Un tour de Corse des litiges immobiliers du littoral.
Premier arrêt : Borgu, au sud de Bastia. Paysage enchanteur. Un cordon lagunaire, la Marana, que les Bastiais appellent « le lido », enserre l’étang de Biguglia, une petite Camargue sur laquelle des nuées d’oiseaux migrateurs font halte. Sur ce cordon, une pinède, propriété de la fille de M. et Mme Natali.
Paul Natali est une figure de Haute-Corse. Ancien sénateur, ex-président du Conseil Général et de la Chambre de commerce, « Popol » a longtemps été plus gros entrepreneur de l’île. Son épouse Anne-Marie est aujourd’hui maire de Borgo et première vice-présidente de l’Assemblée de Corse.
Le projet familial ? 100 mini-villas de 250 m2 chacune, une résidence hôtelière, 200 appartements, une gendarmerie, une école, un bureau de poste… et même une chapelle ! Lorsqu’elle a découvert le projet, Michèle Salotti a bondi. Les écologistes ont remué ciel et terre, fait intervenir le conseil scientifique régional qui, le 20 mars, s’est fendu d’une lettre au préfet, signalant la valeur écologique remarquable de la zone.
À la suite de quoi la famille Natali aurait fait marche arrière, ne conservant que le projet de centre administratif… Jugé tout aussi irrecevable par les écolos. À suivre.
Descendons le long de la côte orientale jusqu’à Aléria et l’étang de Diana. Un site classé, célèbre pour ses huîtres grasses et parfumées et la richesse de sa faune sauvage. Là encore, entre l’étang et la mer, un grand projet de complexe touristique de 320 logements a été signalé, sur un site aujourd’hui totalement vierge. L’enquête publique sur le nouveau PLU, qui aura lieu prochainement, devrait permettre d’en savoir plus.
Quelques kilomètres plus au sud, voici Prunelli-di-Fiumorbu. Ici, le nouveau PLU a reçu le feu vert des autorités. Il prévoit de déclasser une vaste portion de littoral, à Calzarellu, sur laquelle seraient construits 400 appartements et deux hôtels… en pleine zone inondable !
Maintenant, cap à l’ouest, par-delà les montagnes du sud de l’île. Nous voici à Olmetu, au nord de Propriano. Plusieurs tours génoises apparaissent sur fond de maquis vert. L’une d’elles, la tour de Micalona, bordée de dunes classées « Natura 2000 », a failli être achetée par le conservatoire du littoral. Elle a finalement atterri entre les mains d’un propriétaire privé, qui prévoit d’y édifier un hôtel, un restaurant et des villas autour d’un golf.
Pour finir ce tour de Corse, un petit saut en direction du nord, vers Coti-Chiavari. Ce petit village accroché à la colline englobe une tranche de côte très découpée, de toute beauté, entre le golfe de Propriano et celui d’Ajaccio. Au fond d’une crique magique, apparaît la célèbre paillotte Chez Francis, rasée par les gendarmes du préfet Bonnet… et aussitôt reconstruite.
Son indéboulonnable maire, Henri Antona, élu sans discontinuer depuis 37 ans, ex-vice-président de l’Assemblée de Corse, ancien instituteur reconverti dans les affaires, est bien connu des juges du continent. Il a longtemps raflé bon nombre de marchés publics, en région parisienne, en tant que président de la Tecni, filiale de la Compagnie générale des eaux spécialisée dans le nettoyage, le chauffage et le gardiennage. Il a beaucoup aidé ses amis RPR : c’est lui qui pendant des années, a payé le salaire de la secrétaire de Jean-Claude Méry, grand manitou du financement occulte du RPR, ce qui lui a valu d’être condamné pour abus de biens sociaux en 2006 (il n’a pas fait appel).
La même année, Antona a délivré un permis de construire à un certain Alain Carlotti, pour une villa de 472 m2, sur un merveilleux terrain en bord de mer. Malgré un avis défavorable de l’architecte des bâtiments de France et du directeur départemental de l’équipement… le permis a été accordé le 1er février 2007, par une lettre signée du préfet Michel Delpuech en personne ! L’association ajaccienne GARDE a aussitôt déposé une requête en annulation. Cette affaire « exemplaire » va être jugée le 17 avril par le tribunal administratif de Bastia.
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Bonjour,
Il y a une petite île bien bétonnée que vous avez oubliée : Cavalo. Là il n’est même plus question de loi littorale, tout est construit "dans l’eau" surveillé par une milice privée. Il est vrai qu’habitent là les Grimaldi de "Monac.", l’ex roi d’Italie … La loi ne s’applique plus !!! Et comme si ce n’était pas suffisant certaines criques sont barrées par une corde flottante empêchant l’accès libre des embarcations en contravention complète avec la règlementation maritime. Ce n’est pas le seul endroit où des privés s’approprient la mer. Aux "trois granges" à Murtoli, hotel de luxe (dépendant, je crois, de "Cala Rossa" à Porto Vechio) où notre Zizou national passe parfois quelques jours en famille, la crique est interdite d’accès. Vous pouvez demander aux Affaires Maritimes d’intervenir … Pas de réaction. On est bien loin du sentier douanier règlementaire à Murtoli mais il est vrai que c’est une habitude du domaine de "Cala Rossa". Tentez donc la promenade en longeant le trait de cote … Même nos hardis gabelous auront bien du mal ! Vous dites défaillance de l’état ?
Bernard Toulouse