Deuxièmes extraits exclusifs du livre-choc de Nicolas Beau et Olivier Toscer, « L’incroyable histoire du compte japonais de Jacques Chirac » (Les Arènes, sortie le 20 mars). Aujourd’hui : comment les services secrets français ont découvert l’existence d’un compte au Japon de Jacques Chirac et comment la DGSE a ensuite tenté de dissimuler ses propres enquêtes sur ce sujet sensible…
Le 11 novembre 1996, au siège de la DGSE (les services secrets français installés boulevard Mortier à Paris), les chiffreurs reçoivent un message crypté venu du Japon, classé « urgent et réservé », c’est-à-dire de très haute priorité. Signé d’Atama, le nom de code de Jean-Claude Guillot, chef de poste de la DGSE à Tokyo, le message est adressé à Montignac, pseudonyme du chef du renseignement politique des services, le général Ricard.
L’une des copies atterrit entre les mains de Gilbert Flam, un magistrat détaché à la DGSE, membre du Parti socialiste, qui s’occupe du « bureau des enquêtes protégées », qui s’occupe notamment de surveiller la grande criminalité financière. Celui-ci travaille depuis un mois sur le sort de la banque japonaise Tokyo Sowa Bank, dirigé par le financier sulfureux Shoichi Osada, grand ami de Jacques Chirac. Le message d’Atama du 11 novembre contient des informations recueillies à Tokyo par un « honorable correspondant » de la DGSE surnommé « Jambage ». V. N.
« Tout en précisant qu’il rapporte “des éléments bruts non recoupés ou vérifiés”, Atama explique que, selon sa source “Osada dispose d’une équipe opérationnelle musclée, sa propre protection rapprochée, écoutes, filatures, actions physiques telles que cambriolages. Qu’il a de nombreux ennemis qui pensent que le mieux serait qu’il disparaisse purement et simplement”. Les financiers savent que le système bancaire japonais est sous influence, largement infiltré par les yakusas, version nippone de la mafia (…)
“Jambage ne veut pas aller plus loin dans cette affaire”, observe le chef de poste de la DGSE. “Il ne veut rien conserver à son bureau démontrant qu’il avait fait des recherches sur cette banque par crainte de représailles”. Des investigations visiblement à hauts risques ! Et d’ajouter dans son message : “Jambage paraît sincèrement penser que cette banque n’est pas fréquentable du fait de sa présidence actuelle et il ne veut plus y toucher par simple souci pour sa sécurité personnelle”(…) »
« Jusque là, le message du chef de poste de Tokyo est presque banal. Soudain, sans transition particulière, apparaissent trois petites lignes par lesquelles le scandale arrive : “le montant des sommes versées sur le compte ouvert par Sowa au nom de Jacques Chirac serait de soixante-dix oku-yens, soit sept milliards de yens, soit environ trois cent millions de francs”.
Atama parle d’un compte ouvert au nom de Jacques Chirac au présent de l’indicatif. Et n’emploie le conditionnel que pour préciser les sommes qui y ont été versées… Comme s’il s’agissait seulement, dans les communications entre l’agent au japon et son officier traitant à Paris, de confirmer une somme sur une compte qui ne faisait déjà pas de doute. Une bombe. (…) »
L’équipe de Gilbert Flam, à la DGSE, va creuser cette affaire les mois suivants, y compris en employant des moyens techniques lourds, notamment des interceptions de communications. Puis, l’enquête se ralentit, avant d’être réactivée discrètement par Gilbert Flam au printemps 2001. Prévenu indirectement de ses investigations, derrière lesquelles il voit une tentative de déstabilisation, Jacques Chirac se fâche. Il exige du patron de la DGSE, Jean-Claude Cousseran, qu’il vire Flam.
Et, le 14 septembre 2001, le chef de l’Etat demande aussi au général Philippe Rondot, un homme de confiance, conseiller pour le renseignement et les opérations spéciales au cabinet du ministre de la défense, de faire sa propre enquête sur ce qu’a fait Flam. Chirac veut notamment savoir quelle est la possible « utilisation qui est faite des archives détenues » par la DGSE sur ce qui est appelé « l’affaire japonaise ». V.N.
« Philippe Rondot se met au travail de concert avec le général Champtiaux, numéro deux de la DGSE et gardien du temple. Entre généraux, on se comprend. Alerté depuis le mois d’août, Champtiaux a déjà mené une enquête discrète, rapide “à la périphérie de l’affaire”, selon ses termes, “afin d‘éviter la publicité au sein du service”.
L’agent secret a compulsé les archives de la direction de Gilbert Flam, les communications avec le poste de Tokyo, sondé discrètement les officiers traitants ayant travaillé sur “l’affaire japonaise”. Sa conclusion est prête.
Il la couche noir sur blanc sur une fiche de renseignement rédigée le 24 septembre, datée du 28 septembre 2001 et inédite à ce jour dans sa version intégrale (voir doc ci-desous « DGSE , version originale 1 »).
“1/Il y a bien une enquête au japon sur la Tokyo Sowa Bank, conduite par M. Flam et quelques-uns de ses collaborateurs, sans qu’il soit possible de déterminer le degré exact d’implication de sa hiérarchie, notamment du directeur de renseignement de l’époque.
2/Elle a porté sur les avoirs du Président Chirac dans la Yokyo Sowa Bank et sur les liens, supposés, de Mme Chirac avec un financier russe Tokhtakhounov”
C’est la phrase-clé du rapport. L’enquête a porté sur “les avoirs du Président Chirac dans la Tokyo Sowa Bank” et les “liens supposés” de sa femme avec un financier russe. Le général Champtiaux est en effet tombé sur des recherches concernant la première dame de France, mais elles sont manifestement moins probantes que celles concernant le chef de l’Etat. »
Et c’est à partir de là que l’affaire prend une drôle de tournure. Car ce rapport Champtiaux du 28 septembre 2001 confirme l’existence des « avoirs du Président Chirac » et stigmatise le comportement de Gilbert Flam, jugé trop curieux et mal intentionné par sa hiérarchie. Double problème. Pour éteindre l’incendie interne et calmer l’Elysée, la DGSE va tout faire pour dévier l’attention et nier même, à l’issue de son enquête interne, l’existence des informations recueillies par Gilbert Flam. Du grand art ! V. N.
« Fin janvier 2002, ça y est ! L’enquête officielle est bouclée. Jean-Claude Cousseran lit et approuve les termes du rapport. Le général Dominique Champtiaux, dûment cornaqué par le général Rondot, remet une copie propre aux autorités.
Quarante personnes ont été entendues au sein de la Maison. Le mémo de trois pages, qui est officiellement la synthèse de cette enquête, est un chef-d’œuvre d’habillage (voir document « DGSE, version expurgée 2 » ci-dessous). En d’autres temps, on parlerait plutôt d’opération de désinformation. L’objectif est double : rassurer le Président de la République et sauver le soldat Cousseran.
Oubliées les notes écrites en septembre 2001 par les généraux Champtiaux et Rondot ! Disparue l’enquête de l’agent envoyé sur place ! La DGSE a compris la feuille de route : circulez, il n’y a rien à voir.
Le nom du Président de la République, admettent les auteurs du rapport, apparaît bien “dans le compte rendu d’une source japonaise, dans lequel était évoqué un compte bancaire de sept milliards de yens à la TSB”. »
« Mais cette pseudo-information serait apparue seulement dans un entrefilet du journal japonais le Shukan Post, l’équivalent local de Playboy. L’article n’a, en réalité, jamais existé (…) Mais cette invention est un os à ronger pour la presse : l’existence des avoirs du Président au Japon est renvoyée à l’état de rumeurs dans la presse.
Le rapport officiel assure également que la fiche du 11 novembre 1996 a été revue et corrigée par la hiérarchie des services, les mentions bancaires concernant le Président ayant été effacées parce qu’issues d’une source journalistique non crédible. “En conclusion, le service a conduit à bon droit des investigations sur la Tokyo Sowa Bank sans intérêt particulier pour la personne du président de la République”. CQFD »
Cette version fantaisiste, avec la référence à un pseudo-article du Shukan Post, faite sur mesure pour protéger Chirac, va prospérer dans la presse. Mais ni Gilbert Flam, ni son supérieur direct Alain Chouet, ni le directeur de la DGSE Jean-Claude Cousseran, soupçonnés d’avoir comploté contre le Président, ne sauveront leur tête. Après la réélection de Chirac en 2002, ils sont limogés… V. N.
Vidéo des éditions Les Arènes, présentation du livre :
©Les Arènes, 2008
Relire sur Bakchich, le premier volet de cette enquête :
"D’où vient tout cet argent ?"
Quarante ans de vie politique, des amitiés avec le "gratin" des dirigeants de ce monde (Omar, Saddam, Denis etc etc etc) un mentor nommé Georges Pompidou (maître es mallettes remplies de Pascal)… vous commencez à y voir un peu plus clair ?
Je me trompe peut etre mais il me semble que la DGSE n’a pas pour mission d’enquêter sur des affaires judiciaires françaises.
Il s’agit donc d’un abus de pouvoir commis par un fonctionnaire dans l’exercice de ses fonctions …
Et finalement aucun élément concret n’a pu être apporte …
Le plus étonnant c’est que même si le ragot était vrai, aucune loi n’interdit a Chirac d’ouvrir un compte a l’étranger
Dans cette histoire foireuse ce qu’il faut en retenir c’est qu’il va bien falloir un jour donner un coup de balai énergique dans les services secrets
L’argent des contribuables ne sert pas a défendre la nation mais a constituer "dossiers" politiques par des actions illégales - voire criminelles -
Et tout cela au nom du peuple français
Justement en ce moment on parle de RGPP … et si on les envoyait enquêter dans ce foutoir ?
Où avez-vous vu que la DGSE ait enquêté sur des affaires judiciaires françaises ?
Pour l’heure, il n’est question que d’un compte sur lequel fut déposée en une ou plusieurs fois une somme d’argent dont on ne connaît ni la provenance ni l’utilisation.