Rechercher dans Bakchich :
Bakchich.info
UNE BRÈVE HISTOIRE DE BAKCHICH

Tags

Dans la même rubrique
Avec les mêmes mots-clés
RÉCLAME
Du(des) même(s) auteur(s)
COUPS DE BOULE

« MORALISER » ?

Découverte / samedi 11 octobre 2008 par Séverin Buzinet
Twitter Twitter
Facebook Facebook
Marquer et partager
Version imprimable de cet article Imprimer
Commenter cet article Commenter
recommander Recommander à un ennemi

C’est une des grandes surprises de cette crise : la découverte de la morale. De sa nécessité absolue et urgente. Ecoutez Sarkozy, qui a trouvé, dans ses insomnies, la proposition qui lui permettra, croit-il, de garder l’air d’un ange dans ce tas de cambouis : il faut « moraliser » la finance, que dis-je ? l’économie toute entière. Moralisez !, dit-il, comme il disait naguère : enrichissez-vous…

Donc, la finance était immorale, et on ne le savait pas. Ou plutôt, on vivait sur cette idée fondamentale des cours d’économie, au lycée, à la fac, à l’ENA : le but de l’entreprise (entendez : la libre entreprise, la seule, la vraie), ce n’est pas d’être morale, c’est de créer de la richesse. Un credo qu’on ne pouvait taxer de cynisme, puisque demander à une entreprise d’être morale, c’est comme demander à un un poisson de voler ; d’accord, il y a des poissons volants, comme dirait l’autre, mais c’est loin d’être la majorité de l’espèce. Quel parcours en quelque semaines ! Il y a seulement un an, si on avait dit à Minc, Baverez ou Sylvestre (parti à temps bîner ses radis !) que la finance devait être morale, ils se seraient esclaffés, en trouvant la prescription saugrenue, typique d’un ignare, digne de la gauche qui ne pense qu’à répartir la richesse par l’impôt et autres niaiseries morales.

Bon, chaque jour apporte ses surprises. Là, c’est Bernard Accoyer qui en met une couche. Accoyer a beau être, du haut de son perchoir à l’Assemblée, le troisième personnage de l’Etat, il n’a pas d’autre réputation (et c’est en soi désolant) que d’être un bon godillot de montagne, accoutumé à suivre le guide comme les mulets les plus disciplinés, et c’est du reste la seule raison perceptible de son ascension (il est notoirement trop rudimentaire pour se voir confier le moindre maroquin). Là, Accoyer parle, et comment ! Cela mérite attention : quand Accoyer parle, c’est qu’on lui a dit de parler. Il propose, pour conjurer la crise, d’accorder une amnistie fiscale aux gros fraudeurs, s’ils rapatrient leur fortune en France. C’est sublime d’imbécilité, et d’un cynisme divin. Imaginez un gars qui a planqué ses fonds dans un paradis fiscal et qui vient les placer à la Société Générale, par les temps qui courent, pour bénéficier d’une amnistie fiscale … Mieux : de quelle amnistie s’agirait-il ? On sait bien que ces détournements échappent aux impôts, donc à la condamnation, et qu’il y a en France même, au soleil, voire au [1], des centaines de fraudeurs gros et gras qui devraient être à l’ombre.

Mais il y a pire : c’est parfaitement immoral. Cela signifie que, moyennant finances, on peut rincer son casier judiciaire, liquider ses dettes fiscales, bref, se faire remercier de bien vouloir restituer au pays ce qu’on lui a volé (ou du moins une partie…). Et cette immoralité, pour l’UMP, c’est rebelote : rappelons que le bouclier fiscal est en soi d’une immoralité phénoménale, qui se traduit, comme l’a montré le rapport de la commission des finances de l’Assemblée, par la restitution de 246 millions d’euros à 15066 contribuables, dont les deux tiers, soit 155 millions d’euros, à 671 foyers disposant d’un patrimoine supérieur à 15,5 millions d’euros ! Malgré quoi, l’UMP et le gouvernement refusent de faire payer le RSA à ces pauvres hères étranglés par les prélèvements si peu obligatoires qu’ils les libèrent de l’impôt : 13 contribuables possédant un patrimoine supérieur à 15,5 millions d’euros payent en moyenne 47 euros d’impôt sur le revenu !

Voilà ce qu’est la France digne d’amnistie, celle des fraudeurs, des truqueurs, des salauds (je dis le mot) qui bourrent leurs coffres et leurs valises pendant que tombe sur tous les contribuables l’avalanche de la crise. Monsieur Accoyer, vous vous déshonorez, mais ce n’est pas le plus grave : comme il serait étonnant qu’une idée, fût-ce celle là, vous soit venue (sans compter le souci de l’exprimer sur les médias, que vous n’intéressez guère), il est à redouter que vous ne soyez là que l’expression zélée d’un lobby. Celui qui force, contre vents et marée et même certains membres de la majorité rendus perplexes par cette injustice, le gouvernement à s’arc-bouter sur son scandaleux bouclier fiscal, alors que la France d’en-bas et du millieu passe au presse-purée. Celui qui, longuement prévenu des menus bricolages annoncés sur les niches fiscales, aura eu un an pour les contourner. Celui que la crise n’appauvrit pas (le nouvel état-major de Dexia, sauvé par les contribuables, va se taper un déjeuner gastronomique pour 150 000 euros à 15 à Monaco …). Aucune pirouette idéologique ne pourrait justifier cette perversion politique : alors, on est bien obligé de penser que ce lobby dispose d’un levier puissant sur Sarkozy, son gouvernement et son parti…

Moraliser, vous dites ? Commençons par là : qui s’est emparé de la France ? Posons sérieusement la question. Je ne parle pas des 53% d’électeurs. Je parle de cette puissance obscène de l’argent, dans laquelle, il y a un an, notre Président aimait à se vautrer devant les caméras. Je parle du hobby redoutable des détenteurs de cette puissance. Accoyer propose (aussi !) un emprunt, pour que nous mettions, vous et moi, la main à la poche : et pourquoi pas bloquer en emprunt forcé les avoirs des mauvais managers, ou lèver un impôt exceptionnel sur les gros patrimoines ? Cela s’est vu, cela s’est fait dans l’histoire. Il faut parfois avoir l’audace de faire d’abord payer les riches. C’est moral, quoi qu’on en dise. Plus moral, en tout cas, que de faire payer les autres.

[1] Fouquet’s->www.bakchich.info/article1991.html


AFFICHER LES
3 MESSAGES

Forum

  • « MORALISER » ?
    le dimanche 12 octobre 2008 à 09:57, Phil2922 a dit :

    Séverin Buzinet, merci pour ce coup de gueule salvateur. Moi aussi, ma colère est grande quand j’entends Sarko ou d’autres "décideurs" nous parler de morale alors qu’ils n’ont aucun état d’âme à mettre le bras, jusqu’au coude, dans le pot de confiture du bling-bling…

    Allez, pour éviter de prendre le fusil et d’aller en descendre quelques uns, humour et dérision sur "Blagues actualités" en un petit clic gratos… !

  • Bravo et merci
    le samedi 11 octobre 2008 à 20:33
    Je vous lis depuis peu, mais enfin ! enfin un journal dont les journalistes osent dirent ce qu’ils pensent et ce que les modestes pensent sans pouvoir renverser le cours des choses, n’en déplaisent à beaucoup de ces salauds pour qui l’égoïsme et la malhonnêteté légalisée par les copains de leur cercle sont posés en vertus. Bravo. Merci.
  • « MORALISER » ?
    le samedi 11 octobre 2008 à 19:38, vasisdas a dit :

    "Accoyer propose (aussi !) un emprunt, pour que nous mettions, vous et moi, la main à la poche : et pourquoi pas bloquer en emprunt forcé les avoirs des mauvais managers, ou lever un impôt exceptionnel sur les gros patrimoines ?"

    Accoyer n’a rien inventé : c’est ainsi, à la libération, que des "patrimoines" se sont refait une virginité de "bon français n’ayant jamais collaboré" en rachetant cette virginité.

    Impôts exceptionnels : c’est un truc qui ressort comme ça de temps en temps. Le dernier étant l’impôt sécheresse et la contribution exceptionnelle de 1976.

BAKCHICH PRATIQUE
LE CLUB DES AMIS
BEST OF
CARRÉ VIP
SUIVEZ BAKCHICH !
SITES CHOUCHOUS
Rezo.net
Le Ravi
CQFD
Rue89
Le Tigre
Amnistia
Le blog de Guy Birenbaum
Les cahiers du football
Acrimed
Kaboul.fr
Le Mégalodon
Globalix, le site de William Emmanuel
Street Reporters
Bakchich sur Netvibes
Toutes les archives de « Là-bas si j’y suis »
Le locuteur
Ma commune
Journal d’un avocat
Gestion Suisse
IRIS
Internetalis Universalus
ventscontraires.net
Causette
Le Sans-Culotte