Batman affronte le terroriste ultime, le Joker, dans une Amérique toujours traumatisée par le 11 Septembre. Un film sombre, imparfait, mais politiquement malin. Et avec une performance hallucinée d’Heath Ledger.
Bon, la cause est entendue, The Dark Knight serait le film de l’été, un chef-d’œuvre de noirceur, la meilleure adaptation ciné d’un comics… Pour preuve, les 500 millions de dollars bientôt moissonnés aux USA, les fans en délire et la critique gaga qui loue le génie du réalisateur Christopher Nolan et l’abattage d’Heath Ledger, qui mérite « un Oscar posthume » (ça lui fera une belle jambe !) Alors ? Avec les records au box-office et le marketing obscène qui joue sur la mort tragique de Ledger, on en oublie quand même l’essentiel, à savoir le scénario, une histoire sombre et glauque à souhait, certes, mais pour le moins laborieuse et bancale.
Gotham City. Batman est le justicier ultime, le roi de la mandale, du double salto arrière et du coup de boule dans les gencives. Œil pour œil, dentier pour dentier. Adepte de la justice expéditive, Batman a tellement nettoyé sa ville au kärcher que la racaille est quasiment au chômage. Super Sarko, quoi ! Survient le très allumé Joker, son crayon affûté, son maquillage craspec, ses répliques marrantes (« Cette ville a besoin de criminels d’une meilleure classe »). Il va empêcher le vigilante de cogner en rond, fabriquer de toutes pièces un autre vilain, Two Face, et rétablir le chaos à Gotham. Avant de comprendre que Batman est son double, un illuminé comme lui, et que les deux hommes sont les deux faces de la même pièce, incapables d’exister l’un sans l’autre. Pourquoi pas ? Mais bientôt, le Bat fan est pris d’un doute et éprouve un atroce sentiment de déjà-vu. Le « chef-d’œuvre » annoncé est en fait le repompage éhonté de deux BD (non créditées), Dark Knight (même titre en plus) de Frank Miller, et The Killing Joke (Souriez !) d’Alan Moore, deux classiques d’une vingtaine d’années.
Comme c’est pas beau de copier, Nolan tente de brouiller les pistes : plus d’action, même si ce n’est pas sa spécialité, plus de noirceur, plus de psychanalyse et plein d’acteurs sympas pour faire joli. À l’arrivée, la chose dure 2h30 ; c’est beaucoup trop, d’autant que Nolan a multiplié les scènes d’exposition balourdes, les incohérences, les sous-intrigues inutiles (Batman s’éclate en deltaplane à Hong Kong !), les coups de théâtre. Plus malin, il emballe le tout d’un discours politique, comparant le Joker à un Ben Laden aux cheveux verts. Terroriste punk, le Joker pose ses bombes un peu partout, menace d’éventrer un immeuble, demeure insaisissable dans sa tanière, se fend de petites déclarations à la télé… Quant à Batman, il attire les criminels comme le World Trade Center aimantait les terroristes. Comme George W. Bush, l’homme chauve-souris veut éparpiller façon puzzle l’axe du Mal sans comprendre qu’il en fait partie.
The Dark Knight est donc un objet étrange, entre manifeste pop, blockbuster calibré et brûlot politique. Accumulant les cascades pas très passionnantes, Nolan, 38 ans, instille à nouveau ses obsessions sur le thème du double et le chiffre 2. De fait, The Dark Knight ressemble à un remake du formidable Le Prestige, son précédent film, duel à mort, sombre et névrotique, où deux magiciens, deux anciens amis rongés par la haine et la jalousie, s’affrontaient pour percer les secrets de l’autre.
Le grand atout du film, son joker, c’est Heath Ledger bien sûr. Avec sa diction sans ponctuation à la Christopher Walken, sa façon de pencher sa tête sur le côté, de sortir la langue de sa bouche tel un reptile, de recoiffer ses cheveux gras, Ledger fait une composition stu-pé-fiante. Il hérite des meilleures scènes, des meilleures répliques (dont la très dingo-nietzschéene « What doesn’t kill you makes you stranger »). Effrayant bien sûr, mais surtout terriblement humain, le Joker électrise le film à chaque apparition. Mais c’est le très mou Batman qui vampirise l’écran et le temps paraît bien long quand le Joker, le véritable chevalier noir de l’histoire, s’absente. Pourtant, on aimerait bien être avec lui, voir ce qu’il trame, comment il s’éclate, plutôt que de subir les atermoiements du justicier dépressif, obligé de porter cette vilaine cagoule aux oreilles de hyène. La honte, quoi !
Dernières critiques de films sur Bakchich :
je viens de voir le film. je recherchai des informations sur le film et je tombe sur ce site. et là, le joker est comparé a bin laden et autres foutaises… c’est a se demander si on a vu le meme film. ciao
PS : toutes gouts sont dans la nature etc…. mais comme meme
Haaa, cette bonne vieille mode de mettre de la politique à tout va.
Un film ? Il y a certainement un message politique caché à l’intérieur ! Mieux : les scènes de combat regorgent d’images subliminales ! Buvez *insérez votre marque de boisson ici* !
Comparer le Joker à Ben Laden ? Il faut vraiment avoir une culture des comics assez pauvre pour ne pas voir que c’est Ben Laden qui a tout copié sur The Joker :D
Comparer Batman à Bush ; C’est à la limite de l’hérésie ! Batman est un "héros" "border-line", surfant sur cette dangereuse ligne entre le Bien et le Mal, animé par un puissant sentiment de vengeance mêlé à un très fort principe de Justice.
Ensuite, comparer "The Dark Knight" au "Prestige" ne semble pas très réglo, bien qu’un détail (que vous avez évidemment relevé même si il ne figure pas dans votre article, fan de comics que vous êtes, n’est-ce pas ?) puisse abonder dans votre sens. En effet, "Le Prestige" n’inclue aucune notion de Bien ou de Mal, il n’utilise pas de pivots multiples et la chute (le prestige, pour le coup) est absolument différente. Cependant, dans le films de magiciens, les deux personnages sont liés par un évènement commun. A l’origine, dans les comics, The Joker n’a pas fait ce qu’on lui prête dans The Dark Knight (évitons de spoiler) liant ainsi les deux personnages principaux. Mais ça serait bien là l’unique point commun avec les frères magiciens ennemis.
Je m’arrêterai là, mais il y a encore bien à dire sur vos "arguments" et le reste (les "scènes d’exposition balourdes" sont des références/clin d’oeil et sont loin d’être la majeure partie du film, les "cascades" sont du pur Batman, le Joker n’est pas, mais alors vraiment pas un Chevalier Noir, et vous oubliez de parler de Gotham City, du deuxième méchant dont vous ne mentionnez même pas le nom, de l’importance donnée aux personnages secondaires, à croire que vous êtes tellement aspiré par le Joker que vous n’en voyez pas les autres… Terriblement humain, n’est-ce pas ?)