Les derniers jours d’un humoriste condamné par la maladie. Une comédie drôlement mélancolique de la nouvelle star du rire made in USA.
J’aime bien Judd Apatow.
Moi aussi.
Et alors ?
C’est le Mozart de la vanne régressive, le Beethoven de l’humour bite-couilles. Il a composé une poignée de nanars, mais aussi quelques symphonies comme "En cloque mode d’emploi" ou "Supergrave", sa grande œuvre, rythmée par quelque 200 « fuck ». Il a pas mal pompé les frères Farrelly ("Mary à tout prix"), mais si Apatow travaille plus dans le verbal et la réplique qui tâche, il a comme eux la volonté de repousser les limites de la vulgarité. Les frères ont néanmoins montré avec "Les Femmes de sa vie" qu’ils avaient de beaux restes. Je pense notamment à l’incroyable scène de zoophilie.
La scène avec l’âne ?
Oui.
OK, mais les Farrelly Bros. sont quand même en perte de vitesse, alors qu’Apatow, avec son gang de comédiens et son armée de scénaristes, cartonne à mort et enfile les succès, comme "Supergrave", "Frangins malgré eux" ou "Délire express".
Tu sais, "Funny People" s’est ramassé aux Etats-Unis. Pour la première fois, Apatow boit la tasse et son film, qui a coûté la bagatelle de 70 millions de dollars, va plomber les comptes de la MGM cette année.
"Funny People" est la troisième réalisation d’Apatow.
Et on peut dire qu’il a fait de méchants progrès depuis 40 ans et toujours puceau. Notamment grâce au talent du chef op’ de Spielberg, Janusz Kaminski. "Funny People" est un drôle de film, mais pas toujours drôle. C’est l’histoire de George Simmons, une vedette du stand up devenue une star de la comédie hollywoodienne, un connard arrogant et misanthrope qui enfile les groupies par paquet de douze et paie des figurants pour lui tenir compagnie avant de s’endormir. Quand il apprend qu’il est condamné par la maladie, il décide de faire une tournée d’adieu et prend un nouvel assistant, apprenti comique, pour lui écrire ses vannes et écouter ses jérémiades. Il va également tenter de se rapprocher de son amour de jeunesse.
Comme dans "En cloque, mode d’emploi", Apatow mixe grosses vannes de cul et émotion. Absolument. Son style trash chatouille les zygomatiques, mais touche en plein cœur. Ici, Apatow chasse sur les terres de Woody Allen et de James L. Brooks, réalisateur de "Tendres passions" et producteur des "Simpson".
Une vraie réussite, donc ?
Oui, car Apatow est plein d’empathie pour ses personnages, qu’ils soient paumés, veules ou immatures. Il prend tous les risques avec cette histoire un poil convenue de (qué)quête existentielle et de rédemption, mais il le fait avec une telle sincérité qu’il emporte le morceau, même s’il ne peut s’empêcher faire des vannes sur la bite de Tom Cruise ou une scène de largage de pets. La signature Apatow… Entre deux séquences de stand up hilarantes, Apatow s’offre également une belle réflexion sur les comiques, avec des caméos de Norm MacDonald, Sarah Silverman, Ray Romano ou Eminem.
Mais ce n’est pas un humoriste !
Ah bon ? Au bout de 1H 30, Apatow se lance dans un nouveau film quand le héros veut séduire l’ex-femme de sa vie, un truc plus convenu avec le mari, la femme, l’amant qui se courent après et se collent des beignes. Comme Apatow pèse 1, 4 milliard de dollars, personne n’a osé lui dire que les 45 dernières de son film étaient hors sujet.
Si Apatow a foiré la fin, il a réussi son casting.
Son génie, c’est d’avoir réuni autour de lui une bande de comiques géniaux. Je pense à Jonah Hill, le grassouillet libidineux de Supergrave, Steve Carrel, Paul Rudd, Will Ferrell, John C. Reilly, Danny McBride, Leslie Mann, la femme d’Apatow, et la merveille des merveilles, Seth Rodgen, gros nounours libidineux et romantique. Lui, je l’aime d’amour.
Dans "Funny People", il ne faudrait pas oublier Adam Sandler.
Bien sûr. C’est son meilleur rôle, avec "Punch Drunk Love" et le génial "Rien que pour vos cheveux". C’est un vieux pote d’Apatow et le réalisateur a mis dans le générique du début des home movies qu’ils avaient tournés il y a 20 ans, avec Sandler en train de faire des canulars téléphoniques. C’est simplement magnifique…