Ira, ira pas ? Alors que ses supporters prient le président colombien Alvaro Uribe de se faire réélire une troisième fois, celui-ci, soutenu par Washington, garde le silence. Mais personne n’est vraiment dupe.
Et un, et deux et… trois mandats ? Tel est le dessein formulé par les aficionados du président colombien Alvaro Uribe réunis depuis 2006 au sein du parti de la « U », une coalition de pro-uribistes en majorité conservateurs et libéraux. Au lendemain de la fameuse « marche du 4 février » au cours de laquelle entre deux et quatre millions de Colombiens ont défilé contre les guérilleros des Farc, le secrétaire général de la « U », Luis Guillermo Giraldo, a plaidé en faveur de la prolongation d’Uribe sur le trône. Et impulse le lourd processus de modification constitutionnel qui permettra sa réélection. Il faut en effet savoir qu’en Colombie le président est élu pour un mandat de quatre ans non renouvelable. Réélu en 2006, Alvaro Uribe a déjà contourné le problème une fois.
Si cette saillie de la « U » excite légitimement l’opposition qui reproche au camp présidentiel d’ « instrumentaliser » la mobilisation civile, elle ne fait guère l’unanimité au sein du camp présidentiel. Ainsi, le puissant homme d’affaires Fabio Echeverry, ancien conseiller d’Uribe, n’hésite pas, à l’instar de son entourage, à dénoncer une « erreur monstrueuse » de la « U ». A titre plus anecdotique, l’épouse d’Alvaro Uribe se prononce franchement contre un troisième mandat de son cher et tendre. Déjà dans le passé, elle clamait qu’elle ne « prêtait » son époux à la Colombie que pour quatre années.
Pendant ce temps, le président Uribe se tait et s’abstient de confirmer (ou d’infirmer) s’il est partant pour un nouveau mandat. Pourtant, nombreux sont les observateurs qui ne manquent pas de relever qu’il avait adopté la même stratégie en 2006 pour sa seconde élection. Dans le passé, c’est ce même Alvaro Uribe qui déclarait qu’il n’était « pas possible de résoudre les problèmes de la Colombie en un mandat »…
Il faut dire que l’homme aurait tort de s’en priver. Il est aujourd’hui crédité d’une côte de popularité de 80 % et son électorat est sous le charme de sa politique de « sécurité démocratique » et de « mano dura » (littéralement « main dure » ) envers les Farc. Le président colombien peut également se targuer d’avoir la cote aux Etats-Unis. Aux yeux de Washington, il tient vaillamment tête aux pulsions belliqueuses de son frère ennemi vénézuélien, le président Hugo Chavez.
Et la tâche ne s’annonce pas facile : l’axe « Uribush » se retrouve encerclé par la vulgate « socialiste du 21ème siècle » cornaquée par le truculent Hugo Chavez et son camarade sandiniste Daniel Ortega du Nicaragua. Tous deux sont des pro-Farc assumés – le leader de la guérilla, Manuel Marulanda, a reçu la plus haute décoration du Sandinisme en 1999 – et ont en commun des différents frontaliers avec la Colombie. Même son de cloche en Equateur où le ministre des Affaires étrangères déclare sans ambages partager une frontière avec les Farc… Lors de laïus ou à travers sa folklorique émission TV hebdomadaire « Alo Président », Chavez tire à boulet rouge sur Uribe, alias « l’ouvrier de l’empire » qu’il accuse, sans preuve, de fomenter un « complot d’agression militaire ».
Effet boomerang, sa rhétorique belliqueuse fortifie Uribe qui, sur la scène nationale et auprès de l’administration américaine, apparaît comme seul rempart capable de contenir ces hostilités. Une bataille sur trois fronts justifierait alors trois mandats…