Le dernier roi d’Écosse nous conte l’histoire d’un jobard écossais qui copine avec un dicateur ougandais du genre plutôt pansu.
Dans un film aux allures de thriller, Kevin Mc Donald, par le truchement de la fiction, raconte la tragique histoire d’amitié d’un jeune médecin écossais, Nicholas Garrigan et du tyran ougandais, Idi Amin Dada. Ces deux êtres que tout sépare s’entendent comme larrons en foire, s’échangent des tee-shirts et rient fort ensemble. Bref, ils sont potes.
Ça se passe tellement bien qu’Amin Dada offre une chouette berline à son médecin qui, tout heureux du cadeau, dissipe un peu vite les doutes qui l’assaillent. Il mène une vie de patachon blanc en Afrique assez typique : filles, fête et soleil. Pour ajouter à l’archétype, il est naïf. Malgré les avertissements d’un britannique sinistre et les signes plus qu’évidents de la folie sanguinaire de son Dada, Nicholas Garrigan veut croire en l’avenir rose que promet le fou. Il y croit tellement qu’Amin Dada n’a aucun mal à le convaincre de bâtir avec lui cet Ouganda fort et indépendant. Pourquoi pas ? Le spectateur se laisse prendre par l’intrigue et se demande jusqu’où ira la crétinerie de l’Écossais.
Le film a au moins un mérite. Celui de refaire parler du général Idi Amin Dada, mort en 2003 dans l’indifférence générale et le luxe saoudien. Arrivé au pouvoir par la grâce d’un coup d’État en 1971 et d’un gros coup de pouce britannique, le potentat fou a laissé un pays meurti (300 000 morts) et totalement ruiné. Personnage excentrique, il s’est proclamé « roi d’Écosse » entre autres titres pompeux et a mené une politique inepte et sanglante : expulsion de tous les juifs puis des asiatiques, (des « sangsues ») en 1972, assassinats systématiques des opposants… Celui qui déclarait n’agir que sur ordre de Dieu (« Ce n’est pas moi qui parle, mais la vérité ») a été president de l’OUA (Organisation de l’Union Africaine) en 1975. La trop longue complaisance de la communauté internationale à son égard ne s’est effritée qu’en juillet 1976 lorsque Amin Dada a accepté d’accueillir à l’aéroport d’Entebbe un Airbus détourné par ses “frères” Palestiniens. Un raid israelien à l’aéroport d’Entebbe libère les otages humiliant ainsi “Big Daddy”, le mal nommé. Deux ans plus tard, Amin Dada imagine envahir la Tanzanie et provoque ainsi sa chute. Renversé, il s’enfuit chez son copain Khadafi puis en Arabie Saoudite.
Plutôt loin. Ce qui était prenant au début du film devient irritant. D’abord parce que la fiction ne tient pas longtemps. Les scènes les plus absurdes se succèdent pour mieux se crasher en une fin abracadabrante. Notre doux enfant, roux et bouclé, s’amourache de l’une des femmes de Dada, dénonce un honnête ministre qu’il envoie à la mort et réussit l’exploit de trouver des justifications à la violence du régime : « on est en Afrique ici. La violence doit répondre à la violence ! »
Et tout ça avec une bonne foi désarmante. Arrive enfin l’heure de vérité ! À trop s’aimer sous la lune ougandaise, le couple adultère Garrigan/Mme Dada commet l’irréparable : elle est enceinte et donc perdue. Après une série d’empêchements et autant de rebondissements, la malheureuse est décapitée. Le scottish doctor se fait torturer en règle mais échappe à la mort grâce à une ficelle grosse comme la corde à laquelle il est suspendu quelques heures. C’est les yeux injectés de sang et sûr de mourir que notre écossais balance enfin sa vérité à Amin Dada : « vous êtes un enfant et c’est ça qui est flippant ! » Flippant, c’est vrai. Grâce à la géniale interprétation de Forest Whitaker qui revêt à merveille la tenue du satrape ougandais. Et qui sauve le film.
Malgré ses immenses qualités, Forest Whitaker, je le crains, s’est attaqué à un rôle que nul ne pourra jamais mieux tenir que l’original qui "joua" son propre rôle dans un film de Barbet Schroeder en 1974 (http://www.premiere.fr/premiere/cinema/magazine-et-exclus/interviews/barbet-schroeder-raconte-le-vrai-idi-amin-dada/(interviewPage_question)/1).
J’invite tous les amateurs du Roi d’Ecosse à y aller voir.
En fait, ce qui me dérange dans tout ce que j’ai lu à ce propos, est l’absence de référence à ce terrifiant document dont se rappellent tous ceux qui l’ont vu à l’époque. Je ne demande qu’à être contredit mais cette absence me paraît souligner la supériorité du documentaire sur la fiction et la peur du spectacle de se coletiner cette indépassable expression de la réalité.
Y a-t-il un intérêt à voir Forest interpréter Idi ? Ma conviction est , je m’étonne, que oui, si l’on veut prendre un raccourci vers le vif du sujet et oublier la fiction.
Que pense-t-il, lui l’Afroaméricain, de cette incarnation post-coloniale du "Roi-Nègre" que fut Amin Dada ? Comment l’accession au et à l’exercice du pouvoir d’un tel progressif dément, peut-elle ensanglanter un pays plus beau que le Paradis terrestre (je souhaite à tout le monde de traverser l’Ouganda !) ?
D’autres questions pourraient être posées qui répondront peut-être à la malédiction qui veut qu’un des pays les plus beaux du monde fût livré à l’imbécillité d’un seul et que le monde s’en accomadât.
Arrivé-touriste dans les malles d’un camion après la chute du dictateur, je me rapelle les yeux des survivants et leur gentil accueil.
Comme si le Paradis avait vocation de recommencer.
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