Siné Hebdo ferme boutique. L’occasion pour six dessinateurs et un entarteur de raconter « leur » Maurice Siné, dit « Bob ». Croustillant.
Marc Large : C’était pour le premier (et le dernier) anniversaire de Siné Hebdo, à Paname, dans une cave pleine de bouteilles, de collègues, de potes, de fumée et de musique. Bob Siné et sa femme, Catherine, m’avaient proposé de crécher chez eux. En rentrant à quatre pattes avec Bob après une nuit bien arrosée, je me suis marré en découvrant un étrange jeu de piste que l’ancêtre avait mis en place. Des Post-it fléchés indiquaient : “Marc, ta piaule est par là”, “par ici”, “à l’étage”, “ici, la salle de bains”, “là, les chiottes”, le tout collé aux murs. »
Chimulus : « Mon père (Jacques Faizant) : – Chérie, hier soir j’étais au Pop Club de José Arthur, il y avait Topor et il n’a pas voulu me serrer la main ! Ma mère : – Quelle peau de vache, pire que Bedos, pourtant tu dessines mieux que lui ! Et Siné, il était là ? Mon père : – Non, tu vois bien que j’ai encore toutes mes dents ! Je suis sorti de table tout chamboulé d’admiration. Il aurait été capable de casser la gueule de mon père ? Un homme qui déjeunait avec De Gaulle, Pompidou, Giscard ? “Quand je serai plus grand, je rencontrerai Siné”, je me suis dit ! C’est fait ! Et je ne le regrette pas ! »
Gab : « En plus de dessins, je le fournissais en bocaux de tripes de cerfs, qu’il adore (pour un gars qui déteste la chasse…). Sinon, chez un bouquiniste, je lui ai retrouvé son premier album sorti en 1955 : Complainte sans paroles – chez Jean-Jacques Pauvert, préfacé par Marcel Aymé, qu’il ne possédait plus qu’en morceaux. Et je dois bien être le seul aristo dont il ait été le patron. »
Decressac : « Samedi 27 mars, je suis à Paris. À peine arrivé dans les bureaux, j’apprends que la fin du journal est programmée pour fin avril. Bordel de merde ! J’étais venu pour abonner mon père, qui fête ses 66 ans, et, en quelques secondes, Bob lui réalise un super crobard ! Ému comme un gamin, mon père l’a placé au-dessus de son fauteuil. J’ai toujours admiré Bob, son travail et son parcours sans concession. Là, je découvre en plus un mec d’une formidable générosité. »
Lindingre : « Siné venait juste de pondre une excellente chronique. D’abord, il y prenait la défense de mon ami Denis Robert, injustement traîné dans la boue par l’odieux Philippe Val. Dans son papelard, Siné raillait l’arrivisme de l’infect Jean Sarkozy. L’histoire allait lui donner raison. Depuis, nous avons pédalé ensemble, en tout bien tout honneur, durant un an et demi. Bob ne m’a jamais déçu, et surtout pas à l’heure de l’apéro. C’est un vrai anar, un cogneur au coeur tendre, un indécrottable emmerdeur. Bob a su me réconcilier avec le troisième âge. Je l’aime. »
Noël Godin : « Bob m’a offert un des plus formidables cadeaux que j’aie jamais reçus, pour mes 60 ans. Soit un magnifique dessin encadré du Christ sur sa croix majestueusement entarté. Sinon, l’anecdote suivante m’a fait bien pouffer. M’assurant que Catherine Siné était bien plus cool qu’on pouvait l’imaginer, Benoît Delépine m’a raconté le moment où, causant avec elle, pété comme une huître, il avait tout à coup dégobillé sur sa belle moquette au beau milieu d’une phrase et qu’elle, sans sourciller, avait poursuivi la conversation. »
Nardo : « Siné est sous oxygène 16h par jour, mais pour son procès contre la Licra il est venu à Lyon sans ses bouteilles. Il a fait un malaise et quitté l’audience. Voir ce vieil anar entouré de gendarmes aux petits soins en attendant les pompiers ! Ça m’a rappelé l’Épave de Brassens. Un truc que Siné m’a directement inspiré c’est l’écriture cursive dans les bulles. Je lisais Ma vie, mon oeuvre mon cul, son autobiographie écrite à la main, et j’arrivais pas à faire des lettres capitales présentables… j’ai copié sans vergogne. »
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