Films, amphores et punks à chien : trois jours au festival de Quend du film grolandais.
Dredi
Des picards vêtus de kilts soufflent dans leurs cornemuses, le président d’une célèbre Présipauté [1] tente un discours que les conditions techniques réservent à lui seul, des amphores humaines recouvertes de fourrure rose noire et orange exécutent des danses lascives, et une foule unanime hurle « À poil, Président ! ». Nous assistons à l’ouverture d’un événement qui depuis trois ans, pour les vrais cinéphiles, éclipse Cannes : le festival de Quend du film Grolandais. Avec la crème de la présipauté et ses citoyens d’honneur arrive la masse des festivaliers : essentiellement des punks à chien. Le punk à chien, dont l’habillement est variable mais nécessairement dépenaillé et troué, est, comme son nom l’indique, accompagné par un chien. Il boit de la bière à peu près continuellement, et crie « À poil » ou « beuuuuh » à intervalles réguliers.
Il partage avec l’autochtone picard (dur au mal) une vertu nécessaire à Quend : la patience. C’est donc avec sérénité qu’il prend le retard (une heure) du film d’ouverture, J’aurais voulu être un gangster de Samuel Benchetrit. Quatre petites histoires de gentils bandits autour d’une cafétéria, servies par des acteurs excellents et une esthétique réussie, à l’américaine, capable de donner du cachet à une aire d’autoroute du Limousin. L’heure est tardive, après un petit vomi de rigueur, il est temps de regagner sa tente.
Sadi
Alors qu’on visite le « musée de la patate » de Jan Bucquoy, en admiration devant des toiles figurant Tintin affublé d’un énorme phallus ou des « huiles sur toiles » confondantes de réalisme, une assemblée révoltée manifeste le long de la rue principale de Quend. Un unique slogan résonne, définitif : « Non, à la bière, sans alcool ». Plus loin, Noël Godin, qui dédicace son odyssée de l’entartrage, reçoit une patisserie sur l’épaule. Logique. Une horde de punks à chiens pogotte autour d’un groupe de punks à chien. Il est temps d’aller voir un second film. Je ne vois pas ce que l’on me trouve, incarné par l’excellent Jacky Berroyer, sorti en 1997 et apparemment passé inaperçu, montre le retour d’un humoriste dans sa région natale, le temps d’un week-end. Avant la projection, Berroyer dira que finalement « c’est plus ou moins ce qui se passe ici ». Il n’a vraisemblablement pas apprécié à leur juste valeur les demandes de photos adressées par quelques festivaliers (touristes ?) quelques minutes auparavant.
Le soir, après une spécialité Picarde (le méga-cheeseburger), on s’élance sur Sempre Vivu, de Robert Renucci. Fable kusturiquienne (et revendiquée comme telle) autour de la mort d’un notable Corse, le film ne possède pas le génie narratif des œuvres du maître slave, mais invente un univers fantasmagorique réussi et drôle. À quelques centaines de mètres, sur un immense écran gonflable c’est le tour de Quand la mer monte, de Yolande Moreau, présidente du Jury. Ce dernier travaille le Palmarès.
Gromanche
Résultat des courses : le Benchétrit et le Renucci obtiennent les prix du jury et coup de cœur. La suite est ici. On n’y a pas assisté : le gromanche, on ne fait rien, comme des gros manches..
[1] Pour les néophytes, il s’agit bien sûr de la Présipauté du Groland, dont des nouvelles sont données tous les sadi soir sur Canal + par Moustic et Michael Kaël, alias Benoît Délepine