Le nouveau patron du Figaro a toujours cru en l’information. Mais seulement quand elle sert les puissants ou les intérêts financiers
C’est un vrai rebelle que l’avionneur Serge Dassault porte à la tête du Figaro. Pour remplacer Nicolas Beytout, arrivé il y a trois ans sur les conseils amicaux de Nicolas Sarkozy mais qui a décidé de rejoindre le pôle médias de LVMH, acquéreur récent des Echos, il a décidé de nommer Étienne Mougeotte à la tête des rédactions du quotidien et de ses satellites. L’ancien patron des programmes de TF1 dirigeait déjà depuis quelques mois Le Figaro Magazine. Où il a montré un esprit d’indépendance remarquable.
Prenons le dernier numéro. En couverture : un dossier sur la flambée du pétrole. Le titre ? « Une chance pour la France, leader du nucléaire ». De quoi gêner notre président Super-Sarko, qui essaie de fourguer des centrales nucléaires à tout le monde, notamment son nouvel ami Mouammar Kadhafi. Dans son édito, l’Étienne se lance : « On ne rendra jamais assez hommage à Georges Pompidou qui, lors du premier choc pétrolier, au début des années 70, a eu l’instinct visionnaire et le volontarisme politique pour imposer le programme nucléaire d’EDF et permettre à la France de produire, trente-cinq ans plus tard, 78% de son électricité à partir de ses centrales nucléaires ». On est obligé de citer le passage en entier tant se dégage la puissance du verbe de l’éditorialiste. On a du mal à s’en remettre.
Autre article plaisant : une interview du président tunisien Ben Ali qui, « pour la première fois depuis des années », ouvre son palais de Carthage à l’hebdo. Il en profite pour lancer une forte parole : « Nous n’avons jamais refusé la critique ». Non, mais. Merci au Figaro Mag de rétablir la vérité sur la vraie nature de notre ami Ben Ali, un homme bon et généreux, malgré les risques importants que cela comporte. Les lecteurs de Bakchich en sont informés jour après jour. Il est comme ça, l’Étienne : toujours rebelle, n’hésitant pas à bousculer l’ordre établi.
Il a commencé il y a longtemps. Dans les années 1970, alors à Europe 1, où la direction avait vidé peut auparavant les persifleurs comme Maurice Siégel, il n’hésitait pas à tresser des lauriers à Giscard, un homme moderne qui n’hésitait pas à bousculer la France. Malheureusement pour notre camarade, les socialos n’ont rien compris et après la victoire de Mitterrand en 1981 certains ont osé scander « Mougeotte aux chiottes ». Il n’a pas fini dans les lieux d’aisance mais à la tête de Télé 7 Jours, un hebdo télé appartenant à Lagardère.
De ce poste stratégique, l’Étienne a évidemment compris le fonctionnement de l’audiovisuel et s’est retrouvé naturellement dans l’équipe de Jean-Luc Lagardère quand celui-ci s’est lancé dans la bataille pour TF1. Après l’échec du Gascon, se rendant compte un peu tard que les dés étaient pipés au profit de Bouygues, l’Étienne ne perdit pas de temps et rejoignit TF1 en mettant son immense talent au service des nouveaux propriétaires. Pour l’info, il n’hésita pas à prendre des risques considérables en nommant PPDA, ancien jeune giscardien, à la tête du 20 heures. En 1995, il engagea la chaîne derrière Balladur pour la présidentielle. Un vrai acte de transgression. Mais les forces conservatrices l’emportèrent avec Chirac. L’Étienne se lança alors dans la « quête de sens » en proposant des émissions de télé-réalité. Pradel, Morandini devinrent alors les fers de lance de TF1 avant l’arrivée de programmes vraiment borderline comme la Star Ac. Malheureusement, ces malotrus de Bouygues jugèrent que l’Étienne était un peu vieux désormais.
Mais papy Dassault était là pour aider notre ami à montrer ce qu’est un rebelle.