Les services hospitaliers camerounais font tout pour fidéliser leurs clients.
Au Cameroun peut-être plus qu’ailleurs, mieux vaut être riche et bien portant. Car au pays de Paul Biya, les soins médicaux coûtent chers. Très chers. Et ceux qui ne peuvent pas payer doivent bien souvent choisir entre la ruine et la mort. C’est ce qu’a pu constater Joséphine, 22 ans, qui a accouché d’un joli bébé il y a un mois à peine. Entre la vie et la mort quelques heures après sa naissance, l’enfant est expédié en urgence, avec sa mère, à l’hôpital gynéco-obstétrique de Yaoundé – le seul établissement hospitalier de la capitale équipé pour soigner la grave maladie du nouveau-né. Un lieu d’observation idéal pour comprendre le fonctionnement étonnant du « service public » camerounais.
Arrivée aux urgences, la jeune mère se voit imposer, avant toute chose, « une caution » de 50 000 F CFA (75 euros). Puis on l’envoie à la pharmacie acheter les médicaments exigés par l’hôpital (100 000 F CFA, soit 150 euros). Rien que de très normal, selon les standards camerounais. Mais la facture, déjà salée, explose quand les médecins se voient contraints d’opérer le bambin. Durement frappée par le chômage, la famille de Joséphine ne peut évidemment pas payer ces sommes colossales équivalentes à plusieurs mois de salaire. Et encore moins les payer cash comme l’exigent les hôpitaux camerounais. Une situation banale, en somme, dans un pays où la misère est nettement plus développée que la sécurité sociale.
La situation est tellement habituelle que l’hôpital gynéco-obstétrique a trouvé une solution imparable pour faire cracher les mauvais payeurs : les prendre en otage. C’est ainsi que Joséphine et son fils se sont retrouvés, plusieurs jours durant, dans « la prison » de l’hôpital. Eh oui, la prison ! C’est comme ça, en tout cas, que le personnel médical désigne la salle où l’on parque les patients indigents en attendant que leur famille apporte la valise de billets. Tenus à l’œil par un garde en uniforme et surveillés en permanence par un bataillon d’infirmières, « les prisonniers » déambulent dans les couloirs sans pouvoir sortir de l’hôpital. Dans sa grande générosité, les dirigeants de l’hôpital ont tout de même autorisé les visites : ça évite à l’établissement de payer la nourriture des internés et ça permet, au passage, d’administrer aux familles une piqûre de rappel… (suite au prochain numéro)