venu sonner à sa porte en juin 2002. « Ils ont demandé s’ils pouvaient jeter un coup d’oeil chez moi », a-t-il raconté plus tard. « En toute discrétion » , précise-t-il. Sauf que des caméras de télés et même des hélicoptères filmant sa maison de dessus se tenaient là… D’après The Atlantic, les enquêteurs auraient prévenu la presse. Hatfill soupçonne d’ailleurs le gouvernement de nourrir fréquemment les médias de « fausses informations » avec des sources anonymes. Nous pensions que les allégations provenaient de la presse en mal de sensation, dira Hatfill avec le recul. « Nous n’avons appris que beaucoup plus tard que tout cela étaient intentionnellement orchestré par le ministère de la Justice ». En même temps que l’ennemi des médias, Hatfill devient le suspect n°1 du FBI.

Le coupable idéal

La machine médiatico-judiciaire se régale des bévues du bonhomme, présenté comme légèrement excentrique par ses proches. Ce "bon Américain" a servi comme soldat pour l’armée dans les années 70. Mais, légèrement mythomane, il a par exemple prétendu avoir été capitaine des Forces Spéciales américaines alors qu’il n’y a jamais mis les pieds. Les journaux découvrent aussi que le scientifique s’est rajouté quelques diplômes« Si gonfler son CV fait de vous le tueur de l’anthrax, la moitié de la ville devrait être suspectée », dégaine son avocat Tom Connolly sur CBS News en mars 2007. L’homme a beau clamer son innocence, rien n’y fait. « La vie de Steve a été dévastée par le battement médiatique plein de sous-entendus et de spéculation. Coupable ou pas, personne ne doit être exposé à ce type d’opprobre public basé sur la spéculation », dira un autre de ses avocats.

Mais cela suffit à en faire la risée des journaux, notamment les satiriques. Le 12 août 2002, le "Daily Show" (sorte de "Petit Journal" de Canal +) présenté par Jon Stewart le grime avec un tee-shirt "I Love Mailing Anthrax" ("J’aime envoyer de l’anthrax"). « En Amérique, tout homme qui n’est pas reconnu coupable est innocent », assure le présentateur. « Sauf s’il est bizarre ! » « Ce que je pense que ce mec est », ajoute Stewart devant le public hilare. « Il a réuni les médias pour se plaindre… d’être chassé par les médias. Hartfill a passé deux ans dans un laboratoire d’armes biologique et avait accès à l’anthrax. Il a toujours dit à ses collègues qu’un jour l’anthrax serait utilisé comme une arme et envoyé par courrier… » Six ans plus tard, on rit jaune. Si l’extrait ci-dessous du Daily Show ne fonctionne pas correctement, cliquez sur ce lien.