Le tatillon juge Ramaël, chargé du dossier Ben Barka, a tiré l’ancien homme de main de Hassan II de sa douce retraite parisienne. Des révélations en perspectives ?
Homme de confiance de Hassan II, dont il fut pendant un quart de siècle le bras droit, l’ancien ministre marocain de l’Intérieur Driss Basri doit être interrogé lundi 22 mai en début d’après-midi par le juge Patrick Ramaël dans le cadre de l’instruction de l’affaire Ben Barka. Le juge, qui a repris le dossier depuis environ 18 mois, a multiplié les déplacements au Maroc et en France pour tenter de faire enfin éclater la vérité sur les conditions exactes dans lesquelles a disparu en octobre 1965 le grand opposant marocain. Même si Driss Basri refuse de parler de « convocation » et se déclare « invité » du magistrat, cette rencontre constitue un moment fort dans l’instruction de cette tragique affaire.
D’abord, c’est la première fois que l’ancien homme fort du régime alaouite répondait aux questions d’un juge, que ce soit en France ou au Maroc. Avant de se rendre au Palais de justice, Basri a souligné qu’il était « de son devoir » de participer à la recherche de la vérité. Mais surtout, dépositaire des archives et des secrets, petits et grands, du royaume pendant près de 35 ans --- il était en 1965 chef des R.G. à Rabat avant de devenir secrétaire d’Etat à l’Intérieur au début des années 70 puis ministre de l’Intérieur de 1979 à 1999 — Driss Basri, sans avoir été mêlé de près ou de loin à l’affaire, sait beaucoup, beaucoup de choses. A travers lui, c’est un peu comme si Hassan II en personne avait été convoqué.
Reste que le serviteur zélé du monarque disparu a tellement menti ou tronqué la vérité au cours de sa très longue carrière de premier flic du royaume qu’on peut s’interroger sur l’intérêt et la véracité de sa déposition. Néanmoins, compte tenu de l’aversion de Basri pour un certain nombre de protagonistes de l’affaire toujours en vie, il n’est pas exclu qu’il puisse éclairer la lanterne du juge Ramaël. On pense évidemment en premier lieu au très influent patron de la gendarmerie, le général Hosni Benslimane, à l’époque de permanence au CAB1 (ancêtre des services secrets marocains), et qui, à peine Hassan II décédé, a lâché brutalement son vieux complice dans l’appareil répressif. Or, Patrick Ramaël, lors de son dernier passage à Rabat, n’avait pu le rencontrer, la justice marocaine étant dans l’incapacité de fournir au magistrat français l’adresse du plus connu des généraux marocains !