Patrick Poivre, ultérieurement prolongé par lui-même d’un aristocratique « d’Arvor » dans de hautes ivresses télévisuelles naît le 20 septembre 1947, anniversaire du jour où la République fut établie en France. Mais à Reims, ville royale où le champagne coule à flots. Déjà la confusion dans les symboles à l’instant où il paraît sur terre. Aussi en résultera-t-il pour lui une fonction à la fois claire et trouble. Lui-même en saisit-il la nature dans son royaume de nuages ?
Dans ses heures glorieuses, la cité du sacre où Jeanne d’Arc amène Charles VII au bout de sa lance associe le pouvoir et les fêtes. Comme la télévision de nos jours. De même qu’il fallait parader dans la Galerie des Glaces pour devenir quelque chose ou quelqu’un au XVIIe siècle, si l’œil du Roi vous distinguait enfin. L’objectif des caméras décide pareillement des carrières au XXIe. Du moins, Louis XIV ordonnait dans son justaucorps magnifique là où Poivre se borne au commentaire en veston plus paisible du démocrate. Parmi d’autres fonctions, la parole du souverain possédait le pouvoir presque sacral d’apaiser. La sienne aussi, mais autrement.
Depuis si longtemps qu’en compagnie de quelques imitateurs sa présence confine presque à l’éternel, la dramatique histoire du monde s’énonce par sa bouche comme un banal bulletin de santé quotidien. Illusions collectives, catastrophes naturelles, coups d’État, guerres civiles, sida, résultats sportifs, assassinats, petits incidents pédophiles et grosses erreurs judiciaires, cinéma, hausse des prix du pétrole, pénurie de matières premières, mouvements sociaux, fonte des glaces, malheurs climatiques, tout arrive puis se résorbe entre ses lèvres sans suites ni conséquences.
Art étonnant de convertir tant de fatalités tragiques en paisibles faits non seulement accomplis mais assouplis, dans l’évanescence tranquille du Sage fascinant comme un Mage, à la fois livreur, laveur et croque-mort du réel. Nul événement local ou international qu’il ne faille avec lui absorber dans du miel. Le meilleur des mondes aussi où les surprises désagréables se neutralisent parce qu’elles s’additionnent dans le murmure de sa modération. Parfois, sans doute, l’œil s’alourdit, le front se plisse d’un vague souci. Quelque part dans l’inaccessible du Mal, une infraction vient de se commettre contre un tabou quelconque du politiquement correct, non écrit, mais omniprésent dans les têtes. Les épaules de Poivre se voûtent un peu. Preuve qu’il désapprouve. Dans quel sens ?
Pour autant, il ne s’empourpre jamais sur quelque sujet scandaleux comme les superprofits des grandes surfaces, le gangstérisme avoué des centrales d’achats, la dictature publicitaire, l’immunité d’une magistrature orgueilleuse ou irresponsable, les délocalisations cyniques et sauvages, les bénéfices financiers honteux etc., etc. Sur ces affaires là, jamais une révolte visible au JT de vingt heures. Le meilleur comme le pire s’y entortillent dans le papier de soir du ton suave.
Quand son regard presque complice à l’égard de chacun, quand son œil de velours « dédramatisent » le quotidien malgré tant de drames, le présentateur-vedette ne déborde certes pas de hardiesse analytique. Son apparence paisible, tempérée digère l’épouvante en même temps qu’il administre aux téléspectateurs leur indispensable dose quotidienne de tranquillisants. Cet as du capitonnage œuvre aussi en grand anesthésiste. Aucun bricolage dans sa méthode.
Aussi, à l’inverse du mythe flatteur qu’il entretient, cette information impersonnelle n’exprime aucune objectivité. Elle procède tout au contraire d’une ferme autorité. À ce titre, il se vénère, il se craint. Inexactitudes, complaisances, incohérences, propos scabreux, tendancieux, spécieux, filandreux, erreurs flagrantes tombées de sa bouche ne soulèvent le cœur de personne. Ils appartiennent aux sortilèges, privilèges reconnus à une charge sacrée. Autrefois, aucun féodal pétri d’orgueil n’affrontait sans appréhension le regard d’un évêque. Pareillement, nul parmi nos politiciens parmi les plus arrogants ne s’avance sur le plateau de TF1 sans quelque vague à l’âme. Même s’ils dînent en ville ensemble. Dans son despotisme avéré, la Parole flatteuse empoisonne comme elle ment.
Bien sûr, Patrick agace. Mais il plaît beaucoup plus encore. Le public, l’audimat ne réclament pas une information plus complète, ni plus intelligente. Simplement une tête familière, et donc agréable à regarder. Le plaisir de voir l’emporte toujours sur celui d’apprendre, de comprendre. Ainsi se satisfait l’obscur mais viscéral besoin d’appartenir à une communion, même à celle des tricheurs ou des imbéciles.
À l’inverse, imaginons qu’au lieu d’endormir son monde, une télévision courageuse, irréprochable, entreprenne de réveiller la population au lieu de l’endormir avec ses serinettes, ses sornettes. Elle rappellerait alors quotidiennement de quelles bassesses, trahisons, intrigues malhonnêtes, de quels mensonges directs ou par omission le monde officiel se nourrit. Elle dénoncerait les statistiques truquées, les spéculations honteuses du capitalisme boursier. La France entière en sursauterait, la rage au cœur, l’écume à la bouche, prête soudain à entendre parler de la poudre.
Le ton lisse, imperturbable de Poivre aide au moins à ménager les cœurs. La tranquillité de l’espèce ne se maintient pas qu’avec une morale en veilleuse. Trois petits tours et puis s’en vont comme les petites marionnettes. Selon les chiffres officiels, le salaire de Patrick pour ses seuls services à TF1 tourne autour des cinquante mille euros mensuels. C’est le prix de la paix mondiale. Car des États-Unis au Japon, d’Europe en Chine, la télévision des cinq continents transforme comme en France de vieux peuples historiques en zombis planétaires. S’il se réveillent, quelles secousses ! Du moins, d’Arvor ne prétend pas comme le Mikado descendre du soleil. Mais il a des yeux de diamants dans une tête de métal précieux, et sa jactance produit de l’or.
"What cannot be eschewed must be embraced”. Que - ou qui - faut-il embrasser ? L’origine (Les joyeuses commères de Windsor) et la signification (inattendue) de la citation de Shakespeare ici :
http://libellules.blog.lemonde.fr/2008/07/09/le-penis-de-shakespeare-bis/
Simple remarque :
Je connaissais sa chevelure factice, sa culture factice (je me rappelle d’erreurs grossières sur la seconde guerre mondiale) mais pas son nom factice, il n’est donc même pas breton ? Qui peut me le dire ?
Bonjour,
Ne me dîtes pas que vous attendez encore quelque chose de la télévision. Même les émissions de "décryptage" de la télé sont dirigés par des faux-culs de première. Citons M. Schneidermann qui a depuis longtemps remisé ces bullocks au vestiaire de France 5 (Pas vu, pas pris).
Il est plus judicieux de se servir d’internet de nos jours. Cela vous prendre moins de temps, et en plus si vous avez des lacunes c’est le meilleur endroit pour les combler. Rien à voir avec les JT, qui si vous avez le sens du timing se ressemnblent comme deux gouttes d’eau. Faîtes le test de zapper de la Une à la Deux entre chaque reportage. C’est assez effarant.
A bon entendeur…
Personellement j’ai apprecie son talent lorsqu’il faisait dans les annees 1970 des reportages a travers le monde pour le concours de jeunes journalistes.(ou q.q.c comme ça). J’ecoutais sur la radio francaise retransmise en afrique (Congo) les carnets de route des candidats. Concours si ma memoire est bonne qu’il semble avoir gagnè. Et je crois que c’est cela qui lui a ouvert les portes a sa carriere. Christian
Caboverde - Boavista.
Poivre d’Arvor est un journaleux et non un journaliste
Exactement, un promptologue (un proctologue de l’information). Merci Coca-Cola …