Entre chanson française et musique américaine, un grand premier album est sorti en catimini. Postulant au top 5 des albums dont les maisons de disques n’ont pas voulu en 2009 ?
Assis à l’ombre du dernier Cabrel, Hocine Zerzour joue et chante pour une poignée de chanceux initiés. Avec « Humeur velours », ce Français d’origine algérienne nous livre un premier album plein d’émotion, aidé par le réalisateur Manu Lanvin.
De ces douze chansons aux textes soignés émerge un univers folk aux nuances de rock, country, voire jazz ou blues. Le chant et la guitare acoustique constituent le fil rouge du disque, bien servi par des musiciens de haute volée. La voix est claire, douce, chargée d’une émotion et d’une poésie qui pourraient rappeler Michel Berger - même si dans « C’était un jour », le nouveau venu se défend de jouer du piano debout.
Si l’influence revendiquée de Mark Knopfler devra être jugée par des spécialistes de la six-cordes, le côté James Taylor est bien présent, et ni l’un ni l’autre ne renieraient le son travaillé de ce disque. Le mixage de la voix "à l’anglaise" (moins en avant que dans les standards de la chanson française) permet de se laisser envelopper par la musique comme dans une couette bien douillette. Une fois lové dans cet album intimiste, difficile d’en sortir avant la dernière note.
Auteur de la quasi totalité des textes, Hocine Zerzour privilégie les portraits. Les saynètes amoureuses sont dépeintes avec douceur, toujours (« Humeur velours », « La belle histoire »), et ironie parfois (« La clé de douze »). Il peint aussi des tableaux nostalgiques ("« C’était un jour »", « Denise a vu », « Un vieux bouge ») et s’aventure à quelques constats plus révoltés (« Eternel », « Billet vert », « Les voiles »).
Les arrangements minimalistes et la durée des titres vont directement au propos. L’auteur appose sa patte et finit de se démarquer grâce à sa casquette de compositeur. Ils ne sont pas si fréquents, les albums dont les musiques nous transportent instantanément de l’autre côté de l’Atlantique sans tomber dans la caricature. Il suffit d’écouter « Des jours comme ça » pour se rendre compte que celui-là est plus proche d’un Paul Personne que d’un Renan Luce.
« Humeur velours » est un disque sage, dans le bon sens du terme. Sa maturité nous donne envie d’interdire les jeunes talents de moins de trente ans, et sa diffusion limitée nous apporte une preuve supplémentaire qu’il est difficile de se faire une place au soleil. Mais avec un premier album de cette trempe, gageons que Hocine Zerzour aura la possibilité de s’exprimer encore, et que ses prochains disques arriveront jusqu’à nos oreilles.