Souchon est (en)chanteur : la souche sort un album live aux vertus de madeleine de Proust. On est tous des Français de (la) souche.
Alain Souchon avait déclaré à l’époque de son excellent album "Au ras des pâquerettes" (1999) qu’il allait probablement arrêter sa carrière, qu’il ne se voyait pas finir comme Ferré.
Heureusement, il n’a pas arrêté. Il a même publié, avec "Ecoutez d’où ma peine vient", l’un des plus beaux disques français de l’année 2008 (avec Bashung, Sheller, Manset, Murat et Christophe). Au moins, il ne finira pas comme Voulzy, c’est déjà ça.
Et pourtant, Souchon avait sorti en 2005 "La vie Théodore", album si calamiteux (à l’exception des deux bijoux « Et si en plus y’a personne » et « Le marin ») que Yves Simon en personne avait refusé de le chroniquer pour mon ouvrage « Chroniques de luxe (40 chanteurs francophones chroniquent le dernier album de 40 chanteurs francophones) » alors qu’il s’y était engagé. Yves, si tu nous lis…
Alors oui, Souchon est probablement un personnage faussement lunaire, agaçant par son côté « la vie serait tellement plus simple si on vivait au pays de Oui Oui ». Souchon n’a, de ce côté, rien à envier à Bruel. A un détail près : il a un talent édifiant (et Bruel ne connaît pas Ferré, sinon il n’aurait jamais rien enregistré). Souchon est aussi très probablement un très gros bosseur, même s’il joue sur le côté : « j’ai de la chance ». Qu’on soit passé aux 35 heures n’a rien changé à la qualité de son oeuvre, comme c’est bizarre.
Sa musique correspond aux canons de la grande variété , celle que l’on croisait sur les ondes en 1985 : "L’Aziza", "Mistral Gagnant", "Ballade de Jim", "Nuit sauvage", "Quelque chose de Tennessee", "Tombé pour la France", etc. Qu’est-ce que signifie la grande variété aujourd’hui ? Souchon est toujours aux avant-postes sans se renier, sans nouveau concept à chaque apparition, sans demander à Doc Gynéco ou à Grand Corps Malade d’écrire ses textes. Et un type qui cite Robert Zimmerman (Cf « Les regrets ») fait-il encore vraiment partie de la variété ? Et il gueule sur ce live, et ça vibre, plus que chez Johnny !
Ce double album est magnifique de bout en bout, Souchon est à son affaire, il déballe le tapis rouge pour son oeuvre exemplaire, il y met - avec ses musiciens - son coeur d’artichaut et ses tripes, et c’est peut-être cela qu’on appelle le bonheur.
Message à Saez et Soan : Souchon est la preuve qu’il ne suffit pas d’être déprimé ou faussement déprimé pour écrire de superbes chansons, habitées, intelligentes, senties, écorchées ou torturées (bien plus qu’elles n’en ont l’air).
Les fans ultras regretteront l’absence de « Ballade de Jim » ou de « Ultra moderne solitude », mais on ne va pas chipoter : Souchon a 66 ans, et basta !