Richard Casanova, pilier historique présumé du gang de la Brise de mer, qui rayonne depuis la Corse, a été assassiné à Porto-Vecchio, le 23 avril. A 48 ans, ce Bastiais pur souche, soupçonné d’être l’un des organisateurs du « casse du siècle » contre la banque UBS de Genève en 1990, était resté près de 16 ans en cavale avant d’être arrêté en 2006. Un record !
Cela ressemble à une série noire. Les parrains corses, ou présumés tels, ont, ces derniers temps, une fâcheuse tendance à passer l’arme à gauche. Les causes varient. Il y a l’accident bête, comme Jean-Jé Colonna, figure mythique de la Corse-du-Sud, tombé avec sa voiture dans un ravin, en novembre 2006. La vieillesse, comme le brave Nick Venturi, décédé le 6 avril dernier, à 84 ans, à sa demeure marseillaise. Et la fusillade meurtrière, comme ce 23 avril, pour Richard Casanova, assassiné par le tir d’une arme automatique à Porto-Vecchio, alors qu’il sortait d’un garage. Du lourd et du brutal.
A 48 ans, ce Casanova avait déjà une sacrée légende accrochée à ses basques. Né à Bastia le 3 juillet 1959, Richard était plutôt du genre sang chaud. Au milieu des années 70, il était déjà réputé pour être un des membres les plus bouillants du tout nouveau FLNC, la puissante organisation nationaliste corse, au point qu’on lui attribua une participation à un attentat spectaculaire contre un Boeing 707 d’Air France à l’aéroport d’Ajaccio, en septembre 1976.
Tout en gardant des contacts avec les leaders de la mouvance nationaliste, dont François Santoni et Jean-Michel Rossi, Casanova prit cependant le virage des fréquentations plus controversées au début des années 80, devenant l’un des piliers présumés de la bande de la « Brise de mer », du nom d’un petit bar du port de Bastia, où se retrouvaient quelques « fistons » prêts à tout. Dès 1981, Richard Casanova, surnommé alors « Le Menteur », était signalé au parquet de Bastia comme supposé « dangereux, car pressé de faire ses preuves » !
Le groupe de la « Brise de mer » multiplia les « coups », braquages et autres aventures, et s’organisa en plusieurs tandems. Selon des sources policières, Casanova, présenté comme un parrain de la Balagne, souvent en voyage, fit alors équipe avec Dominique Rutily, natif de Calenzana (le village natal du clan des Guérini, parrains de Marseille durant les années 60). Lequel Rutily, homme d’affaires et président du Football Club de Calvi, fut tué le 30 mars 1996 en sortant d’un match dans le Var. Mauvaise passe.
Mais Casanova n’était pas là pour s’épancher sur la mort de son quasi-frère jumeau. Il était en cavale depuis l’été 1990, après un spectaculaire braquage – sans violence, ni sang versé, genre Spaggiari – mené par une équipe de garçons téméraires, présumés proches de la Brise de mer, dans les coffres-forts d’une succursale de la banque UBS à Genève. Le saint des saints ! L’essentiel du butin – 20 millions d’euros, un record – vint grossir des poches anonymes et provoqua, selon les rumeurs, quelques jalousies dans le milieu. Un complice présumé, déçu de sa maigre part, s’épancha auprès de la justice suisse. L’enquête démarra lentement.
Cité lors de l’instruction comme l’un des possibles cerveaux de ce casse du siècle, Richard Casanova préféra prendre la poudre d’escampette. Un mandat d’arrêt fut délivré à son encontre le 28 janvier 1991. Sa fuite, interminable, dura près de 16 ans ! Il écopa un peu plus tard d’un deuxième mandat d’arrêt, car des policiers souhaitaient l’interroger sur l’assassinat, le 10 juin 1993, à la terrasse d’un café parisien, d’un dénommé Jean-Toussaint Giacomoni, dit Noenoeil, ex-garde du corps d’un vieux parrain de Marseille, Paul Mondoloni, tué en 1985. Un commando de vengeurs masqués, peut-être composé d’anciens amis de Mondoloni et de nouveaux venus de Haute-Corse, en voulait visiblement à Noenoeil et Richard Casanova aurait pu éclairer la lanterne des juges sur cette sombre affaire. Mais il resta invisible.
La longue cavale de Richard prit des allures fantomatiques. Certains affirmaient qu’il était souvent de passage à Pars, à Marseille, en Corse, sous une fausse identité bien connue, sans qu’il ait trop à se soucier d’être arrêté. Il aurait été vu, plusieurs fois, vers 2000 et 2001, en compagnie des leaders nationalistes, Santoni et Rossi, dans la région de Porto-Vecchio. Il semblait protégé par des gradés du ministère de l’intérieur ou du renseignement, dont quelques membres de la galaxie Pasqua, avec qui il aurait noué d’utiles échanges. Ces protecteurs hauts placés auraient empêché, au moins une fois en 1994, son interpellation par des policiers qui le surveillaient en charmante compagnie. Bien qu’il soit sous le coup de mandats d’arrêts, sa fiche de recherche fut retirée du fichier du grand banditisme en 2000, de manière surprenante, au motif (faux) qu’il aurait été arrêté…
D’autres avançaient que Richard, grand nomade, voyageait de plus en plus, de la Russie au Maroc en passant par le Brésil, et qu’il avait investi sa fortune en Afrique ou à l’Ile Maurice, dans le secteur des jeux et du pétrole, en se rapprochant d’hommes d’affaires, souvent corses, bien introduits dans les palais africains comme à Paris. On le disait ambitieux, prêt à pousser ses pions vers les terres des vieux ennemis de la Corse-du-Sud, et parfois en froid avec d’autres membres de la Brise de mer. Mais on ne prête qu’aux riches.
Lorsque quatre de ses complices présumés du casse de l’UBS passèrent devant la cour d’assises de Paris, en juin 2004, ils furent acquittés. L’un d’entre eux essuya aussitôt une rafale de balles, en descendant chez lui, du côté de Marseille. Absent au procès, Casanova prit, lui, une condamnation de 12 ans, par contumace. Vexant. Mais le parquet fit appel pour tout le monde. Et préjugeant peut-être que les magistrats seraient cléments au deuxième tour, Richard Casanova circulait au grand jour sur les routes de Corse, en mars 2006. Des policiers le reconnurent, ce qui mit fin à sa cavale. Au même moment, Robert Feliciaggi, empereur des jeux en Afrique et proche de l’ancien parrain présumé de la Corse-du-Sud Jean-Jé Colonna, fut assassiné à Ajaccio. Un mystère de plus sur fond de règlements de comptes.
Placé en détention pour l’affaire de l’UBS, Casanova fut, de son côté, finalement remis en liberté en novembre 2006, contre l’avis du parquet, après paiement d’une caution de 150 000 euros, dans l’attente du procès d’appel. Depuis son retour sur la scène publique, Casanova vaquait à ses activités inconnues, en attendant que la justice se prononce à nouveau sur son sort. Mais d’autres oiseaux, plus vindicatifs, ont mis brutalement fin à sa carrière de conquérant. Et, vu le calibre de la victime, ils n’ont pas froid aux yeux.
La mort de R. Casanova ne semble avoir atteint personne en Corse…
C’est comme s’il n’avait jmais existé…
Mystère.
Je commence à douter du poids et de l’influence que l’on lui avait attribué…