De l’armée marocaine, on sait traditionnellement peu de choses, la peur ayant longtemps régné dans ses rangs. Mais depuis l’arrivée sur le trône de M6, force est de constater qu’officiers, sous-officiers et soldats rouspètent haut et fort.
Lundi dernier, à l’occasion de la Fête du glorieux trône alaouite, le roi du Maroc présidait la cérémonie de prestation de serment des officiers lauréats des grandes écoles militaires et officiers issus des rangs. Une festivité clinquante comme on les aime mais qui cachait mal l’amertume d’honnêtes officiers. Et pour cause !
À la dernière minute, la liste des noms de promus a été épurée. En cause ? La décision de prolonger le délai nécessaire pour accéder à certains grades. Dorénavant, pour passer de lieutenant à capitaine, de capitaine à commandant et de commandant à lieutenant-colonel, il faut compter une année de plus à chaque étape. Frustrant ! Sans parler du fait que l’âge de la retraite a été repoussé de cinq longues années. Résultat : dans les casernes, on accuse le ministre de l’Economie de manger la laine sur le dos des militaires. Et on pointe du doigt ces généraux qui n’ont jamais commandé de bataillon mais qui se pavanent le torse épinglé de médailles normalement décernées lors de périlleuses opérations militaires. Ambiance…
Le système opaque régissant les promotions dans l’armée marocaine frustre les jeunes officiers et sous-officiers qui le critiquent ouvertement. Il y a en effet de quoi perdre ses illusions à voir tel brillant major de promotion cantonné à des tâches subalternes tandis que « les fils de généraux » et autres nantis raflent tous les stages de perfectionnement à l’étranger. Et de quoi avaler ses rangers de rage quand on se remémore le cas (banal) de ce commandant qui, demandant à son colonel-major, pourquoi il n’évoluait pas, se vit répondre que c’était 5 000 euros la promotion, payables en plusieurs mensualités !
Le malaise est également palpable chez les hommes de troupes. Majoritairement parquée dans la « zone sud », c’est-à-dire au Sahara occidental, la soldatesque s’ennuie à mourir et baille aux corneilles à longueur de journée. Selon des témoignages concordants, de nombreux soldats se droguent, fumant du haschich ou s’injectant dans les talons du patchouli ou un soda gazeux bien connu.
D’autres s’adonnent à des trafics en tous genres (nourriture, carburant, cigarettes…) de connivence avec leurs supérieurs et d’autres, enfin, se sont mis à prier avec une ferveur inquiétante. Craignant sans doute une contagion islamiste, l’Etat-major a décidé après les attentats de Casablanca du 16 mai 2003 de fermer les lieux de prière dans les casernes et de libérer de leurs obligations certains hommes dont les épouses militaient ouvertement dans des mouvements islamistes qui renverseraient volontiers la monarchie.
Et, bien sûr, les abus d’autorité sont légion. Ce ne sont pas ces soldats employés comme bonnes à tout faire aux domiciles privés de gradés peu scrupuleux qui diront le contraire. On recense même des cas d’hommes réquisitionnés pour récurer des WC ou surveiller des poulaillers, mauvais traitements en prime ! Au moment où l’armée marocaine fête le cinquantenaire de sa création, elle n’est tristement plus que l’ombre d’elle-même.