Premiers faux pas de la diplomatie française, décryptés sous la plume de notre chroniqueur du Quai d’Orsay.
L’arrivée de Bernard Kouchner au Quai d’Orsay a été accueillie avec une certaine lassitude. Après Douste Blazy, cela donne l’impression que la diplomatie française est devenue une affaire de médecin, ce qui n’est peut-être pas incongrue car elle est soudain tombée malade. En cinq jours de présidence, Nicolas Sarkozy a subi trois revers significatifs qui semblent indiquer qu’il n’a pas vraiment compris ce que représente la politique étrangère. Angela Merkel n’est pas Christian Clavier et une attitude péremptoire même enveloppée de compliments outranciers n’est pas celle que l’on doit avoir dans une réunion au sommet entre dirigeants européens. Résumons : depuis sa prise du pouvoir, Sarkozy a subi un bien inutile affront de la part du président colombien, s’est brouillé avec la chancelière allemande qui devrait être son principal interlocuteur au niveau international dans les cinq ans qui viennent, à laisser la France se faire marginaliser à Postdam lors de la réunion des ministres des Finances du G8 à l’occasion notamment de la discussion sur les nouveaux emprunts que les pays africains libérés de leur dette sont en train de contracter. Quant au Liban si cher à son prédécesseur, il se déchire à nouveau, ou plutôt, on le déchire de nouveau, sans que personne à Paris ne bouge. Damas teste le nouveau pouvoir élyséen et, à dire vrai, semble plutôt satisfait du résultat.
Évidemment, il faut laisser à Bernard Kouchner le temps de s’installer et de redescendre vers le quotidien après la divine surprise de sa nomination. Sur le papier, même avec l’ouverture, il était sûr a priori de voir passer Hubert Védrine avant lui. L’ancien ministre des Affaires étrangères de Jospin a laissé un peu partout un bon souvenir, celui d’un professionnel très impliqué dans les dossiers et très habile. Son seul problème entre 1997 et 2002 aura été ses relations avec le conseiller diplomatique de Jacques Chirac, un certain Jean David Lévitte. Il n’aura échappé à personne que celui-ci est désormais le gourou diplomatique de Sarkozy… Védrine n’a rien vu venir et oubliant que JD Lévitte était sinologue de formation, il n’a pas compris que chaque compliment de sa part était un cri de haine, chaque avancée vers lui une menace. Védrine a fait trois tours et s’est découvert un homme de conviction, refusant de trahir son parcours mitterrandien et ses enthousiasmes socialistes.
Kouchner est donc venu s’installer pour, selon ses propres dires, « défendre les opprimés ». Pour les diplomates, cette formule n’est guère inquiétante en soi. Sauf que Kouchner n’est pas sinologue, il n’a pas la subtilité toute orientale d’un JD Lavitte et certains se demandent si en fait, il ne croit pas ce qu’il dit. D’où l’alerte générale. Première victoire remportée sur le ministre, le fait que celui-ci n’a pas pu choisir son directeur de cabinet. Il rêvait du retour de Jean Maurice Ripert qui avait joué ce rôle quand il était secrétaire d’État à l’action humanitaire auprès de Roland Dumas. Il a appris que ce serait Philippe Étienne. Ancien directeur de la DGCID(direction générale de la coopération internationale et du développement), Philippe Étienne a de toute façon toutes les qualités pour s’entendre avec Kouchner : la DGCID est un partenaire habituel de Médecins du monde.
Mais il serait injuste de croire que Kouchner se contente de s’auto-congratuler. Il agit vigoureusement pour la paix : celle qu’il faut déjà rétablir entre les membres pressentis de son cabinet. Quant à ceux qui sont venus lui parler du conflit entre le Gabon et la Guinée Équatoriale, ils se demandent encore si la distance affichée du ministre est une forme particulière de concentration. Qu’on se rassure : on annonce déjà un voyage en Afrique francophone. Le Darfour ne le sait pas mais il est sauvé…
"Quant au Liban si cher à son prédécesseur, il se déchire à nouveau, ou plutôt, on le déchire de nouveau, sans que personne à Paris ne bouge. Damas teste le nouveau pouvoir élyséen et, à dire vrai, semble plutôt satisfait du résultat."
Je suis stupéfait par la légèreté avec laquelle vous accusez la Syrie concernant les réconets évènements au Liban. Si maintenant même les sites d’infos qui veulent soit-disant nous permettre d’avoir un regard différent de celui du Monde ou TF1 se laissent aller à ce genre de négligence, sauve qui peut.
Il ets loin d’être admis que c’est la Syrie qui est derrière ce qui se passe au Liban, et surtout la responsabilité du gouvenement américain et libanais est en cause dans l’armement et le financement du Fatah Al Islam.
En guise de préambule : les gars, la sinologie est une discipline sérieuse et difficile qu’il est regrettable de réduire à un artifice rhétorique véhiculant des sous-textes douteux, du type "le Chinois est fourbe"… Et Confucius n’est pas confus mais singulièrement profond ; toute confusion ne peut résider que dans l’esprit ignorant et troublé du lecteur (dans le texte reçu bien sûr).
Ceci dit, entre les nominations de Kouchner et d’Etienne on peut légitimement se demander quelle place est vouée à prendre dans notre diplomatie la "guerre humanitaire", ou l’art aussi perfide qu’efficace de manipuler les ONG — retenant un financement par-ci, accordant un couloir humanitaire par là — afin d’asservir leur action à des objectifs stratégiquement profitables tout en s’assurant l’appui enthousiaste de l’opinion publique. Ou quand la realpolitk rejoint la fabrique de l’opinion… Joli cocktail non ?