Nicolas Sarkozy, c’est la belle-mère de Blanche-Neige. A l’instar de cette reine cruelle qui brise son miroir (parlant) parce qu’il l’a privée de son titre de Miss Monde au profit de l’amie des Sept Nains, le Président de la République s’en prend à la presse parce que, désormais, elle ne célèbre plus (assez) ses mérites. Et, dans la foulée, incendie son prédécesseur.
Dérisoire, un tel comportement n’est pas neuf. C’est la réaction classique du mal-aimé en politique. Peu enclin à s’interroger sur lui-même, il impute le désamour dont il se plaint aux journalistes qui ont cessé de l’encenser. La réaction de Nicolas Sarkozy est d’autant plus navrante qu’elle réduit à rien le bel exercice d’humilité publique auquel il s’était livré lors de son interview télévisée du 24 avril.
De droite, de gauche ou d’ailleurs, l’Elu, à plus forte raison dans le monde politique, est toujours un paranoïaque en puissance. Suscite-t-il une critique (fût-elle, plus tard, corroborée par les faits) qu’il se plaint qu’on lui en veuille, que l’article malséant lui paraît la preuve d’un plus vaste complot destiné à l’abattre.
Alors que l’Elu est en charge de la réalité, il s’en détache par la faute d’un ego blessé. Alors qu’il devrait être au-dessus des hommes qu’il gouverne, il ne s’affranchit pas de leurs défauts les plus communs. Il perd la lucidité qui devrait être le guide de son action. La voie est ouverte aux courtisans les plus plats. Sur le modèle de celui à qui Louis XIV demandait l’heure et qui, sérieusement, répondait : « L’heure qu’il plaira à Votre Majesté. »
Cette illusion sur soi-même s’explique cependant. Il faut plus qu’un grain de déraison pour s’imaginer au dessus du commun et postuler à la place de Premier. C’est l’un des défauts de la démocratie : elle encourage la folie. Mais la démocratie n’en reste pas moins, comme le disait Sir Winston Churchill (1874-1965), « Le pire des régimes à l’exception de tous les autres ».
Chacun peut le constater, les fous sont légions. Alors que la vie est tissée d’autant de hasards que de volonté, le Candidat les rejette, tout désireux qu’il est d’être l’architecte de sa vie pour conduire celle des autres.
Au parti socialiste, on ne les compte plus, déclarés ou encore tapis, ceux qui croient avoir un destin qu’ils maîtriseront. Plus inattendu, il en va déjà de même dans la majorité ; sans trop se soucier, celle-ci ou celui-là, de ce que cette précocité d’ambition implique d’indécence pour l’Elu qui occupe la fonction dite suprême.
Inattendu ? Pas tant que ça. Le temps des Candidats n’est pas celui du tout-venant. En contribuant à la chute de De Gaulle en 1969, Valéry Giscard d’Estaing prend date pour la succession… du successeur, qui s’ouvrira, plus tôt que prévu, à la mort de Georges Pompidou en 1974. François Mitterrand et Jacques Chirac ont en commun de n’avoir été élus qu’à leur troisième tentative (1965, 1974 et 1981 pour l’un ; 1981, 1988 et 1995 pour l’autre). Quelle patience ! Quel appétit !
Il n’en est que plus affligeant de les retrouver, le Pouvoir conquis, si banalement humains, à ce point esclaves de leurs faiblesses ; Nicolas Sarkozy nous le rappelle.
Pas d’accord avec l’auteur de l’article sur un point : la démocratie n’encourage pas spécialement la folie. En revanche la contitution de la Veme république montre précisément ses limites par la dérive autocratique qu’elle peut autoriser. De Gaulle la souhaitait dans l’éventualité d’une nouvelle guerre. Aujourd’hui nous sommes a priori éloignés d’une telle menace (en tout cas d’une guerre classique avec invasion du territoire, car il ne faut jurer de rien !), et ce besoin de concentration des pouvoirs n’a plus guère de raison d’être. En revanche un rééquilibrage en direction du parlement est plus que jamais nécessaire.
Ce n’est pas la démocratie mais le pouvoir qui rend fou.
Et comme disait la maxime le pouvoir absolu rend absolument fou.