La princesse enchantée regarde d’un oeil distrait la nomination d’un nouveau premier ministre algérien. Et s’amuse de la réputation "islamiste" d’un politique "madré".
Il faudrait aller à la mosquée matin midi et soir ; faire ses prières chaque jour que Dieu fait ; la main du chapardeur de poules serait amputée ; on allait lapider la femme infidèle… Lorsque fin mai un Premier ministre réputé « islamiste » a été désigné par le président Bouteflika pour succéder à Ahmed Ouyahia, a suivi une vision apocalyptique de l’Algérie venue autant des bords de Seine que de l’autre côté de la Méditerranée. Rien d’aussi sombre n’est arrivé. L’Algérie n’est pas passée entre les mains des « barbus » depuis qu’Abdelaziz Belkhadem a pris les rennes du gouvernement. Et le danger ne la guette pas davantage si demain, hypothèses tout à fait possible, le nouveau chef du gouvernement est élu président de la République. Belkhadem, 61 ans, est avant tout un homme politique. Bon musulman sans doute, avec son fin collier de barbe et son côté ascète, mais avant tout politicien. Et des plus madrés. Il y a trente ans qu’il fait de la politique. Toujours sous la casaque du Front de libération nationale (FLN). Lorsque pour la première fois il a été élu député - en 1977 - l’Algérie vivait sous le régime du parti unique. Le système a volé en éclats mais Belkhadem a survécu.
Qu’est ce qui lui vaut la réputation d’être un islamiste déguisé ? Essentiellement son comportement pendant les années de guerre civile. Belkhadem faisait partie, avec une poignée de défenseurs des droits de l’Homme et quelques anciens dirigeants politiques, des « dialoguistes » autrement dit de ceux qui tentaient de trouver une solution politique au drame algérien à un moment où l’armée, défendue par les « éradicateurs », préférait utiliser des solutions plus expéditives pour se débarrasser du FIS et de ses partisans. Voilà le crime de Belkhadem : il a privilégié le dialogue. C’est Bouteflika, élu président, qui l’a remis en selle en faisant son ministre des Affaires étrangères. C’était en juillet 2000. Belkhadem a occupé le poste plus de cinq ans. De cette période, les adversaires de Belkhadem ont retenu des propos jugés trop favorables à l’Iran des mollahs ; des critiques contre la venue en Algérie du chanteur Enrico Macias… Ils auraient mieux fait d’analyser l’ascension de cet ancien enseignant, et d’observer avec quel talent il se positionnait comme l’héritier de Bouteflika.
Belkhadem a été d’une fidélité absolue à l’égard de celui qui l’a sorti de l’ombre. Jamais il n’a émis la moindre critique à l’encontre du président. Jamais il ne l’a trahi. Au contraire. Toujours du côté du manche Belkhadem. Lorsqu’en 2004 le contrôle du FLN semble échapper à la présidence, que le vieux parti se laisse séduire par le candidat Benflis à la veille d’une présidentielle, Belkhadem joue les chiens de garde. Il contribue à marginaliser puis à éliminer Benflis et à reprendre le contrôle du parti. Aujourd’hui, Belkhadem règne sur le FLN redevenu un instrument au seul service de la présidence. Plutôt que d’éditorialiser sur Belkhadem, l’islamiste du FLN, les journaux auraient mieux fait de gloser sur la signification profonde de l’arrivée à la tête du gouvernement d’un homme détesté par l’armée et les services algériens.
C’est peut-être le signe que Bouteflika est en train de prendre le dessus sur les galonnés. On peut toujours rêver.