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Sur une aire de repos

Escale / jeudi 21 août 2008 par Akram Belkaïd
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Il fait chaud, très chaud. Quelque part en Bourgogne, en lisière de l’autoroute A36 - l’une des veines du réseau Paris-Rhin-Rhône - des voyageurs se reposent ou déjeunent à l’ombre des châtaigniers.

Voici un break Volvo qui s’arrête. monsieur en sort le premier et se dirige d’un pas un peu trop décidé vers les lieux d’aisance. Sa femme, elle, porte une glacière vers une table et deux bancs en ciment. Lorsqu’il revient, l’homme ne lui adresse pas la parole et se met à manger l’un des deux sandwichs qu’elle a posés sur une assiette en carton. Il mâche en bougeant à peine les maxillaires tout en observant les occupants d’un van immatriculé au Danemark.

Ils sont quatre jeunes, deux garçons et deux filles, visiblement heureux de se dégourdir les jambes. Plein d’entrain, ils lancent des bonjours à tous ceux qu’ils croisent. Bon appétit, disent-ils même à celui qui a attaqué son second sandwich et qui leur répond d’un faible signe de tête. Justement, la tête, pourquoi la fait-il ? Pas un mot, pas un merci à l’épouse qui le sert et qui pique d’une fourchette en plastique blanc de la salade verte dans une barquette transparente.

L’a-t-elle obligé à s’arrêter ce qui, du coup, a cassé sa moyenne ? Elle a dû insister, lui répéter que pour leur bien commun, un arrêt toutes les deux heures est nécessaire comme le martèlent les panneaux électroniques qui surplombent régulièrement les voies de l’autoroute. Oui, peut-être, a-t-il dû lui rétorquer avant de céder, mais ça, c’est réservé aux autres. Moi, je veux arriver à temps pour l’Ile de la Tentation.

Une Peugeot 307 vient de s’arrêter. Immatriculée en Belgique. Son unique occupant est un rouquin, la trentaine, de grosses lunettes métalliques. Pas de pause pipi pour lui, ni de pause miam-miam non plus. En fait, le voilà qui se met à cavaler sur le bitume ce qui distrait, pour un temps, les autres voyageurs. Une petite course pour commencer puis des pas chassés suivis d’un net ralentissement et enfin un nouveau sprint qui manque de mal se terminer parce qu’un camion rouge vient de s’engager un peu trop vite dans l’aire de repos. En nage, visiblement fier de lui, le jogger remonte dans sa voiture et repart. Un Danois applaudit.

La dame de la Volvo tend un thermos à son époux au visage toujours fermé. Il refuse d’un geste puis se ravise. Va quand même pas rater le p’tit noir, non ? Pendant qu’il se sert, madame range la glacière dans le coffre puis se dirige vers la petite maisonnette où coule une eau qu’un panneau, qu’on a du mal à croire, affirme être potable. Monsieur, lui, a fini son café et s’est déjà installé au volant. Regards fréquents à sa montre, doigts qui tapotent le tableau de bord. Allons, madame, dépêchez-vous, votre époux sent qu’il a encore une chance de sauver sa moyenne.

Les Danois sont partis, la Volvo aussi. L’endroit semble bien plus calme qu’un square parisien. Bien sûr, il y a le proche grondement de l’autoroute mais, en tendant bien l’oreille, on entend chanter les oiseaux. Et pourquoi pas une sieste. Il fait tellement chaud. C’est sûrement l’intention de ce couple - la cinquantaine - qui vient d’arriver dans une Lexus, la voiture des faux riches affirme une dame à son époux qui semble n’y connaître goutte à l’automobile et au luxe. Dans la Lexus, donc, c’est la sieste. Oui mais voilà, monsieur a éteint le moteur, fermé les portières et branché l’alarme. Résultat, à chaque fois que lui ou sa femme bouge, un, deux, trois bips annoncent la sirène qui se déclenche immanquablement.

Au début, sous les châtaigniers, on rit et on s’amuse. Ah, ces Néerlandais sont tout de même bizarres. De quoi ont-ils peur ? Peut-être qu’on leur a conseillé de se méfier des gangs qui attaquent les touristes sur les aires de repos. Le problème, c’est que la plaisanterie stridente se répète plusieurs fois et que cela commence à râler sec. Le désagrément a pourtant un effet bénéfique. Il permet aux deux couples installés sur la pelouse, à quelques centimètres l’un de l’autre, d’entamer une discussion bien sonore.

Il pourrait la débrancher son alarme ? Ah ça oui, et vous allez où comme ça ? En Suisse et vous ? Nous, on s’arrête à Besançon. Remarquez, on pourrait pousser jusqu’en Suisse mais on ne l’a jamais fait. Ça roule bien là bas ? Bien sûr, sauf que les Suisses, ça conduit un peu comme les Parisiens ; z’êtes pas Parisiens, hein ? Non, on vient de Normandie et vous ? De Lille ; vous devriez essayer. Essayer Lille ? Non, la Suisse (rires). Ouais, mais ça doit être cher, non ? Pas trop et puis, là bas, on paie rien pour rouler sur les autoroutes. Comment ça rien ? Presque rien : juste la vignette et on a le droit de rouler toute l’année : ça coûte vingt-cinq euros ! Quoi ! Mais c’est ce qu’on paie pour un trajet entre Fleury-en-Bière et Besançon-Ouest ! Hé oui, ça coupe le sifflet, hein ? Attention, faut pas tricher. La première année, la vignette, je l’ai posée sur du papier adhésif transparent, comme ça j’aurais pu la décoller et la revendre à la frontière mais les Suisses ne sont pas nés de la dernière pluie. Le douanier m’a obligé à la coller. Une fois sur le pare-brise, si on veut l’enlever, elle se déchire ! Quand même, vingt-cinq euros par an pour rouler sur les autoroutes, c’est pas en France que ça arriverait ! Ah, ça non, c’est sûr (rires) !

L’alarme se déclenche de nouveau et interrompt ces considérations. La sieste des Néerlandais est compromise. Madame, robe de lin blanc, descend de la Lexus et va vers les pièces d’eau. Monsieur, chemisette, bermuda, chaussettes beiges et grosses sandales, fait quelques mouvements d’assouplissement en s’appuyant sur le coffre de sa voiture. Le geste est lent, ambigu et il déclenche le fou rire d’un couple arrivé en Opel Zafira. Revoici la Néerlandaise, mine pincée, main droite sur la poitrine. Elle croise deux touristes anglaises et leur conseille de faire demi-tour. « Dirty, very Dirty », leur dit-elle. Les Anglaises hochent la tête, affichent la mine de celles qui en ont vu d’autres et poursuivent leur chemin. Il fait toujours aussi chaud. La dame de la Zafira entame la lecture du mensuel Psychologies sous le regard goguenard de son mari. La Lexus et son alarme sont parties, les candidats à la sieste peuvent enfin s’endormir.

Voir en ligne : In le Quotidien d’Oran

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7 MESSAGES
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Forum

  • Sur une aire de repos
    le dimanche 24 août 2008 à 20:10, lili a dit :
    C’est nul.
    • Sur une aire de repos
      le lundi 25 août 2008 à 14:09, Chuck a dit :
      Nul ? Quand même moins que ton commentaire de commande…
  • Sur une aire de repos
    le jeudi 21 août 2008 à 23:51

    Texte d’ambiance, assez sympa.

    Mais pour ce qui est de la présence de châtaigniers au bord de l’A36, en Bourgogne, je doute… je doute … … Ne seraient-ce pas plutôt des chênes ?

  • Sur une aire de repos
    le jeudi 21 août 2008 à 11:02, Phil2922 a dit :
    Bien, et pas de grand-mère oubliée sur l’aire de repos…faut pas déconner non plus… !!
  • Sur une aire de repos
    le jeudi 21 août 2008 à 09:51, Alinéa a dit :
    Super ! On s’y croirait vraiment ! Allez, c’est pas tout, je dois reprendre le volant………
  • Sur une aire de repos
    le jeudi 21 août 2008 à 08:26

    A lire votre papier, on ne peut que se dire :

    Diantre que les femmes sont… "Belles", "Elégantes", "Naturelles", "Intelligentes", etc…

    Et que les hommes sont… "Beaufs", "Vulgaires", "Stupides", etc.

    Quand donc allez-vous arrêter (vous et beaucoup de journalistes) d’avoir ce regard tellement commun sur les hommes et les femmes et leurs relations ?

    Par exemple, celui qui mange son sandwich… Ne pourrait-on pas imaginer une autre interprétation à son silence ?

    Ne seriez-vous pas un peu biaisé, cher journaliste ?

    Quels démons avez-vous besoin d’exorciser ?

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